Depuis plusieurs jours, un souvenir pesant planait dans la région de Kabylie, surtout chez ceux qui font une petite virée du côté de Tikjda. Ou encore ceux qui vont un peu plus loin, histoire de profiter de la nature et ses paysages féeriques ; et pourquoi pas, visiter certains sites d'où la vue est panoramique ; comme le massif de l'Akouker qui culmine à plus de 2 000 mètres, ou encore le belvédère qui se trouve à quelques dizaines de mètres de la RN33 et à plus de 1 400 mètres d'altitude dans la région d'Aswel. De là, un grand portail offre une vue imprenable sur cette belle Kabylie, avec ses villages perchés sur les différentes collines ou simplement collés aux flancs de montagne de ce majestueux Djurdjura... là, il y a exactement une année, un hôte de cette Kabylie orgueilleuse est passé mais... Ces lieux qui inspirent le repos de l'âme et du corps, ces lieux thérapeutiques seront altérés en cette journée du 21 septembre 2014 par la bêtise humaine, par la folie intégriste qui agit depuis plusieurs décennies au nom d'une logique qui n'a rien à voir avec le bon sens. Une logique destructrice qui fait plus de mal à la religion musulmane que de bien. Une logique qui a fait que depuis un certain temps, des hommes au degré d'intelligence inférieur à zéro, se proclament des gardiens du temple sacré qu'est la religion musulmane, renvoyant dos à dos et ceux qui ne sont pas du tout de leur religion, — quid de la tolérance propre à cette religion ? – et ceux qui sont de leur côté mais qui osent remettre en cause leur logique. Ces parvenus de la religion musulmane, ces êtres intégristes au niveau intellectuel défectueux et aux sentiments souvent frustrés, ont fondé une autre religion au nom de laquelle ils massacrent des innocents, des enfants, des femmes et des vieux, vendent les femmes quand ils ne les utilisent pas comme instruments pour assouvir leur instinct bestial. Ces parvenus ont décidé en ce 21 septembre 2014 que la Kabylie ne sera plus la même, que cette paisible région connue pour l'hospitalité de ses habitants, pour leur générosité et leur sens élevé de la tolérance, soit bafouée. Que le sens légendaire de l'«anaia» (sauf-conduit) dans cette région ancestrale, soit violé. En ce 21 septembre 2014, un hôte étranger, de nationalité française, qui était en compagnie de cinq Algériens, dans ces lieux paisibles en train de profiter de la vie et de la nature, ce hôte qui était venu leur apprendre certaines techniques d'escalade en montagne, ce hôte-là sera arraché à ses copains par des hommes sans foi ni loi. Il sera kidnappé par des terroristes se proclamant de la religion musulmane, se proclamant des soldats du califat Jund al Khilafah, un groupuscule qui venait de signer sa dissidence d'avec le groupe terroriste Aqmi qui activait jusque-là dans cette partie de l'Algérie et que l'ANP traquait sans relâche depuis plusieurs années. Ce groupuscule venait de signer son allégeance à l'organisation d'Al Baghdadi ; l'EI ou Daesh qui active jusque-là uniquement en Irak et en Syrie et à un degré moindre en Libye. Ce groupuscule signera sa naissance de la plus funeste manière avec le kidnapping du Français Hervé Gourdel, ce guide de montagne qui n'avait pas jugé utile de signaler ni sa présence en Algérie, ni son itinéraire, faisant entière confiance à ses amis algériens mais aussi, à la destinée comme c'est souvent le cas pour les gens semblables à Hervé ; ceux qui croient en la liberté et l'inexistence de barrières géographiques quand on est citoyen du monde. Hervé Gourdel payera son engagement dans cette logique de citoyen du monde libre comme le vent, trois jours plus tard. Les terroristes de Jund al Khilafah, dirigée alors par un certain Gouri Abdelmalek, terroriste notoire connu des services de sécurité et recherché depuis le début des années 2000, ont voulu en faire un exemple à la France en le décapitant le 23 septembre 2015. Depuis cette fatidique date qui a mis en émoi toute la Kabylie, la traque de ce groupe par les soldats de l'ANP a été sans relâche et moins de trois mois après, le sinistre «émir» de ce groupe, Abdelmalek Gouri, sera abattu par les forces de sécurité en compagnie de deux autres à Bordj-Ménaïel, dans la wilaya de Boumerdès, et quelques mois plus tard, le 19 mai dernier, le groupe Jund al Khilafah sera totalement anéanti à Guerouma, près d'Alger dans la wilaya de Bouira, avec l'élimination de 25 terroristes, dont le nouvel «émir» du groupe, un certain Bachir Kharza alias Abou Abdellah Athmane Al Assimi. Auparavant et après d'intenses recherches entreprises par quelque 3 000 soldats de l'ANP qui participaient à la traque de ce groupe terroriste, le corps d'Hervé Gourdel fut retrouvé enterré dans la forêt d'Abi Youcef dans la wilaya de Tizi-Ouzou, à quelques encablures du lieu de son kidnapping dans la forêt d'Ath Ouabane, au sud de la même wilaya. «Un vibrant hommage sera rendu à Hervé Gourdel» La semaine dernière, lors de notre passage dans ces lieux, en parcourant le chemin suivi par le défunt Hervé Gourdel et ses compagnons depuis le chalet où il avait passé la nuit avec ses cinq compagnons, près de Tikjda, jusqu'à ce belvédère situé à quelque 12 kilomètres plus loin, près du site d'Aswel, le long de la RN33, nous avons été frappés par la quiétude des lieux. C'est que depuis ces événements, les éléments de l'ANP qui ont été mobilisés pour la traque du groupe Jund Al Khilafah, ont été maintenus en partie sur les lieux. En témoigne ce campement militaire installé depuis dans le col de Tizi-N'kouilal, au croisement entre les RN30 qui part depuis M'chédallah et la RN33 depuis Bouira et qui est situé au pied du mont Lalla Khadidja qui culmine à 2 308 mètres, le plus haut sommet du Djurdjura. Un lieu que le défunt Hervé Gourdel et ses compagnons projetaient d'escalader lors de leur randonnée n'était cette fin tragique. Nous avons parcouru la RN33 jusqu'au belvédère d'Aswel où le défunt Gourdel et ses compagnons avaient passé la journée de dimanche et où le Français, en professionnel qu'il était dans le cadre des escalades, avait planté plusieurs pieux toujours visibles et rappelant à jamais son passage. En arrivant sur les lieux, nous avons été envahis par un sentiment d'amertume et de désolation après ce qui s'était passé durant la nuit de ce dimanche à lundi d'un certain mois de septembre 2014... Cela étant, et en souvenir de cet homme hors pair qui a été arraché aux siens mais également à tous ses amis algériens, des amis, citoyens anonymes mais surtout des gardes communaux conduits par le porte-parole du mouvement pour la cause des gardes communaux et pour la lutte antiterroriste, Aliouat Lahlou, ont décidé de rendre un vibrant hommage à cet ami de l'Algérie, «à ce patriote qui a bravé la peur comme nous le faisons depuis les années 1990», a tenu à rappeler notre interlocuteur. Pour Aliouat Lahlou, «il s'agira de rendre un vibrant hommage à cet homme d'exception qui a été aux côtés de ses amis algériens au prix de sa vie». Aussi, et d'après le porte-parole du mouvement des gardes communaux, le 30 septembre, «une gerbe de fleurs sera déposée au niveau du belvédère d'Aswel, dernier site visité par Hervé Gourdel avant son kidnapping et une minute de silence sera observée en sa mémoire».