Dans son dernier album, qui a fuité avant sa date de sortie officielle le 23 mars, le rappeur Kendrick Lamar livre une introspection et une réflexion sur la lutte antiraciste, avec un invité posthume : Tupac Shakur. Le rappeur de 27 ans, qui n'avait plus sorti d'album depuis près de trois ans, réfléchit dans To Pimp a Butterfly au racisme et aux inégalités auxquelles doivent faire face les Noirs américains au quotidien. L'album a battu un record d'écoutes en une seule journée, lundi, sur le service d'écoute en flux Spotify, où il a été entendu plus de 9,6 millions de fois dans le monde, selon ce service qui revendique 60 millions d'utilisateurs. Le record précédent était détenu par l'album Christmas de Michael Bublé en 2011. Spotify et ses concurrents tels que Rhapsody, Google Play ou Deezer ont bénéficié en fait de la sortie prématurée de l'album sur internet. En l'absence d'album physique, qui doit sortir la semaine prochaine, et comme l'album a été retiré plusieurs heures de la discothèque iTunes, ces services de streaming restaient les seuls endroits où l'écouter. «Une fois que tu as 30 ans, c'est comme s'ils arrachaient le cœur et l'âme de l'homme — de l'homme noir — dans ce pays», confiait l'ancien roi du rap américain Tupac Shakur en 1994 à un journaliste. Ces mots ressurgissent dans l'album de Kendrick Lamar, comme dans un dialogue avec le rappeur. To Pimp a Butterfly conserve le rythme funk propre au rappeur tout en recherchant des allusions historiques plus profondes. Chose inhabituelle pour ce genre d'albums, il comprend également de longs passages parlés qui ne sont pas accompagnés de musique. L'album très engagé démarre avec Wesley's Theory, morceau dans lequel Kendrick Lamar parle de l'emprisonnement de l'acteur Wesley Snipes pour évasion fiscale comme d'un présage pour l'émergence de stars américaines noires. Le rappeur ne tombe pas pour autant dans les clichés. Il retourne les injures les plus grossières pour provoquer, comme dans The Blacker the Berry. «Mes cheveux sont collés, ma b... est grosse, mon nez est rond et large, tu me détestes, n'est-ce pas ? Tu détestes mes semblables, ton but est d'exterminer ma culture», rappe-t-il. «Je veux que tu reconnaisses que je suis un singe fier.» Par sa musique, Kendrick Lamar tente de lutter contre la dépression et recherche l'estime de soi. Dans Mortal Man, il évoque son sentiment de culpabilité pour s'être extirpé des quartiers pauvres. Avant que son album ne fuite dimanche soir, ceux des chanteuses Bjork et Madonna avaient connu le même sort récemment. La lutte contre les discriminations constitue la métaphore centrale de To Pimp a Butterfly, dont le titre est un jeu de mots avec celui de la célèbre nouvelle de l'Américaine Harper Lee, To Kill a Mockingbird (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur), qui raconte l'histoire d'une injustice raciale.