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Corruption dans le secteur judiciaire
Comment la combattre
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 10 - 2015

L'exigence de probité des magistrats passe notamment par la réunion de garanties statutaires et des conditions matérielles appropriées. Le respect de l'autonomie budgétaire de la justice est l'un des moyens qui garantit son indépendance. Mais la justice est aussi très touchée par la corruption. Parmi les mesures spécifiques à ce secteur pour prévenir et combattre la corruption qui y sévit : réhabilitation de l'institution et de son personnel, leur réarmement moral et la crédibilité à assurer. Parmi les instruments de prévention de la corruption des magistrats, il faut rappeler l'importance de la déclaration de patrimoine. Une justice indépendante, dotée de magistrats compétents, est garante de l'efficacité du dispositif légal de lutte contre la corruption.
Un Etat de droit se construit avec un système judiciaire indépendant et efficace.
Un pays dont la justice est paralysée par de nombreux dysfonctionnements ne peut pas assurer le fonctionnement démocratique de ses institutions. Dans un tel contexte, les citoyens perdent confiance en leurs élus, et la crédibilité de la justice est sérieusement entamée. Cette situation fait le lit de la corruption avec toutes les conséquences sociales, politiques et économiques qu'elle engendre. Garantir l'indépendance de la justice suppose une exigence de probité pour le corps des magistrats, des juges et des auxiliaires de justice. Une justice indépendante, compétente et intègre peut à son tour être garante de l'efficacité du dispositif légal de lutte contre la corruption.
En finir avec la «légitimation» de l'injustice
La corruption dans le système judiciaire mine évidemment la confiance des justiciables et la fiabilité de l'appareil judiciaire et finit par constituer un cadre de légitimation de l'injustice. Elle déstabilise l'Etat de droit, empêche le fonctionnement démocratique des institutions et constitue une menace à la stabilité sociale et politique d'un pays. La réhabilitation de la justice constitue par conséquent une priorité absolue.
Elle passe par une revalorisation du statut du personnel et une dotation suffisante en ressources matérielles et humaines. Un réarmement moral est aussi nécessaire pour redonner force et crédibilité au système judiciaire. Dans cet objectif, on peut envisager de promouvoir les mesures suivantes :
La déclaration de patrimoine des magistrats et des personnes les plus exposées au risque de corruption et de malversations, ainsi que son suivi réel par une instance crédible : ce processus doit être effectif et être l'objet de contrôles à toutes les étapes, d'autant plus que les signes d'enrichissement illicite sont facilement identifiables ;
l'élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature par leurs pairs, et sans aucune ingérence de la hiérarchie judiciaire ou du pouvoir politique ;
l'instauration de règles transparentes d'affectation et d'attribution de fonctions : certainement le maillon le plus faible du système judiciaire ;
la réduction des attributions de l'administration de tutelle au minimum requis par la nécessaire coordination avec le gouvernement : élément essentiel à la construction d'un Etat de droit ;
la mise en place d'un système d'information efficace au sein des services judiciaires permettant aux justiciables, aux auxiliaires de la justice et aux agents concernés de suivre les procédures : l'opacité est encore très souvent la règle ;
la sécurisation des opérations ayant une incidence financière ;
la simplification de l'organisation des audiences et des procédures ; et
l'instauration de voies de recours rapides et efficaces à l'encontre des auxiliaires de justice corrompus.
Rempart de l'Etat et de la société contre le développement de la corruption
Une justice indépendante, rendue par des hommes et des femmes qualifiés, dans le cadre d'une organisation transparente et immunisée contre les risques d'ingérence extérieure, constitue le rempart de l'Etat et de la société contre le développement de la corruption. Chargée de dire le droit et de sanctionner ceux qui contreviennent à ses règles, la justice est garante de l'efficacité du dispositif légal mis en place pour lutter contre la corruption. L'ensemble des lois et règlements en la matière doit être clair et bien adapté à son environnement.
Dans un pays démocratique – l'Algérie n'en est pas un – , où le principe de séparation des pouvoirs est respecté, la justice, si elle est réellement indépendante et compétente, a un rôle essentiel à jouer dans la prévention et la répression de la corruption. Ce rôle ne peut être assuré que si les conditions de démocratie et de respect des libertés sont réunies à tous les niveaux de l'organisation sociale et politique et si la société civile est étroitement associée à la vie publique. La citoyenneté se construit à tous les échelons des institutions de l'Etat. Les Algériens attachés à ces valeurs ont du pain sur la planche...
En matière de dispositif légal en Algérie, tout reste à faire
Quelques règles de base sont communes aux législations les plus efficaces contre la corruption. D'autres soulèvent des controverses, selon la philosophie des systèmes judiciaires. Il s'en dégage néanmoins quelques principes généraux.
Les lois contre la corruption doivent être conformes aux droits de l'homme et garantir un procès juste et équitable à l'accusé.
Des règles claires doivent être développées et les sanctions justes et proportionnées aux faits.
Pour être effective, la loi doit être soutenue par l'opinion publique, faute de quoi, elle risque de ne pas être appliquée.
Des dispositions spéciales pourraient être adoptées pour contrôler l'enrichissement de certaines personnes exposées au risque d'être corrompues. Dans de pareilles circonstances, la vraie difficulté consiste à inverser la charge de la preuve et obliger l'individu à divulguer la source de ses revenus, sous menace de condamnation pour corruption.
Il est nécessaire de mettre en place des dispositions spéciales pour permettre le recouvrement par l'Etat des profits de la corruption. Le droit pénal doit prévoir la poursuite, la saisie, le blocage et la confiscation de revenus provenant de la corruption.
Les dispositions légales doivent empêcher le recouvrement des profits de la corruption par les personnes corrompues, souvent placés sous le nom du conjoint ou d'un tiers, par des mesures telles que l'annulation des simulations de «trusts», de cadeaux, de donations frauduleuses, etc.
Le régime répressif qui permet l'incrimination de celui qui reçoit, ainsi que celui qui offre tout paiement illicite, doit aussi assurer la protection de ceux qui dénoncent la corruption.
La législation devrait aussi instituer la révision ou l'annulation des marchés publics par l'Etat, lorsqu'ils ont été obtenus par corruption.
Il serait souhaitable de permettre aux particuliers de se constituer partie civile dans toutes les affaires de corruption.
En comparant la situation du dispositif légal algérien contre la corruption et ces principes généraux, on s'aperçoit que tout reste à faire.
Indicateurs d'évaluation du système judiciaire
Les juges, les magistrats et les juges d'instruction sont-ils indépendants ?
Sont-ils protégés contre une révocation sans justification valable ?
Leur désignation est-elle basée sur des critères professionnels ?
Les règles de recrutement et de déroulement de carrière sont-elles basées sur le mérite ?
Existe-t-il un code de déontologie ou un code de conduite abordant les thèmes relatifs à la corruption au sein du système judiciaire ?
Un juge a-t-il été démis de ses fonctions de manière non conforme à la loi, notamment quand il a eu à gérer des dossiers sensibles, de grande corruption par exemple ?
Existe-t-il des règlements régissant les conflits d'intérêts pour les juges et les magistrats ?
Des juges ont-ils été sanctionnés pour corruption ces dernières années ?
Existe-t-il des procédures de déclaration et de contrôle du patrimoine, des revenus et du train de vie des juges et des magistrats ?
Les tribunaux ont-ils le pouvoir de statuer sur la légalité des actes des membres de l'Exécutif ?


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