Pari gagné pour l'opposition parlementaire. Il régnait hier à l'hémicycle Zighoud-Youcef, lors de la séance d'adoption de la loi de finances 2016 (LF 2016) une ambiance électrique qui a failli dégénérer en bagarre générale entre les députés de l'opposition et ceux de la majorité. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Une trentaine de minutes avant l'ouverture des travaux de la plénière, le hall de l'Assemblée nationale était déjà plein de monde. Des députés, mais surtout des journalistes venus nombreux couvrir l'événement. La veille, des informations circulant dans les milieux politiques annonçaient déjà un probable bras de fer entre les parlementaires. Il est 9h 55 mn, lorsque la cloche retentit, invitant les députés à rejoindre leurs places. C'est également le moment choisi par les députés de l'opposition parlementaire, composée du PT, du FFS, de l'Alliance de l'Algérie verte, du FJD et du MEN pour passer à l'acte. Ils sont près d'une soixantaine à improviser une marche à l'intérieur de l'hémicycle. C'est le début d'une journée parlementaire pas comme les autres. Une journée qui marquera l'histoire de l'Assemblée nationale (APN). En effet, les députés de l'opposition entament leur action et crient leur opposition à la loi de finances 2016. La tension monte d'un cran, lorsque le personnel de l'Assemblée en charge de la sécurité tente d'empêcher les contestataires de faire le tour de l'hémicycle. La tension est à son comble. Bousculés, les députés résistent et forcent l'entrée de la salle de plénière. Confrontation Portant des pancartes sur lesquelles on peut lire notamment «non à la dilapidation de l'argent du peuple» ou encore «loi de finances 2016 : argent pour la clique, misère pour le peuple», les députés sous les yeux de leurs collègues de la majorité haussent le ton et annoncent la couleur de ce qui suivra lors des débats. Il est 10 h15 mn. Le président de l'Assemblée nationale invite la rapporteuse de la commission à faire lecture du rapport complémentaire de la commission. Mme Saïda Bounab, députée du FLN, monte à la tribune. A peine entame-t-elle la lecture du rapport, les députés du FFS, du PT et de l'Alliance verte envahissent la tribune de l'Assemblée. Une première dans les annales. Des scènes qu'on ne voit qu'au niveau des Assemblées d'autres pays se déroulent sous nos yeux, dont la dernière en date a eu lieu au Parlement grec. La tension a atteint son paroxysme. La députée du FLN chahutée arrive difficilement à faire lecture de son rapport. La scène se déroule sous les regards inquiets de ses collègues du FLN. Ces derniers se retiennent d'apporter assistance à Mme Bounab. Le cafouillage est total. Quelques minutes après, des parlementaires du FLN rentrent en scène. Bousculade. On annonce des coups de poing entre députés de l'opposition et ceux de la majorité. La scène est indescriptible. Les signes d'une confrontation générale sont réunis. Le président du groupe parlementaire du FLN, M. Mohamed Djemai, intervient et tente d'éviter la confrontation. Ministres spectateurs Les députés du Parti des travailleurs, notamment Youcef Taazibt et Djeloul Djoudi s'opposent eux aussi à un éventuel dérapage. Le président de l'Assemblée nationale, M. Ould Khelifa, impuissant, suit les va-et-vient des uns et des autres. Ses appels à l'ordre n'ont aucun écho chez les protestataires. L'ambiance est électrique. Les commentaires vont bon train. On frôle une bagarre générale. Les députés du FLN tentent de renverser la vapeur, mais en vain. Les parlementaires du RND discrets évitent de s'en mêler. Choix tactique, laissent croire certaines sources proches de ce parti. «Nous sommes toujours dans le gouvernement de la majorité et nous soutenons également le programme du président de la République», indique-t-on. Devant ce grand cafouillage, les ministres présents suivent la scène. Certains en impassibles spectateurs, alors que d'autres, la tête baissée, suivent discrètement les événements. Il est 11 h passées de quelques minutes. Le président de l'Assemblée entame les travaux d'amendement. C'est un autre moment fort de la journée. Au fond à gauche de la salle des travaux, les élus du FFS brandissent l'emblème national et scandent «Djazaïr hourra dimocratia». Les articles contestés sont tous approuvés par la majorité sous les cris et sifflets de l'opposition. Les députés de ces derniers ne ratent pas l'occasion à chaque fois qu'ils interviennent pour passer leurs messages politiques. Il est presque 15h. Les travaux tirent à leur fin. Dernière démonstration de force : les députés de l'opposition quittent l'hémicycle et improvisent une manifestation à l'extérieur. Au milieu d'un important dispositif, ils tentent d'occuper le boulevard Zighoud-Youcef. La circulation automobile est interrompue. Les policiers réussissent à convaincre les parlementaires de rejoindre l'intérieur de l'hémicycle. Ces derniers observent pour quelques minutes un sit-in et donnent suite favorable aux doléances des responsables de police. Le siège de l'Assemblée nationale retrouve son calme. A l'intérieur, la majorité a déjà voté la loi de finances 2016.