En associant le Conseil national économique et social (Cnes) à la maturation d'une stratégie de sortie de crise, l'exécutif entend-il permettre à cette instance consultative de renouer avec sa vocation initiale de pôle de réflexion critique ? Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Une rencontre nationale sur la situation économique est prévue le 15 septembre prochain. C'est ce que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé samedi dernier lors de la réunion gouvernement-walis. Une rencontre à laquelle participeront des académiciens et des universitaires et qui sera organisée par le Conseil national économique et social (Cnes), indiquait le premier ministre. Une conférence qui reflétera, assurait M. Sellal, «la politique de transparence adoptée par le gouvernement dans le traitement de la situation économique du pays». Ainsi, le Cnes aura à associer l'expertise académique et universitaire au débat sur la situation économique et sociale du pays, la réflexion et éventuellement l'élaboration de recommandations. Pourrait-on assister lors de cette conférence à l'élaboration de rapports objectifs sur la conjoncture économique et sociale, la maturation d'une stratégie de sortie de crise ? Or, l'élaboration et la publication de tels rapports, basés sur l'évaluation des politiques publiques et autres problématiques, reflets du débat social et voulus objectifs, de bonne facture et souvent comme des références, a longtemps constitué la marque du Cnes, cette instance consultative qui a été créée en 1968 et qui a fonctionné jusqu'en 1977 avant d'être recréée en 1993 et réactivée dès 1994. Une instance dont la vocation, les vingt-sept sessions plénières organisées depuis et jusqu'à la mi-2005 y ayant fortement contribué, a été celle d'un espace, d'«un pôle autonome d'analyse, d'observation et de réflexion, posant un regard critique, mais serein sur les grandes questions économiques et sociales du pays», assurait son ancien président, le défunt Mohamed-Salah Mentouri. Ayant dirigé cette instance entre 1996 et 2005, M. Mentouri considérait que le Cnes, «une institution respectée, créditée de rigueur et d'objectivité et sa liberté de ton, rejetant le triomphalisme et le discours désincarné», a exercé son rôle en tant que «parlement du dialogue social, la chambre du premier mot, le dernier revenant au pouvoir législatif». Ainsi, le Conseil «ne s'est pas contenté d'être cette voix discordante, dérangeante. Il s'est efforcé d'abord, de devenir un espace de dialogue entre des forces économiques et sociales d'origines différentes et d'intérêts n'ayant pas a priori de fortes convergences», assurait-il sur nos colonnes. Cela même si ce Conseil n'a pu assurer un rôle de veille stratégique, «ce qui lui a été refusé, certainement de crainte de voir son influence s'élargir», observait l'ancien président du Cnes qui observera par ailleurs que «l'exercice d'émancipation s'est heurté aux pesanteurs du monolithisme, au poids de l'hégémonisme et au primat de la pensée unique». Ce faisant, une mission de vigie, de représentation organisée des forces sociales que le Cnes n'a pas réellement assumée depuis 2005. Certes, l'instance consultative dont la présidence a été dévolue par la suite à Mohamed-Seghir Babès, a poursuivi d'acter en tant qu'institution qui met «l'accent sur l'élaboration d'un véritable tableau de bord relatif aux politiques publiques, avec, à terme, la relance d'une dynamique d'aide à la décision stratégique», observait celui-ci. Soit une institution qui «regarde les choses tranquillement, met en place des cellules de veille et adresse des rapports au gouvernement», considérait l'actuel président du Cnes. Toutefois, l'instance consultative a mis fin à la présentation de rapports de conjoncture semestrielle et qu'elle soumettait au débat public lors des sessions plénières. Certes, quelques rapports ou notes de conjoncture à périodicité diverse ont été présentés mais le Cnes a davantage activé durant les dernières années sur la base de la saisine et de l'autosaisine sur certains dossiers. En fait, l'instance a privilégié l'organisation de symposiums ou séminaires en partenariat avec des institutions internationales (Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour le développement...) ou la tenue d'assises nationales dédiées à la promotion de la société civile ou le développement local. Ce faisant, des activités sans impact concret et tendues davantage par une logique de «jouer un rôle clé dans le large cercle de la concertation inclusive institutionnelle aussi bien que péri/para institutionnelle, initiée par le gouvernement», expliquera M. Babès, soucieux par ailleurs d'«alerter» les pouvoirs publics «sans faire de spectacle». Cela même si la latitude d'action du Cnes a dû pâtir d'une certaine velléité des pouvoirs publics à la neutraliser, l'instrumentaliser. En associant donc le Cnes à la maturation d'une stratégie de sortie de crise, et au-delà de la problématique de la constitutionnalisation ou pas de ce conseil, l'occasion sera-t-elle ainsi offerte à cette instance de renouer avec sa vocation de pôle de réflexion critique ? De lui permettre d'exercer une vocation d'espace d'expression et de conseil autonome ?