En dépit des tensions qui ont fréquemment affecté les relations algéro-tunisiennes ces derniers mois, les deux pays ont pu accomplir les travaux de la 20e session de la grande commission mixte sans laisser entrevoir l'existence d'un quelconque différend. Alger et Tunis sont tous deux condamnés à s'entendre afin d'éviter d'être gagnés par le chaos qui règne dans la région. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les deux parties ont tenu à annoncer en grande pompe la décision commune de supprimer le permis de travail pour les citoyens tunisiens résidents en Algérie et vice-versa. Décision issue de la «bonne entente» entre les deux Etats, mais il ne fait nul doute que l'attention des Tunisiens comme des Algériens s'est focalisée sur la situation sécuritaire prévalant dans les deux pays, la lutte antiterroriste et naturellement la crise libyenne. Diplomatie oblige, il n'a été fait en aucun cas mention des dérapages malheureux qui ont fait tache noire dans les relations politiques bilatérales. Le dernier couac en date est l'œuvre du ministre tunisien de la Défense qui, de manière très inattendue, avait déclaré au quotidien El-Chark El-Awsat : «Le terrorisme dont souffre la Tunisie nous provient d'Algérie et de Libye.» Ces propos ont fait l'effet d'une douche froide aux Algériens bercés par le doux discours de la fraternité entre les deux Etats et encore sous le coup d'une autre déclaration, plus haineuse celle-là, de l'ancien président français, Nicolas Sarkozy, lequel avait plaint les Tunisiens d'avoir la malchance d'être coincés entre la Libye et la Tunisie. Très vite, le parallèle a été établi entre les deux déclarations et l'attitude du ministre tunisien de la Défense est apparue comme ayant été encouragée par la verve de Sarkozy et il en a inévitablement découlé des interrogations sur les raisons qui ont poussé M. Farhat Hornachi à se comporter de la sorte sachant que ses homologues algériens n'ont pas hésité à dresser un véritable rempart humain aux frontières (une bonne partie des jeunes appelés de l'ANP ont été mobilisés dans ce cadre) afin d'éviter toute infiltration terroriste dans les deux sens. Alger n'a pas hésité non plus à dépêcher des forces qui sont intervenues sur le territoire tunisien lorsque la situation le réclamait. L'incompréhension est d'autant plus grande que ces propos sont venus s'ajouter à ceux du Président tunisien lui-même lequel avait ciblé plus adroitement l'Algérie en déclarant, en mars dernier : «A chaque fois qu'un groupe terroriste est arrêté en Tunisie, son chef s'avère être algérien.» Le «détail» était-il indispensable à fournir de la part d'un chef d'Etat salué pour sa grandeur et dont la première visite officielle après son élection a été réservée à l'Algérie ? Chez nous, les autorités, en général peu enclines à répondre à ce genre d'attaques, ont cette fois réagi par la voix de notre ministre de l'Intérieur qui a rappelé que le terrorisme n'avait pas de nationalité. Le ministre algérien des Affaires étrangères, réputé pour son savoir en la matière, n'a pu s'empêcher cependant de se déplacer en Tunisie en juillet dernier pour tenter de régler un autre différend. Car au même moment, l'Algérie venait de refuser l'offre américaine d'installer une base de drones destinée à lutter contre daesh sur son territoire. La concrétisation d'un tel projet, dit-on, aurait mené à une sur-militarisation de la région et une aggravation de la situation qui y prévaut. La question était cependant perçue différemment par les autorités tunisiennes décidées à accepter l'offre qui leur a été faite par les Américains d'installer cette fameuse base de drones aux frontières algéro-tunisiennes, ce qui a été mal vu par les Algériens. Et c'est dans ce contexte de tension que M. Lamamra s'est rendu à Tunis où il s'est entretenu avec le président de la République, son chef du gouvernement et son homologue. Une lettre émanant du Président Bouteflika et dont le contenu n'a pas été rendu public a été remise à M. Essebci. Puis plus rien, le flou s'est installé jusqu'au jour où, une semaine environ après le retour de notre ministre des Affaires étrangères, une information officielle annonçait une rencontre entre le Président algérien et Ghannouchi, leader du parti Ennahda tunisien. Ghannouchi, connu pour les liens d'amitié qu'il entretiendrait avec Bouteflika, aurait servi d'intermédiaire chargé d'aplanir les différends entre les deux Etats. Quoi qu'il en soit, il s'en est suivi des messages «chaleureux» entre les deux pays réitérés comme le veut la tradition à l'issue des travaux de la 20e grande commission mixte algéro-tunisienne. Le souci d'échapper au drame qui affecte la région ne laisse pas d'autre choix que l'entente sur les questions principales.