Par Sarrab Larbi, Economiste-financier. Expert judiciaire agréé Depuis que le projet de loi de finances pour 2015 a été adopté par le Conseil des ministres et jusqu'au vote de cette loi puis à sa promulgation en date du 30 décembre 2014, les débats se sont focalisés sur l'unification du taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés – IBS — à 23%, applicables aux producteurs et aux importateurs, et sur le droit de timbre du passeport fixé à 6 000 DA. Alors que des dispositions fiscales qui engendreront, sans aucun doute, de profonds bouleversements dans les pratiques commerciales ainsi que dans la structure des contributions fiscales demeurent insuffisamment débattues, voire même occultées à ce jour à l'image des commissaires aux comptes qui ont choisi de traiter plutôt le thème du contrôle interne lors de leurs assises tenues les 25 et 26 février 2015. La loi de finances pour 2015 a, d'un côté, introduit des exonérations tous azimuts, et d'un autre, relevé le seuil de l'IFU à un chiffre d'affaires de 30 000 000 DA et élargi son champ d'application aux professions libérales, aux personnes des sociétés en nom collectif (SNC) et des sociétés civiles, aux sociétés assujetties à l'impôt sur le bénéfice des sociétés, SARL et SPA, ainsi qu'à tout contribuable qui exploite simultanément plusieurs établissements, boutiques, magasins et ateliers dès lors que le chiffre d'affaires total réalisé au titre de l'ensemble des activités exercées n'excède pas le seuil de 30 000 000 DA. Tous ces contribuables auront un impôt unique à verser une fois par an, au cours du mois de septembre, et qui regroupe TVA, TAP, IRG ou IBS. Notre contribution concernera les nouvelles exonérations devant être communiquées aux personnes concernées, afin qu'elles ne soient pas lésées dans leurs droits. Et face à la multitude et la diversité des avantages fiscaux octroyés au fil des années et même par la loi de finances pour 2015, nous nous limiterons aux nouvelles exonérations de la TAP et de l'IRG ou de l'IBS, aux exclusions du champ d'application de la TVA et à l'exclusion des professions libérales du champ d'application de l'IRG. 1- Exonérations de la TAP, de l'IRG ou de l'IBS Les dispositions relatives aux exonérations fiscales sont introduites chaque année par chaque loi de finances. Compte tenu de la diversité des activités et des opérateurs économiques concernés, nous nous contenterons d'énumérer que certaines des dernières exonérations introduites dans la loi de finances pour 2015. D'abord, commençons par une nouveauté unique dans les annales de la fiscalité algérienne : les nouveaux contribuables sont dispensés du paiement de l'impôt durant la première année d'exploitation. Ils ne deviennent redevables de l'impôt qu'à partir de la deuxième année d'exercice de leur activité. Ensuite, ils bénéficient d'exonérations de la TAP, de l'IRG ou de l'IBS pour une période variant entre 3 et 10 ans, en fonction des conditions à remplir, les activités et les opérateurs économiques suivants : - Les activités exercées par les jeunes promoteurs d'investissements, d'activités ou de projets, éligibles à l'aide du Fonds national de soutien à l'emploi des jeunes, du Fonds national de soutien au micro-crédit ou de la Caisse nationale d'assurance-chômage (dispositifs Ansej, Cnac et Angem). - Les clubs professionnels de football constitués en sociétés par actions. - Les investissements déclarés auprès de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). - Les investissements réalisés dans certaines activités relevant des filières industrielles suivantes : sidérurgiques et métallurgiques, liants hydrauliques, électriques et électroménagers, chimie industrielle, mécanique et automobile, pharmaceutiques, aéronautique, construction et réparation navales, technologies avancées, industrie agroalimentaire, textiles et habillement, cuirs et produits dérivés, bois et industrie du meuble. 2- Réduction du champ d'application de la TVA L'institution de l'IFU par la loi de finances pour 2007 a réduit le champ d'application de la TVA, puisque celle-ci est comprise dans cet impôt unique auquel étaient assujettis, jusqu'en 2014, les personnes physiques commerçantes de détail, les prestataires de services et les artisans relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lorsque leur chiffre d'affaires annuel n'excède pas 10 000 000 DA. Mais, conformément à l'article 30 de la loi de finances pour 2015, les affaires faites par les personnes dont le chiffre d'affaires global est inférieur ou égal à 30 000 000 DA sont exclues du champ d'application de la TVA. Que les personnes soient physiques ou soumises au régime du réel ou du forfait. La seule condition prescrite est de ne pas dépasser le seuil du chiffre d'affaires de 30 000 000 DA. Et conformément à l'article 8 du code des taxes sur le chiffre d'affaires – TCA —, le chiffre d'affaires global à considérer chaque année est celui réalisé durant l'année précédente. Ainsi, les contribuables soumis au régime du réel et qui ont réalisé par exemple en 2014 un chiffre d'affaires inférieur à 30 000 000 DA sont exclus du champ d'application de la TVA durant toute l'année 2015, quel que soit le montant du chiffre d'affaires réalisé. Heureusement que cet alinéa a été introduit, sinon les contribuables soumis au régime du réel qui dépasseraient en cours d'année le seuil du chiffre d'affaires de 30 000 000 DA seraient dans l'obligation de régulariser en annulant toutes les factures établies sans TVA pour les remplacer par d'autres incluant la TVA à collecter auprès de leurs clients. Ce qui aurait suscité de nombreux mécontentements. 3- Les professions libérales exclues de l'IRG : L'impôt sur le revenu global des personnes physiques a été institué en 1991. Il représente un impôt annuel unique applicable aux revenus ou bénéfices que le contribuable réalise ou dont il dispose chaque année. Jusqu'en 2014, les revenus assujettis à l'IRG et énumérés à l'article 2 du code des impôts directs et taxes assimilées comprenaient, entre autres, les bénéfices des professions non commerciales – BNC. La loi de finances pour 2015 a supprimé du champ d'application de l'IRG les bénéfices des professions libérales, en abrogeant les articles 22 à 29 du code des impôts directs et taxes assimilées relatifs à cette catégorie de bénéfices. C'est-à-dire que les médecins, avocats, architectes, commissaires aux comptes, experts comptables, comptables agréés, notaires, huissiers de justice et autres professions libérales sont soulagés de la déclaration annuelle de détermination de leur bénéfice dite G13 et bénéficient de l'exonération de l'IRG qu'ils versaient auparavant avant le 30 avril de chaque année. Et même, aucune obligation comptable ne leur est prescrite. En effet, les articles 26, 28 et 29 du code des impôts directs et taxes assimilées, abrogés par l'article 6 de la loi de finances pour 2015, disposaient que les contribuables qui perçoivent des bénéfices non commerciaux sont soumis au régime de la déclaration contrôlée, en ce qui concerne le mode de détermination du bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu global. Ils sont tenus de souscrire, au plus tard le 30 avril de chaque année, une déclaration spéciale mentionnant le montant exact de leur bénéfice net appuyée de toutes les justifications nécessaires et doivent tenir un livre journal côté et paraphé par le chef de l'Inspection des impôts de leur circonscription, qui retrace le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. Ainsi, les professions libérales ne figurent plus parmi les contribuables assujettis à l'IRG sur le fondement de l'article 10-2 du code des impôts directs et taxes assimilées qui dispose que «le revenu net global annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux articles 11 à 76...». Et comme l'article 6 de la loi de finances pour 2015 a abrogé les articles 22 à 29 et 32, désormais l'IRG ne concerne que les bénéfices ou revenus nets visés aux articles 11 à 20 et de 33 à 76, à savoir les bénéfices industriels et commerciaux, les revenus agricoles, les revenus fonciers provenant des propriétés bâties et non bâties louées, les revenus des capitaux mobiliers et les traitements, salaires, pensions et rentes viagères. Ainsi, les professions libérales soumises au régime du réel deviennent exonérées de l'IRG. Par contre, celles qui sont soumises au régime du forfait sont imposables à l'impôt sur le revenu inclus dans l'IFU. Nous ne retrouvons leur présence que parmi les contribuables assujettis à l'IFU tel qu'il est précisé à l'article 13 de la loi de finances pour 2015. Au terme de notre contribution, nous estimons que ces nouvelles dispositions fiscales devaient être communiquées et expliquées pour permettre aux opérateurs économiques et aux membres des professions libérales de s'imprégner de leurs droits et leurs nouvelles obligations fiscales et comptables et pour permettre aux structures de l'administration fiscale d'accomplir efficacement leurs missions. Ce qui aurait évité l'application de dispositions abrogées telles que le taux proportionnel de l'IRG à 20% au lieu du taux progressif défini à l'article 104 du code des impôts directs et taxes assimilées, et évité également la présentation de la déclaration annuelle des professions libérales dite G 13 suite à l'abrogation de l'article 28 du même code.