De notre envoyé spécial à Blida, Mehdi Mehenni Des responsables de plusieurs secteurs publics qui ont effectué des dépôts de dizaines de centaines de milliards de centimes à Khalifa Bank sont passés, hier, à la barre, pour répondre de leurs actes. Néanmoins, la journée d'hier a été marquée par une légère prise de bec entre le président de l'audience et le procureur général. Le tribunal criminel près la cour de Blida a ouvert, hier, la dixième journée du procès Khalifa, sur l'audience de l'ex-DG du groupe de boissons alcoolisées (GBA Oran), Bouabdellah Boulefred. Ce dernier a, en effet, effectué un dépôt de 31 milliards de centimes à Khalifa Bank. Une somme qui s'est volatilisée après l'éclatement du scandale entre février et mars 2003. Aux interrogations du juge, l'accusé nie avoir bénéficié de privilèges en contre-partie de ces placements faramineux. Il explique que son seul souci était de diversifier les placements, après que la banque initiale du groupe, à savoir la BADR, eut décidé de revoir à la baisse ses taux d'intérêts. Mais le juge le relance sur des supposées commissions de 1% qu'il percevait de Khalifa Bank, alors que le procureur de la République lui fait rappeler à son tour les billets d'avion dont il aurait bénéficié chez Khalifa Airways. Bouabdellah Boulefred ne reconnaît toujours pas les faits qui lui sont reprochés. Le juge passe un autre accusé, lequel a d'ailleurs engagé une somme plus importante que son prédécesseur à la barre. Il s'agit de Nourredine Boucena, directeur commercial de l'OPGI d'Oran. L'office a, en effet, effectué le dépôt de 100 milliards de centimes à Khalifa Bank. Mis à part les 11 milliards de centimes générés par les taux d'intérêts, le placement de 100 milliards de centimes, qui est à la base, n'a jamais pu être récupéré. Face aux interrogations du juge, l'accusé explique que ces placements sont intervenus après la signature d'une convention entre son ancien P-dg, décédé après avoir été condamné à la prison en 2007, et Khalifa Bank. Si le juge n'obtiendra pas beaucoup d'aveux, il a néanmoins réussi à arracher de l'accusé que le dépôt des 100 milliards de centimes a été effectué sans la réunion du conseil d'administration de l'office. «1 200 milliards de centimes ont été retirés du Trésor public» Suivra à la barre l'ex-président du conseil d'administration de la Caisse nationale des retraités, Abdelali Meziani, condamné à cinq ans de prison ferme en 2007. Il précise que c'est après réunion du bureau du conseil d'administration que le directeur financier de la CNR a procédé au dépôt de 1 200 milliards de centimes chez Khalifa Bank. Cet argent était pourtant placé au Trésor public. Le juge veut savoir si le ministère de tutelle, celui du Travail et de la Sécurité sociale, avait été consulté sur cette importante décision. L'accusé est affirmatif, précisant qu'à cette époque, c'est Mohamed Larbi Moumen qui était en charge du secteur et non pas Aboudjerra Soltani. Le juge poursuit son interrogatoire et obtient de l'accusé que le bureau du conseil d'administration s'était réuni à nouveau pour le retrait de la somme de chez Khalifa Bank et son replacement au Trésor public. Mais l'aveu est à moitié puisque le juge lui rappelle que sur les 1 200 milliards de centimes seulement 800 ont été récupérés. Ainsi, les caisses de Khalifa Bank ont dévoré 400 milliards de centimes jusque-là hébergés au Trésor public. Le juge explique à l'accusé que les faits qu'il vient d'admettre démontrent au moins l'illégalité de l'opération de dépôt. Abdelali Meziani ne niera pas cette fois-ci. Par contre, pour le stage de pilote offert par Khalifa Airways à son fils, l'accusé nie toute intercession. Quant aux billets d'avion dont il a bénéficié gratuitement chez toujours Khalifa Airways, Abdelali Meziani dit les avoir remboursés au liquidateur. L'orientation indirecte de Abdelmadjid Sidi Saïd Auditionné à son tour, l'ex-directeur de la Caisse nationale d'allocation-chômage, Mahrez Aït Belkacem, a d'emblée expliqué que les 108 milliards de centimes placés à Khalifa Bank étaient un surplus financier qu'il cherchait à fructifier ailleurs, vu que les banques publiques n'en voulaient pas. Il précise, à cet effet, que les différents dépôts dans les banques publics avaient dépassé à l'époque les 60 milliards de dinars et que les bénéfices générés par les taux d'intérêts avaient aussi dépassé les 20 milliards de dinars. Le conseil d'administration de la Cnac, présidé par l'actuel SG de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, selon toujours l'accusé, s'est alors réuni pour prendre des décisions quant aux surplus générés et que les banques publiques ne souhaitaient plus héberger. Il affirme avoir émis la proposition d'investir dans des biens immobiliers, mais que le conseil présidé par Abdelmadjid Sidi Saïd lui a signifié qu'il valait mieux procéder à des placements chez des banques privées. Il ajoutera qu'il avait aussi sollicité par écrit le ministère du Travail, mais, comme au bout d'un mois il n'avait pas obtenu de réponse, il pouvait considérer cela comme un feu vert. Enfin, il est à signaler que l'audience d'hier a été quelque peu perturbée par une légère prise de bec entre le président et le procureur général. Ce dernier, qui n'a visiblement pas aimé les incessants rappels du juge qui lui demandait de ne pas répéter les questions qui ont déjà été posées, a fini par perdre son sang-froid : «Le code de procédure pénale me confère le droit de poser toutes les questions que je juge nécessaires.»