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APRÈS L'INCARCERATION DE LEUR MAIRE
Les Constantinois abasourdis
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 11 - 2015

Coup de théâtre après l'annonce de la mise sous mandat de dépôt du président de l'APC de Constantine en cette fin de semaine. Sur toutes les places publiques de la ville, toutes les discussions portaient sur cette incarcération du premier magistrat de la ville, Seïf Eddine Rihani, par le magistrat instructeur du tribunal de Chelghoum Laïd.
Dans les cafés et chaumières, chacun y allait de son propre commentaire. Les avis se rejoignent cependant sur le caractère prévisible d'une telle fin. Au niveau d'un café réputé de la ville, la nouvelle est à l'ordre du jour de tous les attablés. «Ce n'est pas du tout étonnant. Les charges qui lui sont reprochées sont très graves. Il a été rattrapé par l'affaire des 32 villas, mais surtout par sa dépendance hypothétique vis-à-vis de Driss (l'ex-Mouhafedh du FLN à Constantine) (ndlr). Il ne pouvait que déboucher sur ce sort implacable, somme toute, attendu», entend-on à l'une des tables et à l'autre : «Depuis le temps que la presse s'est emparée du sujet et que ses pairs à l'assemblée l'ont dénoncé, les choses ont plutôt pris du temps à se dessiner».
Du côté du groupe d'élus qui n'a cessé de s'élever contre les dépassements du maire et à l'origine de la plainte, la mine était à la réserve. Requérant l'anonymat au même titre que ces compères, l'un d'eux dira : «D'abord, nous sommes très tristes, ce n'est pas une jubilation ou une quelconque revanche que nous avons prise sur le maire, c'est surtout cette honte pour notre ville qui, depuis l'indépendance n'a jamais connu un tel sort, deux élus d'une même assemblée se retrouvent en prison (L'affaire Abdaoui Abderrahmane, vice-président NDLR) et maintenant le maire, c'est vraiment amer, alors que la ville vit au rythme de cet événement culturel d'envergure internationale avec tout ce que cela suppose comme projecteurs braqués sur notre cité, j'en ai la rage».
Un autre dira pour étayer les propos de son camarade : «Ce qu'il faut savoir, ce sont les dommages à craindre pour la municipalité et le préjudice causé par ce maire à la commune. Nous avons pour pratiquement 50 ans de passif dans la gestion du domaine financier, le contentieux qu'il a généré par sa catastrophique gestion aura des répercussions très graves pour le bon fonctionnement de notre commune. C'est ce qu'il faut appréhender suite à cette affaire, nous redoutons le prix à payer pour cette transgression de la loi.
Quant aux torts qui incombent au promoteur, c'est le véritable bourbier dont la commune aura du mal à se relever puisqu'elle sera seule pour s'acquitter de cette facture».
Pour un autre élu, c'est la perfidie du maire qui est en cause et de dire : «Depuis son installation dans cette fonction, nous n'avons pas cessé d'attirer son attention sur sa soumission presque aveugle vis-à-vis de son ancien employeur, Driss Maghraoui en l'occurrence et quand nous avons compris que c'est ce dernier qui gérait les affaires de l'APC, nous avons saisi l'ampleur du gouffre dans lequel nous allions être jetés. L'affaire des 32 villas allait inévitablement mettre à nu les intentions du maire et de ses maîtres à penser, car comment se fait-il qu'à l'issue de trois mois seulement de son installation, il signe un permis de construire en toute illégalité, sans consulter son assemblée et en usant d'un faux document».
Poursuivant leur propos, les membres du groupe au nombre de sept revendiquent solidairement la paternité d'une autre plainte qui pèse sur le P/APC au sujet des subventions destinées aux associations culturelles et sportives. Ils l'accusent d'avoir agi avec une insouciance à la limite du vol en accordant des sommes faramineuses à l'une d'elles au détriment d'autres, plus représentatives et plus actives. Sur ce point, le wali était intervenu promptement pour annuler les décisions du maire et l'affaire risque de faire d'autres remous. Et à propos de la suite des évènements, ils estiment que cette affaire n'a pas fini de livrer tous ses secrets, tant les transgressions de la loi sont multiples.
Le président de l'APW n'est pas en reste puisqu'il risque d'être mêlé à cette affaire du fait qu'il est associé dans les statuts de la Sarl, Yaïche et Maghraoui Briqueterie, mais, plus grave selon l'un de nos interlocuteurs : «Cette société n'a qu'une existence juridique, c'est-à-dire uniquement sur le papier, physiquement, elle n'existe pas. Comme sa dénomination l'indique, Briqueterie, je vois mal comment elle peut prétendre à une autre activité soumise à une réglementation spécifique, la promotion immobilière en l'occurrence, et cela nous amène à nous poser des questions, pourquoi le P/APW n'a pas été auditionné ?» «Simple», dira ce dernier en expliquant que c'est tout à fait compréhensible, car «s'il n'était pas mêlé à cette affaire, il serait intervenu en tant que P/APW pour mettre en garde le P/APC contre l'illégalité de cette décision, donc c'est une complicité, c'est on ne peut plus clair».
Sur un autre registre, le devenir de cette assemblée pose désormais le problème de la succession et à ce titre, l'un des intervenants ne manque pas d'avancer son interprétation des mesures prévues par la loi, notamment le code communal : «En effet, le code communal prévoit ce cas de figure, notamment dans ses articles 65 et 71 qui stipulent qu'en cas d'impossibilité d'exercer ses fonctions, une élection est prévue dans les dix jours qui suivent cette déclaration de vacance ; le wali, selon les prérogatives que lui confère la loi, doit d'abord signer un arrêté de suspension de fonction du maire et désigner un intérimaire, généralement le secrétaire général de la commune pour les affaires courantes. L'élection, quant à elle, prendra en considération la candidature du "tête de liste", à défaut d'une élection dépassant les 51%, une autre élection se fera sur la base de nouvelles candidatures». Sauf, ce que craignent ces derniers, si c'est l'autre bloc dévoué au maire, au nombre de 22 et qui sont tous payés par la commune et qui ne pourront se défaire de tant de prérogatives et de facilités, comme le souligne l'un de nos interlocuteurs : «22 de ces élus perçoivent des salaires mirobolants et jouissent d'autres privilèges, ils vont tout faire pour laisser les choses en l'état, d'abord, parce qu'ils risquent gros si une nouvelle assemblée est élue dans la transparence. S'ils veulent préserver leurs privilèges, ils sont, cependant, inconscients du passif qui pèse sur la commune et partant, sur la ville de Constantine».
Notons, selon l'un de nos interlocuteurs, que le maire, juste après la visite qu'il a effectuée avec le wali mardi dernier, avait aussitôt déposé un arrêt de travail de 21 jours pour désigner un intérimaire, la directrice du patrimoine, Madame Benhacine. Un choix plus que controversé selon eux, considérant que cette décision est inappropriée et obéit à d'autres considérations du fait que cette responsable est apparentée au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, «une couverture pour le maire», dira un autre intervenant.
Concernant le wali et ses services, voire même à un niveau supérieur de l'Etat, ces élus estiment qu'effectivement «il y a eu passivité des pouvoirs publics, notamment sous l'ère Belkhadem en tant que SG du FLN ; le maire et ses protégés au collège des élus municipaux avaient alors le vent en poupe, croyant à une impunité acquise à jamais.


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