Par Kader Bakou La terre nous offre parfois son plus beau visage, qui la fait ressembler au paradis tel qu'imaginé ou décrit dans les livres révélés. C'était le cas en ce jour ensoleillé du mois de mai. La veille déjà, à la tombée de la nuit, l'air était devenu d'une clarté et d'une limpidité cristallines. Les bateaux en rade et «la France», c'est-à dire l'autre «rive» de la baie d'Alger, parraissaient plus proches. Quelle belle matinée et quel plaisir de se reveiller et de voir la mer à partir de sa fénêtre ! Un vent léger et frais agite la mer. Le soleil par un curieux phénomène naturel fait briller de mille éclats une partie de la mer. Une mer légérement agitée et appelée maritta par les gens de la mer. C'est le temps idéal pour les pêcheurs à la ligne. En effet, quand les vagues sont trop grosses, les poissons se réfugient dans les fonds ou fuient vers le large. Les poissons adultes se méfient aussi d'une mer trop calme donc trop transparente et préfèrent «paître» au large. Pour les initiés, la pêche à la ligne est un art et un hobby liés à une philosophie de la vie. Le pêcheur commence par jeter un coup d'œil de loin à la plage. A partir de données comme la direction du courant et du vent, il choisit le coin où il va s'installer. Puis, c'est le choix de la canne (longue, courte...), du fil (épaisseur...), du bouchon, du plomb et surtout du type d'hameçon. Dans son couffin, il a ramené du «vieux» pain récupéré parfois dans les poubelles. La mie servira à préparer «la pâte» et la croûte, utilisée comme reccha, pour attirer les bancs de poissons des dorades tchalba (sarpa salpa) et des oblades el kahla appelée «la noire», à cause d'un gros point noir près de ses nageoires arrière. Quelle joie de voir les premiers poissons qui remontent jusqu'a la surface pour tchiqerr (avaler) les morcaux de pains flottants emportés par le courant ! La préparation de «la pâte», c'est-à-dire la pâte qu servira d'appât, à partir exclusivement de mie de pain est elle aussi un art que peu maîtrisent parfaitement. L'objectif est d'arriver à avoir une pâte homogène qui ne partira pas en morceaux au moindre coup de vagues. Le choix de l'appât dépend la plupart du temps du «goût» du poisson «visé». Le coriace mulet (bouri) par exemple préfère «les boyaux» des sardines. Pour un vrai pêcheur à la ligne, le poisson, en réalité, n'est qu'un prétexte. Un «bon» pêcheur peut passer toute une nuit sur le même rocher sans attrapper le moindre petit cabotte (cabot) appelé encore le singe de mer dans l'Algérois. Parfois, il fait le bonheur des chats du coin en leur distribuant son «butin» avant de partir. Il y a aussi ceux qui rendent à la mer ce qui appartient à la mer. K.B.