Estimant que les mesures de réduction des dépenses publiques et la limitation des importations risquent d'être inopérantes, dans le contexte de second choc externe, l'ancien ministre de l'Industrie, Hamid Temmar recommande de «reprendre tout ce qui a été fait depuis 2000». Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - L'Algérie traverse «une situation difficile, très difficile», affirme l'universitaire et ancien ministre de l'Industrie, Hamid Temmar. Mercredi dernier, en marge d'une conférence qu'il a animée au siège de l'Institut national d'études de stratégie globale (INESG), Hamid Temmar a estimé que le pays subit un second choc externe, après celui de 1986. Certes, «la situation a été toujours difficile», concédera-t-il. Mais, «nous n'avons pas tiré les leçons de notre propre histoire. Je ne sais pas pourquoi», dira celui qui a exercé plusieurs fonctions ministérielles, notamment celles de ministre de l'Industrie, ministre des Participations ou ministre de la Prospective, durant la première décade de la décennie 2000. Certes, Hamid Temmar considère que la situation que vit l'Algérie est également vécue par tous les pays pétroliers, à des degrés divers. Toutefois, l'ancien conseiller économique du président de la République «regrette» le fait que «nous aurions pu peut-être amortir mieux cette situation, en prenant un certain nombre de mesures il y a dix ans. Pas maintenant». Pourtant, l'invité de l'INESG argue qu'il «reste maintenant une fenêtre d'opportunités de deux ans et demi à trois ans, grâce à nos réserves de change». Mais «que faut-il faire» de cette marge de manœuvre ? s'interroge l'ancien ministre du Commerce. Selon Hamid Temmar, qui avait présenté lors de sa conférence une analyse critique de l'économie algérienne, une économie «toujours dans la trappe de la transition», caractérisée notablement par «une très faible productivité et une compétitivité extrêmement fragile», une spécialisation pétrolière» singulière et une «arriération» sur la plan de l'organisation et du management, il s'agit de «changer complètement le corps (le fonctionnement) économique». Ce qui nécessite d'avoir le temps nécessaire. Or, l'Algérie n'a pas suffisamment de temps pour opérer cette reconfiguration, observe l'ancien ministre. Il estimera ainsi que les mesures prises par l'exécutif pour gérer ce second choc pétrolier, essentiellement la réduction des dépenses publiques et la limitation des importations, ne sont pas suffisantes, voire «difficiles à mettre en œuvre» et donc inopérantes. Selon l'ancien ministre, la réduction des dépenses de fonctionnement risque d'être difficilement acceptable sur le plan social et celle des dépenses d'équipement et d'investissement aurait un impact négatif pour la croissance. Quant à la limitation des importations, celles-ci couvrant selon lui 70% de la demande domestique, Hamid Temmar estime qu'elle peut être opérée de manière rationalisée en sériant les besoins utiles tout en craignant «un départ immédiat de l'inflation» et, donc, «un pouvoir d'achat qui va baisser». Par conséquent, il estime possible de «reprendre tout ce qui a été fait depuis 2000, le réétudier dans le fond, écarter les mesures qui ont un effet de ralentissement et, au contraire, mettre d'autres mesures ou renforcer les mesures prises, en vue de consolider la croissance». De fait, Hamid Temmar invitera tacitement à poursuivre la mise en œuvre de la stratégie économique impulsée entre 2000 et 2009, une stratégie qu'il aura qualifiée lors de sa conférence de «puissante» et «effective» même si certains en doutaient, estimera-t-il. Une stratégie, explicitait-il, qui revêtait plusieurs dimensions s'agissant notamment de la transformation du système économique (libéralisation bancaire et amélioration de l'offre foncière...), le redéploiement de la fonction de production (privatisation, mise à niveau, promotion de l'investissement, relance du secteur public marchand...) et la mise en place de politiques d'appui (infrastructures, efficience de la ressource humaine) et qui ont été déclinées sous forme de réformes et politiques sectorielles (industrielle, bancaire, de mise à niveau... Ainsi, Hamid Temmar assurera que plusieurs actions de cette stratégie, plusieurs réformes ont été lancées et certaines se poursuivent et «qui sont en marche, avancent», dira-t-il, tandis que d'autres ont été «ralenties» en raison de plusieurs contraintes, avant la rupture opérée en 2009. A ce propos, l'ancien ministre de la Promotion des investissements indiquera que l'imposition de la règle 49/51 régissant l'investissement étranger était inutile dans la mesure où le dispositif réglementaire déjà en vigueur contenant suffisamment de mécanismes de sauvegarde. Et cela même si Hamid Temmar estimera que la législation régissant l'investissement doit être changée dans la mesure où l'investissement direct étranger est nécessaire et conditionne tout processus de développement et d'industrialisation. Cela étant, pour l'ancien ministre, «la fenêtre d'opportunités peut être saisie» pour réimpulser la stratégie impulsée, opérer des choix et/ou y apporter des correctifs et agir en vue de «relancer la production».