Abdelaziz Bouteflika l'a annoncé officiellement : «Le projet de la révision constitutionnelle sera bientôt rendu public.» Cette annonce, faite hier, dans son message à la nation, à l'occasion du 61e anniversaire de la Révolution du 1er Novembre, met définitivement fin au suspense entretenu autour de cette affaire de la révision de la Constitution. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Bouteflika confirme, ce disant, que le processus institutionnel de cette révision est désormais enclenché, avec, très prochainement, une réunion spéciale du Conseil des ministres, puis la convocation du Parlement et, enfin, fort probablement, un référendum. «Le front de Ammar Saâdani est prévu pour cette seule mission», nous confie une source sûre. Bouteflika, qui a reçu la copie finale, revue et corrigée par le groupe des Sept (Ouyahia, Sellal, Gaïd Sallah, Bessaïeh, Medelci, Belaïz et Tayeb Louh), groupe qui a «refait le travail» après le départ du général Toufik, annonce même quelques détails. «Beaucoup de réalisations ont déjà été concrétisées (depuis 1999, ndlr), mais d'autres restent à consolider ou à parachever, y compris dans les domaines politique et de la gouvernance, et le projet de révision constitutionnelle qui sera bientôt rendu public, se projette dans cette direction». Le projet ayant fait, pour rappel, l'objet de trois rounds de consultations nationales, sous la conduite respective de Abdelkader Bensalah en 2011, Abdelmalek Sellal en 2013 et Ahmed Ouyahia en 2014, Bouteflika fera des «révélations» ciblées, histoire de montrer qu'il a tenu compte des propositions des «consultés». «Il en est ainsi, écrit-il, de l'aspiration que ce projet reflète, à consolider l'unité nationale autour de notre histoire, de notre identité et de nos valeurs spirituelles et civilisationnelles. Il en est de même, poursuit Bouteflika, de la volonté qu'il incarne de promouvoir la place et le rôle de la jeunesse face aux défis du millénaire. Il en est de même également à travers les garanties nouvelles que ce projet de révision propose, pour conforter le respect des droits et libertés des citoyens ainsi que l'indépendance de la justice.» En direction de l'opposition, Bouteflika réservera ce passage. «La même approche guide aussi l'approfondissement de la séparation et de la complémentarité des pouvoirs, en même temps que l'opposition parlementaire sera dotée des moyens d'assumer un rôle plus actif, y compris par la saisine du Conseil constitutionnel.» Toujours à l'adresse de l'opposition, il y aura même cette grande surprise : «Enfin, ajoutera en effet Bouteflika, la dynamisation des institutions constitutionnelles de contrôle, tout comme la mise en place d'un mécanisme indépendant de surveillance des élections, participent d'une même volonté d'affirmer et de garantir la transparence dans tout ce qui est relatif aux grands enjeux économiques, juridiques et politiques dans la vie nationale.» Revendication fondamentale de tous les acteurs sérieux de l'opposition, la mise en place d'une instance indépendante de surveillance des élections a toujours été rejetée par le pouvoir, Bouteflika en particulier. Un peu comme la justice, l'administration et les services de sécurité, la gestion des élections est un vrai instrument de pouvoir, une arme qui garantit la pérennité du système, en toutes circonstances. Bouteflika est-il enfin prêt à concéder cet atout majeur qui lui a permis d'arracher quatre mandats présidentiels en plus du fait de redessiner la carte politique nationale à sa guise ? Il faut vraiment mal connaître l'homme pour se hâter à de telles conclusions angéliques ! Selon une source bien informée, le dispositif dont parle Bouteflika est tout autre. «Il s'agit bel et bien d'un mécanisme indépendant. Mais indépendant par rapport aux partis et autres candidats. L'on ne peut être juge et partie.» Et donc pas par rapport au pouvoir, c'est aussi simple que cela ! Bouteflika, qui n'a jamais caché sa conception de la démocratie, «la plus grosse erreur de l'Algérie indépendante est l'ouverture au pluralisme», disait-il en 2004, a introduit un nouveau concept, depuis hier : «La démocratie apaisée.» Il écrira à cet effet : «J'espère que cette révision constitutionnelle contribuera à l'affirmation d'une démocratie plus apaisée dans tous les domaines, ainsi qu'à davantage d'épanouissement des énergies des acteurs politiques, économiques et sociaux du pays, au service des intérêts de notre peuple, le peuple qui est la source exclusive de la démocratie et de la légitimité, le peuple qui est le seul arbitre souverain de l'alternance au pouvoir.» Comme cela a été le cas en 1999, 2004, 2009 et 2014...