Les opérateurs nationaux sont davantage impliqués dans les affaires de transferts illicites de devises, assurait hier le ministre du Commerce, évaluant ces derniers à plus de 20 milliards de dollars. Cherif Bennaceur – Alger (Le Soir) - Le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, était l'invité hier matin de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale. L'opportunité pour le ministre du Commerce de revenir sur le dispositif des licences d'importation et d'exportation qui devra être opérationnel dès le début 2016, voire même avant. Un dispositif qui fonctionnera «dans la plus grande transparence» et dans le cadre d'une large concertation avec les associations patronales, assure-t-il, en précisant qu'il concernera, «dans une première phase» une quinzaine de produits importés, citant notamment les véhicules, le rond à béton, l'aliment de bétail et les ciments. M. Belaïb considérera ainsi «les produits qui pèsent sur la balance des paiements, les produits dont les transactions avec l'extérieur ne sont pas toujours caractérisées par une grande transparence, les produits importés sans limites et qui peuvent constituer une menace pour les industries naissantes et ceux importés sans contrepartie en termes d'investissements et de maintenance». Il considérera ainsi que le dispositif des licences a été mis en place pour une meilleure organisation, régulation et contrôle des transactions commerciales, pour rationaliser les importations. Les surfacturations représentent 30% de la facture d'importation Et cela, dans une conjoncture marquée par «le recul considérable» des revenus du pays mais aussi par «le phénomène des surfacturations qui a énormément renchéri le coût des importations». A ce propos, Bakhti Belaïb a estimé que «les entreprises étrangères sont moins impliquées dans les transferts illicites» de devises à l'extérieur. «C'est souvent des nationaux qui sont impliqués dans ces transferts. Des gens qui créent des sociétés écrans et qui finalement déterminent eux-mêmes les prix (des produits) puisqu'ils sont à la fois vendeurs et acheteurs», relèvera l'invité de la radio. Un phénomène qui «a pris une ampleur inquiétante», constate Bakhti Belaïb. «Quand on compare le coût des importations à la valeur réelle de ces importations, le (surcoût) est de plus de 30%», dira le ministre du Commerce qui observe ainsi que sur le volume global des importations, les transferts illicites représentent quelque 30%. Ainsi, pour une facture de l'ordre de 60 milliards de dollars annuellement, les transferts illicites représenteraient un montant de plus de 20 milliards de dollars. Belaïb plaide pour le démantèlement du Credoc Rétif à toute diabolisation des importateurs, Bakhti Belaïb considère néanmoins que «dans la sphère marchande, le taux de délinquance commerciale est très élevé». A ce propos, le ministre du Commerce indique qu'au premier semestre 2015, plus de 24 000 infractions ont été constatées, un chiffre d'affaires dissimulé de plus de 40 milliards de dinars a été enregistré et que 24 000 tonnes de marchandises ont été bloquées aux frontières. Egalement, il indique que plus d'une centaine d'importateurs ont été poursuivis en justice. Cela étant, Bakhti Belaïb a clairement qualifié le mode de paiement des importations par crédit documentaire (Credoc) de crime économique. «Il est déplorable de constater que, très souvent, des importateurs de bonne foi ont été arnaqués par leurs fournisseurs (car) on leur a imposé un mode de paiement qui les (oblige) à payer la marchandise avant même de l'avoir reçue», observe-t-il. «Quand vous constatez cela, vous comprendrez ma colère», affirme l'invité de la radio. «Je suis personnellement contre ce mode de paiement parce qu'il ne sert pas l'intérêt de mon pays», dira-t-il. Récusant toute divergence d'opinion avec le Premier ministre, le ministre du Commerce se présentera comme un «militant pour le démantèlement le plus rapidement de ce mode de paiement». Il y a «un monopole de fait» sur le marché du sucre Abordant la situation du marché national, notamment celui du sucre, Bakhti Belaïb reconnaît l'existence d'«un monopole de fait. Ce n'est un secret pour personne. Tout le monde le sait». Un opérateur, en l'occurrence Cevital même si le ministre du Commerce s'est refusé à le citer nommément, qui détient 80% du marché et qui a pu constituer un stock de matière pouvant couvrir les besoins pendant deux ans, en profitant de la chute des cours du sucre roux sur les marchés extérieurs. Toutefois, Bakhti Belaïb considère que cette situation n'est «pas la faute de celui qui a le monopole (mais) c'est l'Etat qui est en principe responsable». Cela étant, le ministre du Commerce note que 4 producteurs de sucre qui disposent de capacités de traitement et transformation de sucre roux, vont entrer en production «prochainement». Des opérateurs capables de couvrir les besoins du marché, voire d'exporter et qui vont mettre un terme à la situation de monopole, observera Bakhti Belaïb qui déplorera cependant que le détenteur du monopole ne répercute pas la baisse des cours mondiaux du sucre roux au niveau local. Pas de révision des prix du pain et du lait Une «infraction» que son département entend «combattre juridiquement», relèvera l'invité de la radio qui assurait auparavant «faire tout pour que la situation (monopolistique) soit corrigée le plus rapidement». Par ailleurs, le ministre du Commerce a assuré que la hausse du prix du pain et du lait n'est pas à l'ordre du jour, même si les pouvoirs publics concèdent l'examen de mécanismes permettant l'amélioration des revenus des boulangers. Pour autant, l'augmentation des prix du pain et du lait constitue une question «sensible» sur le plan politique, le «politicien averti» ne pouvant selon lui «manipuler». Bakhti Belaïb considérera également que la révision de la politique de subvention n'est pas à l'ordre du jour, en attendant «l'obtention d'un consensus général» sur le ciblage des catégories. Constatant par ailleurs que la désorganisation commerciales et l'inflation sont favorisées par l'insuffisance du réseau de distribution et par la multiplication des intermédiaires, le ministre du Commerce indiquera qu'une évaluation de la politique des marges est opportune.