Seif al-Islam Kadhafi, le fils le plus en vue du défunt dictateur libyen, et huit proches de ce dernier, ont été condamnés à mort mardi à Tripoli après un procès de 16 mois éclipsé par les violences et les divisions politiques. Vêtus de l'habit bleu des prisonniers, la barbe rasée et pour la plupart la tête aussi, les accusés présents à l'audience semblaient impassibles, assis en silence dans une cage noire sur des chaises en bois. L'ONU et plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme ont déploré ces condamnations à mort, dénonçant l'absence de procès équitable. Seif al-Islam et 36 autres prévenus étaient jugés pour leur rôle dans la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l'ancien régime en 2011. Souvent présenté comme le successeur potentiel de son père, Seif al-Islam était absent à l'audience, car il n'est pas aux mains des autorités contrôlant Tripoli : depuis son arrestation en novembre 2011, il est détenu à Zenten, au sud-ouest de Tripoli. Plus de trois ans après la chute du régime Kadhafi, la Libye est en proie au chaos. Le pays compte deux Parlements - et deux gouvernements - rivaux, l'un basé à Tripoli sous la coupe de la coalition de milices islamistes Fajr Libya, et l'autre dans l'est, le seul reconnu par la communauté internationale. Vingt-neuf accusés étaient présents dans la salle du tribunal située dans le centre de Tripoli, où de strictes mesures de sécurité avaient été prises à l'occasion de l'audience. Le tribunal a également condamné à mort le dernier Premier ministre de Kadhafi, Baghdadi al-Mahmoudi, et son ex-chef des services de renseignements, Abdallah Senoussi, qui étaient à l'audience. Seuls les condamnés à mort peuvent faire appel du verdict en vertu du droit libyen, les peines de prison étant applicables immédiatement, selon le procureur général. Outre les neuf accusés condamnés à mort par peloton d'exécution, huit ont été condamnés à la prison à perpétuité. Quatre ont été acquittés et les poursuites ont été abandonnées pour un accusé qui sera transféré dans un hôpital psychiatrique. Les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant d'un à 12 ans de prison. Le procès, ouvert en avril 2014, a été critiqué par les défenseurs des droits de l'Homme et marqué par un différend toujours en cours avec la Cour pénale internationale (CPI), qui souhaite juger Seif al-Islam. La procédure «est entachée de sérieux vices qui mettent en évidence l'incapacité de la Libye à rendre justice efficacement», a estimé Amnesty International. «Les normes internationales en matière de procès équitables n'ont pas été réunies», a renchéri le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme. Human Right Watch a rapporté que de nombreux accusés n'avaient pu bénéficier d'une défense digne de ce nom, et appelé à un «réexamen approfondi et indépendant du verdict» par la Cour suprême saisie en cas d'appel. Sur les 24 audiences du procès, Seif al-Islam a comparu à trois reprises par vidéoconférence depuis Zenten, a indiqué HRW, ajoutant qu'il n'a pas été vu depuis juin 2014 et qu'on ignore où il se trouve. La majorité des autres accusés est détenue à Tripoli, mais huit d'entre eux sont emprisonnés à Misrata (200 km à l'est de Tripoli), où les autorités sont inféodées à Fajr Libya. Ils étaient poursuivis pour assassinats, pillages et sabotages, actes portant atteinte à l'union nationale, complicité dans l'incitation au viol et recrutement de mercenaires africains. Seul l'ex-chef des renseignements, M. Senoussi, s'est montré bavard et enclin à plaisanter. Un autre accusé a réagi après l'annonce des verdicts, criant «criminels, voyous, tyrans», avant d'être renvoyé de la salle. Seif al-Islam et M. Senoussi font également l'objet de mandats d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre présumés lors de la révolte. M. Senoussi a été extradé en septembre 2012 par la Mauritanie, où il avait trouvé refuge après la chute du régime. Sa fille Salma, âgée de 17 ans, a réclamé que son père «soit jugé devant un vrai tribunal dans un Etat de droit», depuis son lieu de résidence en Angleterre. En mai 2014, la CPI, qui a réclamé à maintes reprises une extradition de Seif al-Islam, avait débouté les autorités libyennes de leur demande de le juger devant les tribunaux libyens, en raison des doutes sur la capacité de Tripoli à lui garantir un procès juste et équitable. La CPI avait toutefois donné son feu vert à la Libye pour juger M. Senoussi.