Ce devait être une manifestation tranquille, comme on en organise un peu partout, même si, à l'occasion, on pouvait s'attendre à prendre connaissance de beaucoup de faits et de souvenirs narrés par de proches compagnons d'armes de l'illustre personnage qu'est le colonel Amirouche. Tout allait comme l'avaient prévu les responsables du Musée régional du Moudjahid de Tizi-Ouzou, organisateur de la semaine de la mémoire en hommage, donc, au colonel Amirouche. Des témoignages de MM. Slimane Laïchour et Mohamed Sedki, respectivement homme de liaison et compagnon du colonel, puis les habituelles interventions du public meublèrent les deux heures du début de cette journée. Mais, il fallait compter sans le grain de sel si particulier de Nordine Aït Hamouda qui, évidemment, ne pouvait pas laisser passer l'évènement sans qu'il introduise sa touche, bien qu'il ne comptât pas parmi le personnel invité pour une communication ou autre contribution. Nordine Aït Hamouda s'est ainsi offert une intrusion tonitruante, lui qui s'est, d'entrée, offusqué du fait qu'aucun «officiel» ne brillait par sa présence, contrairement à d'autres colloques, comme celui dédié à Messali Hadj et auquel de nombreux membres du gouvernement ont assisté. Il venait, comme tous les présents dans l'amphithéâtre l'ont compris, de donner le ton de son inattendue intervention, sous le regard placide de Daho Djerbal, convié pour une communication et, pour ceux qui ne le savent peut-être pas, un de ces historiens qui ne partagent pas grand-chose avec l'invité-surprise de la manifestation. De Ben Bella à Messali, Nordine Aït Hamouda ne se privera pas de (re)dire tout ce qu'il pense et surtout réitérera les faits de l'Histoire qui font de ces deux personnalités, à son jugement, des traîtres. Ce qu'a enduré la dépouille d'Amirouche après l'indépendance, l'Histoire frappée de l'interdiction de la lire ou de l'écrire, et les contrevérités historiques, du moins ce qu'il estime en tant que telles, de Mohamed Harbi notamment, tout a été passé en revue par un Nordine Aït Hamouda qui, pour clore son intervention, s'est tourné vers les nombreux anciens moudjahidine qu'il implorera presque de mettre fin à leur silence. «Parlez de la Bleuite, parlez de tout, faites sauter les tabous, dites tout sur l'Histoire de la Révolution avant qu'il ne soit trop tard...», lancera-t-il aux anciens jusqu'à les haranguer avant de demander aux présents de méditer sur le pourquoi de la mise au secret des chiffres de la Révolution, avancés lors du Congrès de la Soummam. «Ils ne veulent pas que les Algériens prennent connaissance des effectifs des moudjahidine à travers toutes les wilayas historiques et les zones, les armes, les fonds... Ces statistiques illustrent parfaitement ce qu'a été la Kabylie lors de la Révolution», assure Nordine Aït Hamouda avant de prendre congé sans même entendre ce que Daho Djerbal avait à dire sur les sujets qu'il venait d'étaler devant une assistance réveillée de sa torpeur des premiers moments de cette journée. Se sentant interpellé, Djerbal se contentera de quelques réponses vite expédiées, non sans avoir auparavant affublé d'extrémistes ceux qu'il présente comme des hommes politiques qui se mêlent de l'Histoire, après avoir dit regretter de s'être retrouvé, hier, devant une tribune politique et pas un hommage. L'historien se sentira tout de même le devoir de faire l'éloge des messalistes, auteurs des premières actions à Alger au déclenchement de la Révolution et dont beaucoup ont été emprisonnés et d'autres exécutés à Serkadji.