«La situation à laquelle est confronté le pays est délicate», avouait, hier, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, devant les cadres du secteur de l'énergie, révélant l'inquiétude du gouvernement. Le Premier ministre, qui invite Sonatrach à accroître la production d'hydrocarbures, indiquera, par ailleurs, que la loi de finances complémentaire pour 2015 prévoit des mesures en faveur des investisseurs et producteurs, dont la révision de l'IBS et de la TAP. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Assez significative l'était la réunion que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a tenue hier avec les cadres du secteur de l'énergie dont le nouveau ministre, Salah Khebri, ainsi que les deux nouveaux P-dg de Sonatrach et de Naftal, Amine Maâzouzi et Hocine Rizou. Significative dans la mesure où le Premier ministre a reconnu que l'économie nationale subissait directement l'impact de la conjoncture économique internationale, essentiellement les «fortes variations à la baisse des prix du pétrole». De fait, Abdelmalek Sellal concédera que «les récentes perturbations du marché pétrolier mondial commencent à se répercuter sur l'économie». Ainsi, il citera, la considérant comme imprévue, la «baisse brutale» des prix des hydrocarbures sur les marchés mondiaux, passant de 99,17 dollars en moyenne pour 2014 contre 55 dollars pour le premier trimestre 2015. Il fera également état de la baisse du rapatriement sur les exportations des hydrocarbures de l'ordre de 45% (-7,8 milliards de dollars), un déficit de 1,7 milliard de dollars de la balance des paiements, une inflation à 4,96% ... Voire, «la situation à laquelle est confronté le pays est délicate. Nous devons en être conscients. La baisse des prix des hydrocarbures risque de s'étaler dans le temps et d'impacter négativement les ressources des pays producteurs», dira le Premier ministre. Des réserves de change de 9 milliards de dollars en 2019 ? Estimant, certes, que la situation «demeure sous contrôle» et que «la liberté d'agir demeure entre les mains du gouvernement», Abdelmalek Sellal n'écartera pas, cependant, quoique de manière tacite, le retour à l'endettement extérieur. Et cela même si le remboursement anticipé de la dette a permis de «soulager» l'Algérie, relèvera-t-il. Comme il considérera que même si les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) ainsi que les réserves de change sont disponibles et permettent de tenir «sans problème» jusqu'à 2019, le risque qu'elles s'épuisent reste toutefois avéré. Ainsi, le Premier ministre relève que si le prix du pétrole poursuit sa baisse aux niveaux de 60 dollars, les réserves de change n'atteindraient que 38 milliards de dollars en 2019, voire 9 milliards de dollars avec un baril à 50 dollars. Une éventualité certes mais qui implique nécessairement d'agir au-delà des mesures décidées durant les derniers mois en termes de report ou gel de certains projets d'équipement, le recours au financement bancaire local ainsi que le renforcement de la lutte contre la fraude et le transfert illicite de capitaux. La LFC 2015, des pistes de relance En ce sens, Abdelmalek Sellal explicitera un nombre de mesures à même de remédier à la situation, d'impulser et relancer le développement économique. A ce titre, il indiquera que la loi de finances complémentaire pour 2015 qui sera finalisée en juillet compte plusieurs mesures à même de stimuler et faciliter l'acte d'investir et de produire. Au-delà du fait qu'elles répondent aux desiderata de plusieurs opérateurs économiques et associations patronales dont le Forum des chefs d'entreprises, ces mesures concernent la réduction de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP, actuellement fixée à 2% sur le chiffre d'affaires) et la révision de l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) en vue d'«un plus grand équilibre» au profit des producteurs. Il sera également question dans la LFC 2015 d'«introduire» des modifications concernant le paiement des importations par le biais du crédit documentaire, dans le cadre du renforcement du contrôle du commerce extérieur et la lutte contre le gaspillage des devises, ainsi que des mesures d'amélioration des prestations et recouvrements fiscaux. De même, Abdelmalek Sellal évoquera la nécessité d'œuvrer à mobiliser les liquidités non bancarisées, celles du marché informel et estimées à 3 700 milliards de dinars, tout en ne précisant pas cependant les modalités. Comme la LFC devrait porter, outre le développement de l'agriculture, le tourisme et les nouvelles technologies, sur la maîtrise de la consommation de carburants, dont la consommation nationale s'est accrue, indiquera le Premier ministre qui écarte toute augmentation des prix mais incite à «la solidarité nationale». De fait, le Premier ministre laisse entendre que l'importation et la distribution des carburants en termes de quantités notamment seront revues, voire réduites, dans la mesure où la facture a «explosé». Pour autant, Sellal récuse toute fermeture du marché national, l'importation restant libre, à charge cependant de répondre réellement aux besoins du pays (dans le domaine de l'automobile, du médicament...) et d'être pratiquée «sans ruse». Ce que Sonatrach est invitée à faire L'opportunité pour Abdelmalek Sellal, prônant «une sortie progressive de l'état de dépendance des hydrocarbures» et «une autre vision», d'adresser néanmoins quelques directives à Sonatrach. Ainsi, il appellera la compagnie pétrolière à accroître l'exploration du domaine minier dont à peine 43% ont été exploités, accroître la production et la valorisation des hydrocarbures, avec le soutien de l'Etat mais en comptant sur ses capacités (managériales, techniques, humaines) propres. En ce sens, Abdelmalek Sellal invitera Sonatrach à accroître l'exploration «en onshore et en offshore», développer son cœur de métier, «son domaine de compétences», et à «ne pas se disperser» dans les activités notamment minières ou à l'international, «sauf nécessité». Il arguera d'autre part que les cadres et managers de l'entreprise ont toute latitude d'action sur le plan «technique» et économique, «sans interférences» et de manière «décentralisée», même si le ministre de l'Energie assume quant à lui une mission «politique», l'exécution de la politique de l'exécutif. Dans cet ordre d'idées, Abdelmalek Sellal, qui appelle à «ne pas jeter l'opprobre sur les cadres», indiquera que la révision de la législation et de la réglementation relatives à l'acte de gérer (la dépénalisation) et à la passation de marchés publics, est en bonne voie de finalisation. D'autre part, le Premier ministre, qui évoquera la nécessité de développer le mix énergétique, la valorisation des énergies renouvelables dont le solaire et l'économie d'hydrocarbures, invitera, ce faisant, le groupe Sonelgaz à engager des efforts en vue de juguler les importantes déperditions d'électricité, un phénomène «inadmissible, inacceptable, difficile à gérer», selon lui. Il s'agira également de promouvoir la maîtrise de la consommation de l'énergie, même si la question de la révision des tarifs a été éludée.