Le colloque sur Frantz Fanon à Bruxelles est un événement important. La salle Gothique de la capitale européenne a revisité l'œuvre et la vie du Dr Fanon, nom de guerre pendant la résistance algérienne, le Dr Omar. Extraits. La salle Gothique de l'Hôtel de ville de Bruxelles a accueilli un évènement majeur en janvier dernier. Les Amitiés belgo-algériennes (LABA) et Mémoire coloniale et contre les discriminations ont monté un «spécial Frantz Fanon» d'excellente facture. Du beau, intéressant et intéressé monde a visité ou revisité les immenses vie et œuvre du Dr Omar, nom de guerre de Frantz Fanon pendant la lutte de Libération algérienne. L'Algérie et Frantz Fanon est une véritable histoire. De guerre. L'enfant natif de Fort-de-France et enterré à Aïn Karma, a saisi son statut d'indigène, de colonisé par le sort fait aux Algériens par la France coloniale. Médecin à l'hôpital psychiatrique de Blida en qualité de «Français» de Martinique, Fanon est troublé, secoué ; «quelque chose», il le sait, ne tourne pas rond. Le scientifique qu'il était, qu'il est — ses travaux sont toujours d'actualité — décortique le phénomène colonial, en étudie les mécanismes, remonte les pistes historiques du racisme, le colonialisme est l'acte raciste suprême d'Etat, et se met au boulot. D'abord en tant que médecin, les types de maladies soi-disant inhérentes aux indigènes, selon les théories raciales et/ou racialistes de l'époque, sont, de son point de vue, des pathologies dues à l'exclusion, la relégation, la non-reconnaissance de statuts humains — comme les Blancs —, la faim, le désespoir, la spoliation. Le cheminement intellectuel commence, alors, Peau noire, masque blanc, L'an V de la révolution (algérienne, évidemment) et les Damnés de la terr œuvres majeures ont été donc passées au peigne fin à la salle Gothique de Bruxelles. Gregory Cormann, prof de philosophie à l'Université de Liège, s'est penché sur les aspects, selon lui, les plus marqueurs de l'œuvre de Fanon. Il fait découvrir à l'assistance avec des éclairages scientifiques et modernes, le dispositif cérébral qui a emmené Fanon aux Damnés de la terre, L'An V de la révolution ou Peau noire, masque blanc. Le professeur G. Cormann a certes été très fouineur — temps de parole épuisé à plusieurs reprises — mais ô combien généreux et instructif dans ses démonstrations fanoniennes. Alors que Kalvin Soiresse Njal, Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMLCD) a opté, comment en aurait-il pu être autrement, pour la lecture politique, de résistance, militante de Frantz Fanon. Le Dr Omar a donc supplanté Fanon dans l'intervention de K.S Njal. Ils sont, pourtant, la même et unique personne. N'empêche ! Le Dr Fanon devenu le Dr Omar, avait déjà franchi un cap majeur, c'était le tournant. Fanon n'était, déjà plus, le Martiniquais, ni le Français de Fort-de-France, c'était un Algérien. La guerre de Libération de l'ALN-FLN était pour lui un aboutissement logique. Noir martiniquais colonisé, la résistance algérienne anti-coloniale était, en même temps (Les damnés de la terre), celle qui contrait le racisme. Pour Fanon-Omar, Senghor «était blanc» alors que le colonel Lotfi, Boussouf, Ferhat Abbas, Ben-Khadda, Boumediène ou Abane Ramadane étaient noirs (Peau noire, masque blanc). L'an V de la Révolution se comprend comme une volonté de traduire le soulèvement algérien en renaissance du continent africain (noir) et une compréhension de leurs statuts de colonisés des îles dont la Martinique, son pays natal. Même s'il respecte Aimé Cesaire qu'il différencie de Senghor dont le président algérien Boumediène a dit un jour «c'est un Noir mais il a le cœur blanc», Fanon ne croit guère en la négritude comme concept de branché de l'anti-colonialisme. Bwanga Pili-Pili, comédienne, a ensuite lu des extraits de la littérature de Fanon. Moments magiques. Faouzia Hariche, du collège Echebinal de la ville de Bruxelles, un représentant de l'ambassade d'Algérie en Belgique assistaient au colloque. Avant l'entame, Ghezala Cherifi, Amitiés belgo-algériennes (LABA), a lu une lettre, émouvante, d'Olivier Fanon à l'assistance. Dans la missive on comprend, aisément, le vœu du Dr Omar d'être enterré en Algérie plutôt qu'en Martinique. Ce qui fut fait en pleine guerre. Frantz Fanon a été enterré à Aïn Karma et la population refuse que l'on déplace sa dépouille vers le carré des martyrs à Al Alia. Le Dr Omar est pour l'éternité fils de Aïn Karma. D'Algérie.