Pour la première fois, la présidence a décidé de communiquer sur le départ en France pour hospitalisation du Président Bouteflika. A quoi renvoie cette soudaine communication ? Une nouvelle stratégie, conçue comme politique de gestion de l'information des citoyens sur la santé du Président et se délaissant définitivement de la coutume du silence — souvent de mensonges et de contre-vérités —, sur cette question ? Ou plus prosaïquement une approche préventive devançant toute éventuelle rumeur sur cette hospitalisation, les gestionnaires de cette communication, sachant enfin qu' aujourd'hui l'on ne peut plus rien cacher, les Algériens recevant en instantané et par de nombreux et divers canaux, toutes les nouvelles que leurs dirigeants ont depuis des lustres considérées comme secrètes. Un communiqué des plus brefs émis jeudi par l'APS relaie une annonce de la présidence qui nous apprend que «Son excellence, M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a quitté le pays ce jour, jeudi 3 décembre 2015, pour une courte visite privée en France, durant laquelle il effectuera ses contrôles médicaux périodiques, sous la direction de ses médecins traitants». Un communiqué certes bref, concis mais dont on relève trois points importants. Le ou les rédacteurs ont d'abord pris soin de préciser que le déplacement du Président s'est fait le jour même du communiqué, autrement dit, l'information a été immédiate et nul ne pourra reprocher, dans le futur, que l'on n'a pas communiqué immédiatement. L'autre point, non moins essentiel, est l'objet de cette visite en France qui consiste en «ses contrôles médicaux périodiques». En fait, nous suggère-t-on, le Président n'est pas particulièrement en mauvaise santé nécessitant un transfert urgent, par exemple. Il s'agit, nous dit-on, de routines, mais «périodiques», dit autrement, qui se font à intervalles réguliers. Le citoyen est averti : il y a cette visite de jeudi, et il y en aura encore d'autres. Quant à la durée de ce déplacement pour contrôle, il sera «court», nous apprend le communiqué. De l'autre côté de la Méditerranée, à Grenoble et plus précisément à la clinique d'Alembert où, annonce la presse française, le Président a bien été admis, le séjour est prévu ne durer que jusqu'à vendredi (hier soir) ou au plus tard dans la journée d'aujourd'hui. Reste toutefois une énigme : qu'a-ton voulu nous dire en précisant dans le communiqué le caractère «privé» de cette visite ? Bouteflika, et Dieu sait qu'il n'est pas à sa première hospitalisation en France et ailleurs à l'étranger, ses séjours hospitaliers n'avaient aucun caractère privé et comment pourraient-ils l'être, la santé de tout chef d'Etat ne pouvant relever de cette sphère. Jusque-là, aux multiples rumeurs fondées ou pas d'aggravation de la santé de Bouteflika, se sont succédé des mises en scène télévisuelles acrobatiques, exposant en quelques secondes au 20 heures de l'unique, d'une façon pour le moins inhumaine, Bouteflika recevant péniblement des personnalités étrangères de tous niveaux, tentant même de faire croire que ces personnalités viennent prendre conseil chez lui. La comédie a-t-elle fini par lasser y compris ses ordonnateurs après avoir fini de dégoûter les spectateurs ? Peut-être pas dans la mesure où, après la visite courte de ce jeudi rendue publique, les metteurs en scène seront bien obligés de récidiver ne serait-ce que pour montrer que le Président est rentré sain et sauf et qu'il continue, comme le répètent, sans vergogne, tous les tenants actuels du pouvoir, à gérer le pays. Ils continueront à traiter, sans aucun doute, la santé du Président de cette manière, celle qui leur permet de mener leurs petites affaires en attendant... et en se préparant à l'après, celui-ci pouvant durer longtemps, jusqu'à la fin du mandat présidentiel actuel comme il peut être soudain, imprévisible. Cette soudaineté possible peut venir de la dégradation de l'état de santé du Président mais elle peut venir aussi d'une explosion tout à fait plausible, le pays, avec les multiples faits récents (rébellions diverses, marches de protestation, jugements iniques d'officiers, limogeages en série, impunités face aux atteintes par certains porte-parole de Bouteflika...) vit aujourd'hui sur une poudrière prête à exploser en tout instant. Croire que la communication présidentielle, par la production du communiqué de jeudi, s'inscrit dans une nouvelle stratégie de transparence attendue par tous serait bien utopique. Si elle l'était, l'on aurait, comme de mise en pareille circonstance, avancé l'engagement du pouvoir à d'abord donner de véritables bulletins de santé et s'engager à le faire régulièrement. Il ne peut s'agir, tout au plus, que d'une communication de crise ratée et qui est loin des exigences professionnelles en la matière. En fait, la gestion catastrophique des rumeurs qui s'amplifient chaque jour sur la santé du Président mais pas seulement.