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PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
Pourquoi ils nous empoisonnent la vie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 04 - 2015


Par le Pr.Kamel Sanhadji (*)
«Et voilà ce que ton Seigneur révéla aux abeilles : prenez des demeures dans les montagnes, les arbres et les treillages que les hommes font. Puis mangez de toute espèce de fruits et suivez les sentiers de votre Seigneur, rendus faciles pour vous. De leur ventre, sort une liqueur, aux couleurs variées, dans laquelle il y a une guérison pour les gens. Il y a vraiment là une preuve pour des gens qui réfléchissent. »
Versets 68 et 69 de la sourate 16
«Les abeilles» («An-Nahl»), Coran.
Une illustration simple de la vie de tous les jours sonne l'alerte. En effet, il est inutile d'y aller par quatre chemins, la dissémination des sacs en plastique (appelés «les sachets») en Algérie est un sport national. Les pouvoirs publics veulent en réduire la production, voire l'interdire ; pourtant, leur production augmente d'année en année. On en a de partout et de toutes les couleurs. Une pollution de la vue et de la vie. Elle peut durer 400 ans avant de disparaître de la nature. Les «poisons» à petites doses qu'elle contient sont le bisphénol A, les parabènes et les phtalates. Nous y reviendrons dans cette contribution. A côté des métaux lourds, des particules fines du gas-oil et du monoxyde de carbone, qui jouent le rôle de «stars» dans le livre noir de la santé environnementale, il est d'innombrables substances qui attaquent notre organisme sans que nous ayons conscience de leur action, voire de leur existence. Les perturbateurs endocriniens se trouvent aux premiers rangs de cette armée de l'ombre. Une attention croissante a été portée depuis plusieurs années aux effets indésirables de nombreux composés chimiques présents dans l'environnement, regroupés sous le terme général de «perturbateurs endocriniens» (PE). Un perturbateur endocrinien a été défini comme «une substance exogène, ou un mélange de substances, altérant le fonctionnement du système endocrinien (système hormonal), entraînant des effets indésirables sur des individus en bonne santé, leur descendance ou des sous-groupes de population».
Les substances concernées peuvent, en principe, interférer avec le fonctionnement des diverses glandes endocrines et leurs médiateurs (hormones), mais la très abondante littérature sur ce sujet concerne essentiellement les altérations des fonctions hormonales sexuelles et reproductrices contrôlées par les stéroïdes (hormones) sexuels endogènes. Les perturbateurs endocriniens peuvent exercer un effet agoniste (effet exagéré par mimétisme) ou antagoniste (blocage) sur les récepteurs des hormones naturelles, ou interférer avec la production et/ou l'action de ces dernières. Ils incluent des composés de structure chimique et d'utilisation très différentes (additifs alimentaires, pesticides, médicaments, plastifiants, retardateurs de flamme, dioxines et polychlorobiphényles, composés de métaux, phyto-œstrogènes...).
Les risques de tels effets indésirables ont été bien illustrés par les conséquences de l'utilisation, entre 1938 et 1971, du Distilbàne (diéthylstilboestrol ou DES). Ce composé, premier œstrogène de synthèse, a été utilisé cliniquement (durant cette période sur la base d'études mal étayées) chez quelques millions de femmes pour prévenir les risques d'avortement spontané. Les conséquences de tels traitements se sont manifestées quelques années plus tard, lors de l'apparition de lésions chez les enfants nés de mères ainsi traitées. Ces enfants ont donc été exposés à une stimulation œstrogénique durant leur vie intra-utérine : adénocarcinomes du vagin et du col utérin, complications de grossesses, infertilité chez les filles, kystes épididymaires (conduits testiculaires des spermatozoïdes) chez les garçons. Ces antécédents ont naturellement accru la vraisemblance que des risques sur la santé humaine peuvent résulter, entre autres, de l'exposition intra-utérine à des perturbateurs endocriniens.D'autres constats ont encore contribué à ces préoccupations. Ainsi, il apparaît que la fertilité masculine dans les pays occidentaux, exprimée notamment par la qualité du sperme, baisse progressivement depuis quelques décennies. A ce constat s'ajoutent l'augmentation marquée de la prévalence de malformations génitales du garçon telles la cryptorchidie (absence de descente testiculaire dans le site), l'hypospadias (malformation du conduit dans lequel s'écoule l'urine de la vessie à l'extérieur) et du cancer testiculaire. L'ensemble de ces anomalies, chez le garçon, est appelé «syndrome de dysgénésie testiculaire». De plus, des observations récentes au Danemark indiquent que l'âge d'apparition de manifestations pubertaires chez les filles (selon la classification de Tanner) a reculé de 12 mois en 15 ans (9,9 ans en 2006 contre 10,9 ans en 1991).
Les mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens
Afin de bien comprendre les mécanismes mis en œuvre par les perturbateurs endocriniens, un bref rappel biologique s'impose. Le corps humain constitue une machinerie complexe dont le bon fonctionnement dépend – entre autres – des hormones, substances chimiques élaborées par un groupe de cellules ou un organe et qui exercent une action spécifique sur un autre tissu ou un autre organe.
Le pancréas, l'hypophyse, la thyroïde, les reins, les ovaires ou encore la prostate sont quelques exemples parmi les plus connus d'organes qui synthétisent les hormones. Celles-ci se déplacent ensuite via le flux sanguin jusqu'à leur «cible» (tissu, cellule ou autre organe) où elles assurent le maintien de diverses fonctions de l'organisme indispensables au développement et à la reproduction. La perturbation endocrinienne se caractérise non pas par un effet toxique direct mais par une modification du système de régulation hormonale susceptible de provoquer un effet toxique.
Les perturbateurs endocriniens se définissent par conséquent en fonction des mécanismes d'action et non de leurs propriétés chimiques intrinsèques. Un perturbateur endocrinien est donc une molécule qui mime, bloque ou bouleverse l'action d'une hormone, aboutissant à perturber le fonctionnement normal d'un organisme.
Plus précisément, un produit chimique ingéré par un être humain ou un animal peut bouleverser son équilibre hormonal à travers les modes d'action suivants :
- imiter le comportement d'hormones naturelles en se fixant, comme elles, sur des récepteurs cellulaires, ce qui entraîne une amplification des réactions chimiques normales. On parle alors d'«effet agoniste» ;
- annihiler des récepteurs cellulaires en empêchant des hormones naturelles de s'y fixer et de communiquer leurs messages aux cellules cibles. On parle alors d'«effet antagoniste» ;
- troubler les mécanismes de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs cellulaires, ce qui tend à réduire ou à accroître les concentrations hormonales présentes naturellement dans l'organisme. On parle alors d'«interférence» :
- au cours de la formation de l'embryon et du fœtus en modifiant le nombre de récepteurs opérant sur les cellules ;
- perturber l'action des protéines chargées de réguler les taux d'hormones circulant dans le sang ;
- agir directement sur la synthèse des hormones, sur les mécanismes grâce auxquels elles sont transportées dans l'organisme ou sur leur élimination naturelle.
Certaines substances, aussi bien naturelles qu'exogènes, ont la propriété de perturber ce mécanisme. On regroupe sous le terme de perturbateurs endocriniens les agents importés dans l'organisme et qui interfèrent avec la synthèse, la sécrétion, le transport, la liaison, l'action ou l'élimination des hormones. Ils se déclinent en une large gamme de substances que l'on trouve dans de nombreux produits faisant partie de notre quotidien : cosmétiques, pesticides, flacons en plastique, éléments à base de PVC... Parmi ces substances, quatre catégories sont considérées comme étant particulièrement «à risques» : le bisphénol A, les parabènes, les polychlorobiphényles (PCB) et les phtalates.
Interdits depuis 1986, les PCB avaient jusqu'alors été abondamment utilisés pour leurs propriétés isolantes (lubrifiants dans les turbines, pompes et dans les transformateurs électriques). Ils sont aujourd'hui disséminés dans l'environnement et dans nos organismes.
Des attaques multiformes
Les perturbateurs endocriniens interfèrent de multiples façons avec le bon fonctionnement de notre organisme. Ainsi, ils réduisent la production d'hormones dans les glandes endocrines et influent sur leur émission et/ou leur métabolisme dans les tissus cibles. Ils stimulent ou, au contraire, bloquent leur action.
Cette action parallèle peut avoir de nombreuses conséquences à long terme. Chaque processus contrôlé par une hormone est en effet susceptible d'être mis à mal. La fertilité peut ainsi être affectée à la fois par des substances dites «anti-androgéniques», qui contrecarrent les hormones mâles (androgènes) et par des «œstrogènes-like» qui jouent le rôle des hormones œstrogènes, même lorsque celles-ci ne sont pas censées être à l'œuvre.
Les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets des perturbateurs endocriniens et plus encore en cas d'exposition lors du développement fœtal. C'est en effet à ce stade que s'opère la construction de l'organisme, pilotée par les hormones. Le développement des membres et des organes et la différentiation du sexe constituent ainsi autant d'étapes cruciales sur lesquelles les perturbateurs endocriniens peuvent avoir un impact. Et la moindre erreur de «message» risque de générer des conséquences importantes à court comme à long terme. Or, contrairement à ce que l'on a longtemps cru, le placenta ne constitue pas une barrière inviolable et il ne protège donc pas le fœtus de ces attaques extérieures. Le distilbène (hormone de synthèse prescrite chez la femme entre 1950 et 1971, pour prévenir les fausses couches, les risques de prématurité et le traitement des hémorragies gravidiques) et la Thalidomide (médicament prescrit chez la femme enceinte entre 1950 et 1960, comme sédatif et anti-nauséeux) illustrent dramatiquement les impacts que peuvent avoir les perturbateurs endocriniens sur les bébés en cas d'exposition pendant la grossesse. Ces deux médicaments destinés aux femmes enceintes, engendrèrent des dommages considérables chez les enfants nés de mères qui y avaient eu recours. Dans un cas, on se trouva face à des malformations de l'utérus et à divers cancers de l'appareil génital ; dans l'autre, les bébés naquirent sans membres, les pieds ou les mains directement «accrochés» au tronc.
La vigilance est de mise face à une réglementation insuffisante
Bien que les instances européennes soient réellement soucieuses de protéger les populations des dangers des substances chimiques, force est de constater que les réglementations actuelles sont insuffisantes. D'une part, elles se concentrent principalement sur les risques d'exposition à une seule substance, alors que nous sommes en permanence confrontés simultanément à une multitude de produits nocifs dont les nuisances se cumulent, voire se démultiplient.
D'autre part, si certains textes législatifs interdisent l'utilisation de substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, ils laissent libre cours aux perturbateurs endocriniens dont les effets à terme ne sont pourtant pas moins dévastateurs. La recherche scientifique sur ces substances doit être renforcée. Aussi, des formations spécifiques doivent être systématisées à l'usage des professionnels de la santé concernant les sources et les effets de l'exposition aux contaminants environnementaux durant la grossesse et le reste de la vie. Enfin, une meilleure information des patients et du public, via des outils d'information adaptés, doit être réalisée.
Pour l'heure, faute de restrictions efficaces, le meilleur moyen de se protéger réside dans nos choix et comportements. Il importe, par exemple, de veiller à la qualité de l'air intérieur en ventilant régulièrement les espaces vitaux, car un grand nombre de substances se fixent sur les poussières qui pénètrent dans notre organisme lorsque nous respirons. Autre priorité : privilégier les produits de soins corporels ne contenant ni parfums ni parabène. Les produits porteurs du label «Cygne nordique» (écolabel montrant un cygne blanc avec des ailes déployées sur fond vert) répondent à ces conditions, mais à défaut de label, il est toujours possible de consulter la liste des ingrédients et d'éviter les méthyl-, éthyl-, butyl- et propylparabène.
A côté de ces mesures prophylactiques et par-delà le cas des perturbateurs endocriniens, il importe que nous nous interrogions collectivement sur notre utilisation immodérée des substances chimiques. Pendant plus d'un demi-siècle, nous avons joué aux apprentis sorciers en les mettant et en les incorporant à plusieurs produits fabriqués. Le moment est venu de décider quels risques nous sommes prêts ou non à courir ?
Les voies d'exposition aux perturbateurs endocriniens : notre entourage
Pour agir sur les hormones, les perturbateurs endocriniens pénètrent dans l'organisme des êtres vivants qu'ils contaminent via plusieurs interfaces :
– les voies digestives, pour ce qui concerne les produits présents dans les aliments et les boissons, les contenants alimentaires comme les bouteilles ou les films en plastique, les médicaments, les maquillages et baumes à lèvres, les dentifrices et autres rince-bouches, les objets et gadgets en plastique, à commencer par les jouets portés à la bouche par les enfants ;
- le système respiratoire constitue un autre vecteur d'ingestion, les poussières inspirées pouvant contenir des molécules de perturbateurs endocriniens émanant de parfums, de vapeurs de revêtements de sol, de peinture, de plastique, de détergents ou encore de gaz ou d'hydrocarbures ;
- la surface de la peau absorbe, aussi, les substances chimiques nocives présentes dans les différents types de cosmétiques, parfois employés quotidiennement, qu'il s'agisse de crèmes hydratantes, de mousses à raser, de produits de maquillage pour le visage, les yeux ou les ongles, de colorants pour les cheveux, de lotions, de savons, de déodorants ou de lingettes pour le corps.
La contamination peut enfin intervenir, par les voies cutanée ou digestive, à cause de la consommation d'eau du robinet ou à son contact. En effet, les eaux de surface et des nappes phréatiques contiennent des traces de nombreux perturbateurs endocriniens, provenant de composés industriels, de médicaments à usage humain ou vétérinaire ainsi que de produits de nettoyage, d'hygiène ou de beauté, non éliminés par les dispositifs de traitement des polluants industriels et des eaux usées. En tout état de cause, un déficit de connaissance demeure en ce qui concerne les modes de migration des substances chimiques dans les organes.
Les catégories de produits concernés
Depuis le début des années 2000, grâce aux progrès des recherches, le nombre de produits chimiques identifiés comme préoccupants en tant que perturbateurs endocriniens ainsi que la diversité de leurs effets sur la santé humaine et la faune ont crû dans des proportions importantes. Tous les domaines de consommation courante sont aujourd'hui concernés :
- les produits alimentaires,
- les emballages alimentaires,
- les cosmétiques,
- les pesticides et autres produits chimiques,
- les matériaux plastiques,
- les vêtements,
- les matériaux d'ameublement,
- les revêtements de sol et de surface,
- les composants électroniques,
- le papier. En bref, les perturbateurs endocriniens à éviter impérativement sont le bisphénol A, les parabènes et les phtalates. Le bisphénol A est rencontré dans certains contenants en plastique tels que les biberons. Afin de l'éviter, il est préférable de privilégier les contenants en verre et éviter de chauffer les contenants en plastique ou d'y mettre des aliments chauds. Quant aux parabènes, ces derniers sont souvent ajoutés dans les produits cosmétiques. Les cosmétiques labellisés «Cosmebio» ne peuvent contenir des parabènes, mais ceux-ci peuvent par contre être présents dans les ingrédients à hauteur de 0,5% de phénoxyéthanol et d'acide hydroxybenzoïque (métabolite commun des parabènes). L'utilisation de produits de beauté sans parabènes identifiés par le label «Cygne nordique» est recommandée.
Et enfin les phtalates sont inclus dans une large gamme de produits tels que les cosmétiques, les shampoings, certaines crèmes anti-rides, les parfums, les jouets, les textiles, les tapis, le mobilier, les emballages en plastique, l'intérieur des voitures, les matelas à langer, les sols, les rideaux de douche... La seule solution pour les éviter est de consulter attentivement l'étiquette des produits et de rejeter les quatre phtalates les plus dangereux, à savoir les DEHP ou di(2-ethylhexyl) phtalate, DBP ou dibutyle phtalate, DIBP ou di-isobutyl phtalate et BBP ou benzylbutyle phtalate.
La biosurveillance : une recherche primordiale
Surveiller les risques liés aux substances chimiques, en particulier les polluants qui provoquent des perturbations endocriniennes, est un des enjeux importants de la mise en œuvre des réglementations récentes.
Un pôle national, en toxicologie et en écotoxicologie, doit émerger pour explorer les mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens sur l'environnement. Afin de mesurer leur impact sur les écosystèmes, les équipes de recherche doivent mettre au point des outils bio-analytiques de caractérisation des substances et des méthodes de surveillance des milieux fondées sur une approche multi-biomarqueurs (capteurs électroniques, «capteurs biologiques» tels que les abeilles, les poissons et les oiseaux). Un réel «Grenelle» de l'environnement doit être mis en place pour préconiser une recherche scientifique et un renforcement en toxicologie et en écotoxicologie aux fins de garantir un environnement respectueux de la santé et de la biodiversité. Il a vocation à devenir le centre de référence sur les méthodes alternatives en expérimentation animale pour l'évaluation des substances chimiques. Dans ce cadre, cette recherche scientifique pourra étudier les perturbations endocriniennes générées par certaines substances chez les organismes vivant dans les milieux aquatiques, notamment en développant des recherches pour mieux connaître les mécanismes d'action de ces substances sur plusieurs espèces de poisson.
Des travaux de recherche ont été mis en place en Europe. Ces premiers travaux ont porté sur les effets œstrogènes mimétiques. Ils ont contribué à mieux appréhender la complexité de l'impact des perturbateurs, qui interviennent sur différents mécanismes à divers stades de développement des organismes. Ces recherches ont aussi permis de développer des outils fondés sur l'identification de marqueurs biologiques, capables de mettre en évidence l'effet «perturbateur endocrinien». Ils sont utilisables à la fois dans le cadre de la caractérisation des substances et de la surveillance des milieux. La caractérisation et la quantification des substances se sont notamment appuyées sur des méthodes de culture cellulaires in vitro. Ces bio-essais ont permis de détecter le potentiel perturbateur endocrinien de certains pesticides. Cette approche in vitro constitue l'un des axes de développement de méthodes alternatives en expérimentation animale. En matière de surveillance des milieux, dans le contexte de multi-pollution, l'étude des abeilles est riche d'enseignements. Il s'agit d'un véritable marqueur de pollution. Ainsi, il a été constaté des mortalités inquiétantes au niveau des ruchers. Ruchers décimés par la pollution et la contamination générées par l'homme.
En effet, des mortalités allant en moyenne de 40% à 100% dans certains endroits nous interpellent sur le degré de pollution de la flore environnementale par les pesticides. Les abeilles partent pour butiner et ne reviennent plus à la ruche.
Elles se sont «empoisonnées», victimes d'un nectar floral contaminé par les pesticides répandus par les hommes aux prises du rendement et du gain agricole. Aussi, il est plus que nécessaire de limiter l'utilisation des pesticides en ayant recours à d'autres méthodes alternatives et d'éviter la monoculture en diversifiant la flore. Cette approche «multibiomarqueurs» ne se limite d'ailleurs pas aux perturbations endocriniennes : elle constitue une stratégie globale d'évaluation des effets de la contamination sur différentes fonctions physiologiques d'un organisme vivant (stress oxydant, neurotoxicité, immunotoxicité...).
Plusieurs études scientifiques ont montré que des substances à activité hormonale (ou anti-hormonale) sont largement distribuées dans l'environnement et se retrouvent également dans l'alimentation humaine, soit en tant que constituants naturels (comme les phyto-œstrogènes), soit comme substances d'origine anthropogène (par exemple, les pesticides organochlorés). Diverses observations concernant aussi bien la faune sauvage que l'espèce humaine ont conduit à désigner ces produits à activité hormonale de perturbateurs endocriniens.
De nombreuses études écotoxicologiques ont mis en évidence des perturbations importantes de la fertilité de la faune sauvage, notamment dans des zones contaminées par des pesticides.
Chez l'homme, des études épidémiologiques ont montré une augmentation significative de certains cancers (entre autres, celui des testicules) et, comme nous l'avons évoqué, une diminution de la fertilité masculine. Les substances à effet œstrogènes sont souvent visées, mais d'autres effets dus à des hormones stéroïdes sexuelles sont de plus en plus fréquemment mis en évidence (effet anti-androgène par exemple).
De nombreuses inquiétudes émergent quant aux effets à long terme sur la santé humaine liés à une exposition chronique à ces substances par la voie alimentaire. Il est urgent de faire le point, non seulement sur la contamination effective de notre alimentation par des perturbateurs endocriniens (en termes d'identification et de quantification de chaque substance individuelle), mais également sur l'activité potentiellement toxique d'une alimentation contenant un mélange de contaminants à des concentrations inférieures à leur seuil individuel de toxicité. En conclusion, la présence de perturbateurs endocriniens dans notre alimentation nuit-elle gravement à notre santé ? A court terme (toxicité aiguë), la réponse est certainement non, mis à part des cas exceptionnels de contamination accidentelle ou volontaire des denrées alimentaires.
Et les effets à long terme ?
La situation pourrait sembler rassurante, pour quelques groupes de molécules en tout cas, puisque des textes légaux prévoient des limites maximales de résidus dans les denrées alimentaires ainsi qu'un monitoring de celles-ci (comme pour les dioxines, PCBs et quelques pesticides). Mais il subsiste un grand nombre de substances industrielles, dont certaines sont connues pour leur toxicité mais pour lesquelles rien n'est encore prévu (par exemple les retardateurs de flamme bromés ajoutés à beaucoup de produits industriels, comme les plastiques et les textiles, pour les rendre moins inflammables), tandis que d'autres n'ont jamais fait l'objet d'études toxicologiques. Des programmes nationaux devraient combler cette lacune et éviter qu'à l'avenir, on constate les effets néfastes de certains produits seulement après plusieurs années d'utilisation (comme cela fut le cas pour les pesticides organochlorés).
Si on considère les molécules individuellement, la situation devrait alors être sous contrôle. Il subsiste cependant de nombreuses interrogations quant à l'effet délétère de la présence, dans l'alimentation, de mélanges de substances, présentes chacune individuellement en dessous de leur limite maximale de résidus. C'est pourtant fréquemment le cas. Pour les dioxines, les limites maximales de résidus sont exprimées en «équivalents toxiques» (TEQ). Il serait intéressant de procéder de même pour d'autres substances (pesticides, produits de l'industrie des matières plastiques...) que l'on mesurerait en équivalents toxiques à l'aide d'un ou de plusieurs tests in vitro (de type «gène rapporteur» par exemple). Des limites maximales de résidus dans l'alimentation, exprimées en équivalents toxiques, compléteraient utilement les limites individuelles appliquées de nos jours. Cependant, de nombreuses inquiétudes émergent quant aux effets à long terme sur la santé humaine liés à une exposition chronique à ces substances par la voie alimentaire. Il est urgent de faire le point, non seulement sur la contamination effective de notre alimentation par des perturbateurs endocriniens (en termes d'identification et de quantification de chaque substance individuelle), mais également sur l'activité potentiellement toxique d'une alimentation contenant un mélange de contaminants à des concentrations inférieures à leur seuil individuel de toxicité.
Et enfin, disons merci aux abeilles qui nous donnent l'alerte. Le dramaturge et poète Jean-François Ducis (1733-1816) s'exprime ainsi : «Les lieux où croît l'encens, où murmure l'abeille.»
K. S.
* Professeur des universités, directeur de recherches, service d'immunologie des transplantations CHU de Lyon,


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