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Les références des bourreaux
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 02 - 2015


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Comme piqués au vif, les théologiens de l'islam politique et de l'absurdité, Al-Azhar en tête, se surprennent à crier aux faux Hadiths, eux qui en thésaurisent par milliers. Ils n'hésitent pas à se référer aux textes les plus controversés et les suspicieux, quand ceux-ci les arrangent. Mais lorsqu'il prend l'envie à des groupes ou à des individus de se référer aux mêmes sources, mais a contrario de la mode ou des règles du moment, c'est la levée de boucliers. De quoi s'agit-il ? Tout le monde sait ou subodore que Daesh et Cie, soit les militants et exploitants de l'islam politique, se préoccupent de l'Islam, autant qu'ils se soucient de leur première gandoura. Ils sont les plus gros consommateurs de hadiths, faibles ou apocryphes, ré-exhumés ou revalidés pour les besoins de leur cause, surtout s'il faut justifier la violence et le meurtre. Il y en a même qui se servent de hadiths authentiques pour les détourner de leur sens et suggérer d'autres pistes : un imam qui recommande de ne pas faire souffrir inutilement les animaux que l'on égorge, et a fortiori les êtres humains. C'est de l'horreur enveloppée dans des amulettes religieuses !
Ces derniers jours, nous avons encore eu droit à une nouvelle démonstration de cruauté inutile et gratuite, de celles qu'il est déconseillé religieusement de commettre à l'égard des animaux sacrifiés. Il s'agit de l'assassinat du pilote jordanien Moaz Al-Kassassibé, brûlé vif dans une cage par les islamistes de Daesh, comme en témoigne une vidéo diffusée mardi 3 février dernier. Au lendemain de cette annonce, les autorités jordaniennes ont procédé, en représailles, à l'exécution de Sadjida Richaoui, l'une des terroristes qui a participé aux attentats du 11 novembre 2005 à Amman (1). Comme s'il s'agissait d'ajouter de l'horreur à l'horreur, faire oublier la lapidation et la décapitation, et mieux anesthésier les consciences, ils ont introduit le supplice du bûcher. Déjà en possession d'une panoplie d'édits religieux, sans doute appris ou apprêtés par des imams dits modérés, ils ont eu le besoin d'un autre justificatif. Ils sont donc allés en quête d'un précédent dans l'Histoire, celui d'une exécution par le feu qui aurait été ordonnée par le calife Abou-Bakr.
Réagissant avec sa liberté de ton habituel à l'égard du fait religieux, le chroniqueur égyptien Ibrahim a affirmé que «la pensée islamique n'est pas étrangère à la sauvagerie de Daesh». Pour commettre ces crimes, cette organisation se réfère, selon lui, «à des méthodes, à des interprétations de versets et de hadiths qui existent réellement». Abou-Bakr Al-Seddiq a ordonné «de brûler vif un certain Al-Fadja Al-Silmi, et il est évident que Daesh s'est appuyé sur ce fait dans le cas de l'aviateur jordanien», a-t-il précisé, avant d'ajouter : «Personne ne peut se hasarder à critiquer le calife des musulmans là-dessus, sachant que des récits existent (2) attestant que ce dernier a regretté sa décision et s'en est excusé.»
Auparavant, et après les attentats meurtriers du Sinaï, Ibrahim Aïssa s'en était pris ouvertement, dans son émission «25/30» sur la chaîne ONTV (3), au recteur d'Al-Azhar, Ahmed Tayeb. Pour Ibrahim Aïssa, la réalité est que «le Dr Ahmed Tayeb partage les mêmes idées que Daesh» et il a les mêmes objectifs : «La peine de mort pour les apostats et l'instauration de l'Etat islamique. Ils ne divergent que sur les moyens d'y parvenir.» Dans la même veine, et sur l'ONTV également, le journaliste Youssef Al-Husseini estime que les méthodes d'enseignement d'Al-Azhar sont responsables de l'assassinat du pilote jordanien par l'Etat islamique. Dans cet acte, a-t-il dit, «Daesh a appliqué ce qui se trouve dans les livres que l'on enseigne aux étudiants d'Al-Azhar». Même cas pour Boko-Haram, «dont la moitié des responsables sont diplômés d'Al-Azhar et ont étudié cette calamité», a-t-il ajouté. De son côté, Imen Azzedine, la célèbre animatrice de la chaîne Al-Tahrir a sommé Ahmed Tayeb de dire s'il persistait toujours dans son refus d'excommunier l'organisation Daesh. «Cette organisation, a-t-elle argumenté, viole de façon claire et franche les préceptes de la religion musulmane, et je pense qu'il faut l'excommunier. Car accepter son maintien dans l'Islam, c'est s'associer à la plus grande conspiration contre l'Islam lui-même».
Le patron d'Al-Azhar a notamment justifié son refus d'excommunier Daesh par le fait qu'aucun musulman n'a le droit de décréter qu'un autre musulman est apostat. Refusant de rentrer en personne dans l'arène, il a chargé son adjoint, Tewfik Noureddine, de répondre aux critiques des médias. Ce dernier a estimé que ces critiques étaient en réalité «des attaques stipendiées». Il n'y a, selon lui, aucune raison à «ces attaques qui visent à nous éliminer du paysage actuel, au profit des laïcs». On sait désormais qui est l'adversaire le plus dangereux d'Al-Azhar, et qui fera l'objet de la prochaine fatwa d'excommunication.
A. H.
1. Pour ceux qui seraient tentés de s'apitoyer sur son sort, et il y en a, qu'ils sachent que l'attentat kamikaze auquel elle a pris part (sa ceinture n'a pas fonctionné) a coûté la vie à Mustapha Al-Akkad et sa fille. Pour rappel, Al-Akkad était le cinéaste auteur du film Le Message, qui a fait pour l'Islam beaucoup plus que les islamistes d'hier et d'aujourd'hui.
2. Lire à ce sujet Al-Bidaya-Oualnihaya (Le Commencement et la fin) d'Ibn-Kathir.
3. Le titre 25/30 a été choisi en référence aux dates du 25 janvier, jour-anniversaire de la révolution, et du 30 juin, jour de la grande marche qui a destitué le Président Morsi. Ce qui ne laisse pas de place à l'équivoque sur les idées politiques d'Ibrahim Aïssa.


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