De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari La conférence mondiale de soutien au peuple sahraoui qui s'est tenue jusqu'à hier à Madrid, indique, clairement, que les lignes bougent et que le processus d'indépendance du Sahara occidental est presque lancé. Des signes avant-coureurs l'indiquent clairement. Atocha, centre historique de Madrid, les forces de sécurité espagnoles sont contraintes — carnage de Paris oblige — de réduire les espaces prévus pour la grande marche de soutien au peuple sahraoui. Les organisateurs acceptent et adhèrent même à la décision. D'autant que Atocha est célèbre dans le monde entier parce que le site agréable et fonctionnel a connu des attentats similaires à ceux commis en France vendredi. L'Espagne a enterré, alors, 200 victimes du terrorisme islamiste. Pourtant, ni le dense tissu associatif madrilène, ni les forces politiques majeures qui ont porté cette quarantième Eucoco (Conférence mondiale de soutien au peuple sahraoui), ni même les officiers de police chargés du service d'ordre ne tiennent à annuler ou à reporter la marche. Le cortège s'ébranle, calmement. Les régions, les municipalités, les partis politiques fédéraux ou régionaux sont en tête de la manif. Des marcheurs prestigieux se fondent dans la foule. Karin Sceele, ex-présidente de l'intergroupe parlementaire européen «Paix pour le peuple sahraoui» et actuellement ministre en Autriche, Pierre Galaud, président de Eucoco, la représentante de la Gauche unie européenne, dont le président est le Français P. Laurant. Ce dernier devait assister à la conférence mais le malheur qui s'est abattu sur son pays l'en a empêché. Des élus de plusieurs pays du monde entier, députés, maires, présidents d'agglomérations, dont des Argentins, Mexicains, Sud-Africains. Les pancartes dans le défilé indiquaient clairement, et souvent par des formules recherchées, travaillées, que l'autodétermination des populations sahraouies ne peut plus être ignorée ou piétinée. La veille dans l'auditorium Marcelino Camacho, le ton était donné. Tous les intervenants ont exigé de l'Espagne qu'elle cesse de fuir ses responsabilités dans le dossier du Sahara occidental. D'autant plus qu'elle est, dorénavant, membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Situation favorable pour Madrid d'initier une résolution qui peut — qui doit — accélérer le processus référendaire au Sahara occidental. Les nombreux juristes présents à la quarantième Eucoco dont des noms de barreaux les plus prestigieux du monde, des experts en droit international et des rapporteurs indépendants spécialisés dans les droits des peuples encore colonisés, ont tous mis l'accent sur le fait que l'ONU ne reconnaît aucun droit au Maroc au Sahara occidental. Le statut de puissance administrante étant définitivement dévolu à l'Espagne.Les banderoles des manifestants dénonçaient «le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental», «les provocations de Mohammed VI», «la fuite en avant du Maroc» et «la complicité-duplicité de la France». Comme toujours, Rabat a tenté de saborder l'événement en mobilisant des barbouzes, les policiers espagnols, en bleu ou en civil, veillaient avec beaucoup de professionnalisme. Les perturbateurs sont vite reprérés et chassés du parcours des militants et sympathisants de la cause sahraouie. A la fin du parcours, il se dégageait la nette impression chez les participants à cette conférence mondiale de solidarité envers le peuple sahraoui que les lignes ont bougé dans la bonne direction. Le Président Mohamed Abdelaziz, relevons-le, a bénéficié pendant son séjour, ici, à Madrid, de mesures de protection exceptionnelles. Comme si l'Espagne préparait le terrain pour une évolution sur le dossier. Le dispositif mis au service du chef de l'Etat sahraoui indique, clairement, que Madrid n'ignore pas qui il est et ce qu'il représente. Il est vrai qu'à la veille des législatives en Espagne (20 décembre prochain) la pression populaire espagnole en faveur du peuple sahraoui est tellement forte que cette question est inscrite dans le programme de tous les partis politiques qui briguent la succession de M. Rajoy, actuel chef du gouvernement (droite conservatrice). Les principaux médias, ici, tant écrits, audio ou télévisuels ont assuré une bonne couverture de ce rassemblement mondial qui veut rendre justice au peuple des ténèbres. 2016 sera, assurément, une année charnière dans la longue marche des Sahraouis vers leur indépendance. Le statu quo actuel ne tiendra pas. Ne tiendra plus. Madrid est le commencement de la fin du colonialisme marocain au Sahara occidental.