Le gâchis que constitue l'affaire de dopage du joueur de l'USM Alger et de la sélection nationale, Youcef Belaïli, interpelle tous les acteurs du football sur la gestion de la carrière de nos athlètes. Le cas de Belaïli n'étant pas le premier du genre, encore moins isolé, il est à se demander si les instances sportives nationales, la FAF en le cas d'espèce, sont en mesure de contrôler un phénomène qui dépasse leurs compétences. Mohamed Bouchama - Alger (Le Soir) - Comme le phénomène de la violence qui gangrène le sport, le football en particulier, en Algérie, la consommation des drogues dans le milieu des sportifs est un fait établi. Belaïli n'est pas le premier à être démasqué par les structures chargées de l'antidoping en Algérie et à l'échelle internationale. Avant lui, pareils scandales l'Algérie en a connu à la pelle. Sauf que leur médiatisation n'était pas de la dimension donnée à cette nouvelle affaire. Des athlètes algériens dopés aux substances médicamenteuses prohibées (testostérone, l'EPO, la nandrolone, etc.), celles autorisées par les médecins (corticoïdes, antalgiques, etc.), des herbes naturelles et des boissons énergisantes, les cas sont nombreux. Des coureurs, haltérophiles, des lutteurs, des boxeurs et des footballeurs font partie de ce lot de sportifs dopés rattrapés par les contrôles inopinés et désormais sollicités en pleine compétition par les différentes associations sportives internationales. Les plus médiatisés étaient les affaires du gardien de l'EN, Hicham Mezair, au cours de la CAN-2004, Saïdi-Sief Ali lors des Mondiaux d'athlétisme d'Edmonton (Canada) en 2001. L'ancien gardien de... l'USMA (est-ce une malédiction ?) a subi à Alger les tests d'usage effectués par le Dr Belhadj. Une fois arrivé à Sousse (Tunisie), l'enfant de Tlemcen allait découvrir les résultats «positifs» dudit contrôle. Saâdane, alors sélectionneur des Verts, et Mohamed Raouraoua, le président de la FAF, décidaient d'épargner au joueur et la sélection les déboires d'un tel scandale. Mezair sera volontairement retiré de la compétition sous prétexte qu'il était souffrant de maux d'estomac... Un cas à la Maradona qui a défrayé la chronique. Hélas, l'ampleur donnée à ladite affaire par les médias n'a pas empêché l'éclatement de nouveaux scandales. Le black-out qui a entouré le cas Mezair serait-il derrière la prolifération de ces «accidents» préjudiciables à la carrière de l'athlète et de l'équipe ou de la sélection ? Un train de vie fou, fou, fou ! La consommation par Belaïli d'une substance douteuse n'a rien à voir, en tout cas, avec l'amélioration de ses performances sur le terrain. Chouchouté par ses dirigeants, adulé par le public de l'USMA mais pas seulement, Belaïli est également jalousé. Par son entourage familial et sportif et les galeries des autres clubs qui trouvent, pour la plupart, que l'ex-joueur de l'ES Tunis est surcoté. C'est vrai que le salaire du joueur (évalué à 5,8 millions de dinars) fait tourner la tête à la jeunesse du pays. Belaïli, ainsi propulsé devant la scène publique par la force de l'argent, subit forcément les effets pervers d'une telle publicité à grande échelle. Là où il va, sa silhouette attire la curiosité et les commentaires des jeunes. Des regards blessants qui font craquer les plus solides des nerfs. Se réfugier dans des «tavernes moins éclairées» devenait, par conséquent, inévitable. La conséquence de cette «mauvaise fréquentation» également. Loin des regards, Belaïli et nombre d'autres sportifs gâtés sont tentés par le diable. Par méconnaissance des règles qu'exige l'hygiène sportive, fumer une chicha, un joint ou sniffer carrément de la cocaïne, ces sportifs se lancent dans des aventures dramatiques pour ceux qui se font attraper. L'on se demande, à ce titre, quel est le rôle des clubs dans la gestion des carrières de leurs athlètes. Des clubs qui paient rubis sur l'ongle leurs vedettes sans jamais se soucier quel train de vie ces derniers ils mènent. Certains dirigeants sont complices de ces agissements néfastes au joueur et au club. En fermant l'œil sur le comportement général du joueur, souvent absent et en retard aux entraînements, ces responsables ne sont pas exempts de reproches. Dans pareille situation, la FAF semble en avance. Après le malheureux cas du gardien Hicham Mezair, la Fédération algérienne de football a, en voulant juguler de tels cas, initié une nouvelle stratégie de communication. C'était, en 2013, lorsque l'affaire de la chicha éclatera en pleine phase finale de la CAN sud-africaine. Deux joueurs, Hameur Bouazza et Riyad Boudebouz, ont été reconnus coupables de consommation dans leur chambre de chicha. La découverte, selon la version de la FAF, a été faite par une femme de chambre sud-africaine...L'affaire a fait couler beaucoup d'encre quelques semaines plus tard. A l'époque, la FAF n'a pas voulu ébruiter l'affaire laissant le soin à Vahid Halilhodzic d'aborder le cas lors d'une conférence de presse tenue plus de deux mois après le fiasco sportif de la CAN-2013. Le joueur n'a plus fait partie de la sélection pendant les deux années suivantes, ratant le tournoi de la Coupe du monde au Brésil (même s'il a fait partie de la liste élargie de Coach Vahid) mais sa carrière n'a pas été entachée par une quelconque mesure disciplinaire. L'amplification médiatique du cas Boudebouz a, par contre, entamé la forme mentale et sportive du joueur qui a connu plus de bas que de hauts au lendemain des déclarations faites par le désormais ex-sélectionneur des Verts. Des «Maradona algériens», en veux-tu en voilà ! Un tel scandale, géré in vitro par la FAF, a par ailleurs épargné à l'EN une fâcheuse baisse de sa cote à la veille de sa participation à la Coupe du monde du Brésil. Une gestion intelligente du dossier a permis au joueur de se remettre en cause et de reprendre le bon fil d'une carrière prometteuse. C'est probablement cette manière d'anticiper les scandales qui semble présider au traitement du cas Belaïli. Mis sur la liste élargie élaborée par Christian Gourcuff, le meneur de jeu usmiste n'a pas été sélectionné pour le déplacement du Lesotho. La FAF, qu'on dit au courant de la sanction que risquait l'enfant d'El-Bahia, avait anticipé tout «désordre» que pourrait générer l'éclatement d'une telle affaire. Sur le plan de l'image, sélectionner un joueur reconnu coupable de dopage à une quelconque substance, aux drogues traditionnelles de surcroît, est un risque à éviter pour un ensemble national bien coté au classement Fifa. Christian Gourcuff, invité lundi soir de l'émission «L'équipe du Soir» de la chaîne sportive L'équipe 21, n'a pas été, à sa demande, questionné sur le cas Belaïli. Le sélectionneur français de l'équipe d'Algérie a plutôt préféré expliquer sa décision de ne pas trop compter sur les joueurs du cru par le fait que ceux-ci ne maîtrisent pas la langue française. «Je n'ai pas de problème avec les dirigeants de la FAF. Par contre, j'ai un souci de communication avec les joueurs locaux qui ne comprennent pas ce que je dis.» Un «critère de sélection» qui, pour la petite histoire, ne se posait pas durant le règne du Bosniaque Vahid Halilhodzic. Et pourtant, l'actuel sélectionneur du Japon, qui ne maîtrisait ni l'arabe ni le français, avait bien décrypté en Soudani et Slimani le talent de footballeurs pétris de qualités. A moins que Gourcuff ait été «drogué» par ses conseillers.