L'aviation russe a mené hier ses premiers bombardements en Syrie à la demande du Président Bachar Al-Assad, Vladimir Poutine estimant qu'il fallait prendre les «terroristes» de vitesse et les frapper avant qu'ils ne viennent «chez nous». Ces frappes interviennent avant le début à 14h GMT d'une réunion au Conseil de sécurité des Nations-Unies, présidée par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, sur la «menace terroriste», en premier lieu celle du groupe Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie. Le ministère russe de la Défense a confirmé que l'aviation russe avait procédé à des «frappes de précision» en Syrie, détruisant notamment des «équipements militaires», des moyens de communication et des «stocks d'armes et de munitions» de l'EI. Selon une source de sécurité syrienne, l'aviation russe, en coopération avec l'armée syrienne, a frappé «des positions terroristes» situées dans trois provinces de Syrie, à Hama, Homs et Lattaquié, dans le nord-ouest et le centre du pays. Le seul moyen de lutter efficacement contre le terrorisme international - en Syrie comme sur les territoires voisins - (...) est de prendre de vitesse, de lutter et de détruire les combattants et les terroristes sur les territoires qu'ils contrôlent et ne pas attendre qu'ils arrivent chez nous», a justifié Vladimir Poutine lors d'un Conseil des ministres, selon des propos retransmis à la télévision russe. Il a en outre affirmé que les bombardements russes étaient conformes au droit international puisqu'ils répondaient à une demande d'aide militaire formulée par la présidence syrienne, qui a confirmé qu'une lettre en ce sens avait été envoyée par Bachar Al-Assad, à défaut d'une résolution à l'ONU. Le président russe a également confirmé que le dispositif ne concernait que des frappes aériennes, excluant ainsi - tout du moins pour l'heure - l'engagement de troupes au sol. Les Etats-Unis, qui ont les premiers annoncé ces frappes russes, ont été une nouvelle fois pris de vitesse. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a d'ailleurs appelé son homologue russe Sergueï Lavrov pour se plaindre. Ces frappes ne changeront rien aux missions anti-EI de la coalition, a par ailleurs indiqué Washington. Dans la matinée, les sénateurs russes avaient approuvé à l'unanimité la demande du Kremlin d'autoriser le recours à un «contingent militaire» à l'étranger, dans un vote similaire à celui qui avait précédé l'envoi de forces spéciales russes dans la péninsule ukrainienne de Crimée peu avant son annexion en mars 2014. Selon le général russe Iouri Iakoubov, les informations sur les frappes aériennes seront transmises aux Etats-Unis via le centre de coordination antiterroriste mis sur pied à Baghdad par la Syrie, l'Iran, l'Irak et la Russie. «Il ne s'agit pas de réaliser un quelconque objectif géopolitique ou d'assouvir une quelconque ambition, comme nous en accusent régulièrement nos partenaires occidentaux. Il s'agit des intérêts de la Russie», a poursuivi Sergueï Ivanov. Cette accélération de l'engagement de Moscou dans le dossier syrien s'inscrit sur fond de bras de fer entre le Président américain Barack Obama et son homologue russe sur le sort à réserver à Bachar Al-Assad, «tyran» qui doit partir pour l'un et rempart contre les djihadistes de l'Etat islamique pour l'autre. Projet de résolution russe A la manœuvre dans le dossier syrien, Vladimir Poutine s'est imposé en quelques semaines comme un acteur incontournable face à Barack Obama. Washington a été pris de court par le coup de poker de Moscou qui a solidement renforcé en septembre sa présence militaire dans le nord-ouest de la Syrie, bastion du régime, en déployant de l'équipement militaire et en construisant une base dans l'aéroport de Lattaquié. La Russie a également intensifié ses livraisons d'armes à l'armée régulière syrienne. Lundi à l'ONU, l'homme fort du Kremlin avait appelé à la formation d'une «large coalition antiterroriste» contre l'EI, incluant Damas et Téhéran. Barack Obama, qui mène sans grand succès depuis un an une vaste campagne contre le groupe djihadiste, ainsi que le Président français François Hollande rejettent toutefois cette idée et insistent sur la nécessité d'un «nouveau dirigeant» à Damas. Malgré les différends, Vladimir Poutine a néanmoins reconnu un dialogue «constructif et étonnamment ouvert» avec Barack Obama lors de la première rencontre officielle lundi entre les deux hommes depuis deux ans. A la tribune de l'ONU, le Président américain avait déjà ouvert la porte à une coopération «avec tous les pays, y compris la Russie et l'Iran» pour tenter de trouver une issue à la guerre qui a détruit la Syrie et fait plus de 240 000 morts en quatre ans et demi.