La 40e cérémonie des Césars aura lieu le 20 février prochain au Théâtre du Châtelet à Paris. Une cinquantaine de films ont été nominés pour les vingt-et-un prix de l'une des plus grandes consécrations cinématographiques en France. L'Algérie y sera présente avec un court-métrage. C'est en 2010 que l'Algérie a fait grand bruit aux Césars lorsqu'un jeune acteur y décroche deux statuettes. Révélé par Jacques Audiard qui lui donne le premier rôle dans Un prophète, Tahar Rahim s'illustre dans une interprétation sobre et néanmoins sanguine qui lui vaut le prix du meilleur espoir masculine et celui du meilleur acteur. Abdel Raouf Dafri, un autre Franco-Algérien, obtient également le prix du meilleur coscénariste pour le même film. Mais cette année, ce sera le court-métrage qui marquera le retour de l'Algérie aux Césars. Les jours d'avant de Karim Moussaoui est parmi les six films nominés dans cette section. Coproduite par Taj Intaj et Les loupiottes (France), cette œuvre nous fait découvrir un cinéma singulier où le sujet traumatique qu'est la décennie noire est traité avec autant d'élégance que de force émotionnelle. L'histoire est celle de Jaber et Yamina, deux lycéens vivant dans uns banlieue d'Alger lorsqu'en 1994 la barbarie terroriste se révèle à eux dans toute sa férocité. Mais Les jours d'avant n'est nullement dans une démarche de témoignage sur une époque ; il l'approche, au contraire, à travers un récit intimiste, avec une narration à deux voix et des choix formels où la sobriété se mêle à la maestria. Le film semble d'abord s'inscrire dans une lecture artistique du rapport entre les deux sexes dans cette Algérie où la violence intégriste vient s'ajouter à celle, moins sanguinaire certes, du patriarcat et du traditionalisme. Et c'est pour cela que les mêmes événements seront racontés par Jaber et Yamina, en tant que deux subjectivités distinctes dont le ressenti et la façon d'être au monde sont construits selon une échelle de valeurs partiellement basée sur la discrimination sexiste. L'attirance silencieuse et à jamais inassouvie entre les deux lycéens est d'autant plus tragique qu'elle évolue dans un contexte doublement hostile : le conservatisme souvent agressif de la société et les tueries de plus en plus spectaculaires des terroristes. Malgré cette intensité dramatique et la charge émotionnelle qu'elle charrie, Karim Moussaoui ne cède à aucun moment au pathos ni à la surenchère. Tout, dans ce film, est une question d'atmosphère et de murmures, de lumières et d'ombres, de lutte entre éther et plomb, de poésie en équilibre entre dépouillement et résonnance, de mise en scène aussi ambitieuse que le scénario... Les jours d'avant sera en lice à la 40e Cérémonie des César aux côtés de «Aïssa» de Clément Tréhin-Lalanne, La femme de Rio d'Emma Luchini et Nicolas Rey, Inupiluk de Sébastien Betbeder, Où je mets ma pudeur de Sébastien Bailly et La virée à Paname de Carine May et Hakima Zouhani. Rappelons par ailleurs que le long-métrage Timbuktu d'Abderrehmane Sissako est le plus grand favori de cette édition 2015 avec sept nominations dont celles du meilleur film, du meilleur réalisateur et meilleur scénario original. Ce film a également été sélectionné aux Oscars et marque ainsi l'entrée historique du Mali et de la Mauritanie dans la liste des nominés pour cette suprême distinction.