Première consécration pour Sofia Djama et son film Les bienheureux. Le prix de la meilleure interprétation dans la section Orrizonti de la Mostra de Venise a été décerné à l'actrice Lyna Khodri. Après le court-métrage Mollement un samedi matin, la réalisatrice algérienne poursuit ses questionnements sur la société algérienne avec Les bienheureux (1h42mn), comédie dramatique qui met en vedette Nadia Kaci, Sami Bouadjila, Lina Khodri, Amine Lansari et Adam Bessa. Ecrit par la réalisatrice, le film avait déjà bénéficié avant son tournage d'une reconnaissance à l'international avec la mention spéciale au grand Prix du meilleur scénariste Sopadin en 2015. Cette coproduction franco-belge, dont la sortie est prévue en décembre en France, a pour cadre Alger, quelques années après «la fin» des années de terreur. Des bourgeois sont en route au restaurant pour y fêter leur vingt ans de mariage ; si la femme ressent encore une certaine amertume quant à la perte de ses illusions de liberté et d'ouverture miroitées au lendemain d'octobre 1988, son mari (Sami Bouadjila), gynécologue qui pratique des avortements clandestins, est plutôt résigné devant la sinistrose qui ronge sa société. Pendant ce long dialogue, leur fils Fahim et ses deux copains Feriel et Réda errent dans une ville hostile et désertée par la vie dès la tombée de la nuit. Il s'agit donc de portraits croisés de deux générations qui, si elles ne partagent pas du tout le même vécu et les mêmes traumas, ont en commun Alger, fascinante et oppressante à la fois. A souligner que Sofia Djama et le cinéaste tunisien Abdellatif Kechiche sont les seuls Africains retenus en compétition officielle à cette 74e édition de la Mostra de Venise, dont le palmarès a été annoncé samedi 9 septembre. Le Lion d'Or est revenu au long-métrage The shape of water (La forme de l'eau) du Mexicain Guilermo del Toro qui a séduit la critique cinématographique avec cette fiction hybride racontant la relation étrange d'amour entre une employée muette et la créature née d'une expérience dans le laboratoire où elle travaille. Le Grand prix a été décerné au film Foxtrot de l'Israélien Samuel Maoz qui y questionne sa propre expérience de soldat. Du côté français, c'est Xavier Legrand qui décroche la distinction de la meilleure mise en scène pour Jusqu'à la garde, tandis que le prix du scénario est revenu à l'Américain Martin McDonagh pour Three billboards. Le prix du jury est décerné au western Sweet Country de l'Australien Warwick Thornton. On aura remarqué que Kechiche sort bredouille de cette Mostra 2017, puisque la critique estime que ce palmarès est «sans tonalité ni parti- pris». Or, le dernier film du réalisateur tunisien Mektoub est décrit par les partisans comme «un hymne à la vie», «une rasade d'eau glacée» et «une œuvre sensuelle», iconoclaste et provocatrice tandis que les anti-Kechiche, qui avaient également décrié le sulfureux La vie d'Adèle y voit «un naufrage» et un film qui tourne en rond, sans la moindre cohérence dramatique.