Et ce n'est pas peu dire que ce colloque international bénéficie de l'attention des plus hautes autorités du pays, en l'occurrence le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) et le ministère de la Culture. Ce n'est que justice... Du 30 mai au 1er juin prochain, un colloque international sur Apulée se tiendra à Souk Ahras. Pas moins de 20 spécialistes, universitaires et journalistes croiseront leur regard sur un personnage mythique qui n'a pas, aujourd'hui encore, révélé tous les aspects de sa personnalité hors du commun. Se définissant lui-même comme mi-Numide mi-Gétule, Apulée est né vers 125 avant J.-C. à Madaure (actuellement M'daourouche, Souk Ahras) dans une riche famille, héritant d'une fortune considérable mais qu'il à vite fait de dilapider. Il est mort prématurément à 45 ans (il est vrai qu'à cette époque de l'Antiquité, la durée de vie était courte). Cet authentique Amazigh eut une vie pleine, mouvementée et surtout créative comme le prouvent ses nombreux écrits que les historiens de toutes les nationalités tentent d'en percer les secrets. «L'Ane d'or» ou «les Métamorphoses» le consacrent pionnier perpétuel de la littérature. Près de deux millénaires (1845 ans) nous séparent de sa disparition, mais sa résurrection est récurrente à en juger par l'intérêt périodique qui lui est porté ainsi qu'à son œuvre, reflet de sa personnalité. Ce colloque en est un des exemples. La description que l'on a fait de lui est fort élogieuse : «...Un personnage singulier et attachant, qui avait les yeux grands ouverts et s'intéressait à tout, aux sciences, à la philosophie, à la religion, à la magie.» Trublion de la bonne société de son temps, sa rencontre puis son mariage avec une riche veuve de Tripolitaine, beaucoup plus âgée que lui, lui valut d'être poursuivi en justice par ses beaux-parents sur le prétexte qu'il avait ensorcelé leur fille pour s'accaparer de sa fortune. Mais c'était sans compter sur ses talents oratoires, il s'en sortit par un plaidoyer «habile et spirituel» assurant lui-même sa propre défense. Le texte de la plaidoirie, «l'Apologie» ou «le De Magia» reste comme un précédent dans les annales de la justice. Apulée était aussi un conférencier à succès, capable de s'exprimer en grec comme en latin. «Les Métamorphoses» ou «l'Ane d'or», son œuvre pérenne, est le «récit, fait à la première personne, d'un certain Lucius, un jeune homme curieux de tout, qui, s'étant frotté de trop près à la magie, se voit transformé en âne. Sous cette forme, il va connaître toute une série d'aventures, entrant en contact successivement avec des brigands, des esclaves fugitifs, des prêtres de la déesse syrienne, un meunier, un maraîcher, un soldat, deux frères esclaves (un pâtissier et un cuisinier) puis leur maître. Comme c'est l'âne qui raconte et qu'il a conservé son sens aigu de l'observation et son esprit critique d'homme, il nous donne à voir de l'intérieur les activités et les préoccupations de tous ces milieux très différents qu'il a fréquentés. L'ensemble nous fournit un remarquable tableau de la vie quotidienne au IIe siècle de l'Empire. Tout cela, au fil de plusieurs livres, car la transformation en âne s'est produite au livre III et c'est au dernier livre seulement que Lucius retrouve sa forme humaine, ce qui ne sera d'ailleurs possible que grâce à l'intervention bienfaisante de la déesse Isis». Onze livres forment «l'Ane d'or» où l'auteur donne libre cours à son observation critique de la société, l'ensemble nous fournit un remarquable tableau de la vie quotidienne au IIe siècle de l'Empire. Incontestablement, l'on a écrit sur Apulée et l'on écrira sans doute toujours plus car son œuvre est beaucoup plus riche et l'on ne peut se borner à la lire au premier degré lorsque l'on se réfère, estiment les spécialistes, au «Conte d'Amour et de Psyché». C'est dire le poids du challenge prochain de ce colloque international. En effet, que diront de plus les séminaristes réunis en conclave quant au message d'Apulée notamment dans sa «multi-culturalité» ? Il est vrai que l'espace de réflexion ne peut être circonscrit à une époque précise, d'où l'ambition de «revisiter l'apport de l'illustre personnage à la littérature, en particulier, et à la civilisation universelle». Le natif de cette terre de Numidie, si généreuse et plusieurs fois meurtrie par les envahisseurs, a toujours su se donner des enfants pour porter haut l'étendard de la hauteur de l'esprit, l'amour du savoir et surtout aller le chercher dans ses foyers phares de la culture dans le Bassin méditerranéen. Deux siècles après, elle donnera un autre illustre personnage en la personne de saint Augustin, qui fait aujourd'hui encore autorité en matière de référence religieuse, le christianisme, à travers trois ouvrages dont «Les Confessions (397 ap. J.C), «La Cité de Dieu» (413-427) et «Les lettres» (386-429). Il est mort en 430 ap. J.-C. dans une Hyppone assiégée par les Vandales destructeurs – combat permanent entre la lumière et les ténèbres. Cela ne va pas sans rappeler la montée en puissance des intolérances de toutes sortes, l'ignorance, les tentatives de mise au pas d'une société éprouvée par tant de drames. M'daourouche, grâce à son authentique fils, cet irréductible Amazigh, Apulée, allumera tous les feux de la connaissance et du savoir. Et ce n'est pas peu dire que ce colloque international bénéficie de l'attention des plus hautes autorités du pays. Ce n'est que justice. Apulée, saint Augustin, ce sont nos pyramides à nous... Il y aura aussi au IVe siècle après Jésus-Christ le prince amazigh Firmus et sa sœur Syria qui secoueront le joug de l'Empire romain. Leur épopée s'inscrit dans la lignée de Jugurtha (160-104 av. J.-C.), ce guerrier de génie qui fut la bête noire des généraux romains. Le dénominateur commun pour ces ancêtres et ceux nombreux qui restent méconnus a pour nom : liberté.