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A vous la parole, général !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 12 - 2015


Par Nour-Eddine Boukrouh
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Apparemment, c'est dans l'année où Bouteflika a perdu les trois quarts de ses capacités physiques qu'il a récupéré la totalité de ses pouvoirs politiques. Ses incessantes récriminations pour recouvrer le quart manquant retenu par les militaires comme une caution de garantie remontent aux premiers mois de son arrivée à la présidence de la République. On se souvient de la mémorable colère de l'été 1999 où il a utilisé le langage des fractions pour réclamer en public qu'on lui restitue le 1⁄4 sans lequel il se sentait un roi nu.
La présidence bicéphale qui prévalait depuis le départ de Chadli Bendjedid en janvier 1991 semble avoir connu son épilogue avec le départ du chef du DRS. Désormais Bouteflika peut, dans les conditions que l'on sait, suspendre le cours de l'histoire du pays comme il le fait depuis cinq ans avec le projet de révision de la Constitution, ou couper la respiration à ses habitants quand bon lui semble. N'est-on pas finalement passé, au vu de son état de santé, d'une direction bicéphale à une direction micéphale (le terme n'existe pas mais on a compris) ?
La logique aurait voulu qu'il s'entoure des meilleures compétences pour gérer les affaires de l'Etat devenu «civil» et, du coup, compenser l'amoindrissement de ses propres capacités. C'est, paradoxalement, la sénilité, la débilité et la servilité qui ont été mises à l'honneur comme ce que l'Algérie possède de mieux et l'exemple à offrir aux générations montantes pour les exalter.
C'est la fourberie, la roublardise et l'affairisme que ces dernières vont apprendre en cours accélérés à la suite de ce choix. A quoi bon, en effet, perdre le tiers de sa vie à étudier pour finir dans la file d'attente d'un autobus infect pour rentrer chez soi dans une cité de recasés, ou comme employé chez un vaurien de «chkariste» parlementaire ? Il vaut mieux s'inscrire dès l'enfance sur les listes des partis où on apprend le retournement de veste ultra-rapide, où on s'initie aux ficelles de la trahison comme on apprend chez les scouts à faire les nœuds marins, et où on attend patiemment son heure, assuré de devenir avec le temps député ou ministre-multimilliardaire.
C'est à croire qu'on a cherché avec la lanterne de Diogène le cynique dans les bas fonds du pays ce qu'il y avait de plus laid, d'ignare et de sans scrupule pour leur confier pouvoir, puissance et richesse. Comme si l'intention était de signifier aux Algériens qu'ils ne méritent pas mieux. Et c'est peut-être vrai. «Tels vous serez, tels vous serez gouvernés», a dit notre Prophète longtemps avant l'apparition du clan qui nous gouverne.
Si nous avons le type d'hommes que nous avons à la tête de nos institutions et de nos symboles historiques, c'est que le moudjahid Bouteflika a jugé dans sa mystérieuse machinerie cérébrale qu'ils étaient soit les meilleurs d'entre nous, soit les plus utiles à ses fins. Sinon pourquoi les a-t-il sélectionnés avec tant de minutie et de cohérence ? Colonisables, nous avons été colonisés. Encanaillables et despotisables à merci, nous le serons jusqu'au jour où nous deviendrons des citoyens à la place du tas de croyants «mselmin mketfin» que nous sommes dans l'ensemble.
On peut se demander s'il y a dans ces choix de la provocation contre le bon sens ou du machiavélisme revanchard envers ceux qui, depuis Boudiaf, ont entravé les présidents successifs dans l'exercice de leurs prérogatives. Le traitement réservé au général Toufik par le secrétaire général du FLN semble confirmer la deuxième piste. Les vainqueurs agissent avec lui comme s'ils avaient retourné la terre sur plusieurs milliers de kilomètres carrés à la recherche de l'aiguille spéciale qui ferait, comme dans les séances de torture, le plus de mal à l'homme devenu honni. Cela me rappelle une conversation que j'ai eue avec lui dans les années 1990 où il me disait son attachement au FLN. La fiction artificiellement maintenue en vie par le «système», donc par lui-même, est devenue le Frankenstein entre les mains desquels il est tombé au plus mauvais moment de son existence, c'est-à-dire au soir de sa vie.
Une autre fois, en 1994, il a laissé tomber, épuisé peut-être par la longue tirade sur les performances des nations dans l'Histoire dans laquelle je m'étais lancé pour lui faire apparaître la différence avec sa conception des choses : «Vous êtes le seul à avoir une vision». Inestimable hommage de la part de quelqu'un dans sa position mais, dans les faits, c'est l'engeance à laquelle appartiennent Sâadani et consorts qu'il a favorisée pour les besoins du «système» au détriment de la nouvelle génération politique dont j'étais. Ils le lui rendent bien aujourd'hui.
Dans ma fragilité de «roseau pensant» je pensais Algérie ; dans sa toute-puissance de «rab Dzaïr» il pensait «système» ; j'ai gardé mes idées sur les nations dans l'Histoire, lui vient de perdre ses illusions sur le FLN. Double et cruelle solitude que d'être chassé du monde des personnes auquel on a appartenu, et de voir s'effondrer son monde d'idées fausses. Je ne m'en réjouis pas et compatis à sa peine car je témoigne que cet homme est l'un des plus intelligents qu'il m'a été donné de rencontrer parmi les dirigeants du pays. Un général algérien discutant d'Histoire, de pensée, de philosophie pendant des heures alors que le terrorisme ravageait le pays, cela ne s'est pas vu depuis l'époque de Juba II. On l'oublie, mais il y a toujours un rapport entre terrorisme et idées.
N'est-ce pas le pire des châtiments qui pouvait être infligé au général Toufik que d'être vulgairement insulté par un personnage qu'il a contribué à mettre en selle à un moment ou un autre ? Désormais il doit rédiger lui-même ses lettres, fermer l'enveloppe avec sa salive, se plier aux procédures «régulières» comme les milliers de citoyens quotidiennement entassés devant les guichets de l'administration aux employés absents ou pleins de mauvaise volonté, et compter sur la presse pour faire parvenir ses doléances à «qui de droit».
Il doit ressentir dans l'isolement de pestiféré où il a été confiné la blessure de l'injustice, l'amertume de l'ingratitude et la morsure de l'humiliation. Elles ne sont que les sécrétions naturelles du «système» qui est un mode de gouvernement bâti sur des antivaleurs : la raison du plus fort, le culte hypocrite du «wakaf», le mépris impitoyable du «tayah», la cooptation, les trafics de toute sorte, le mensonge, la flagornerie, l'impunité, attirail du mal évoquant les orgues de Staline qu'on vient de régler sur lui comme objectif à détruire. Compterais-je parmi ceux que je dénonçais dans ma dernière contribution et qui, lorsque le taureau est à terre, accourent les premiers armés de couteaux bien affûtés ? Loin de là, de moi et du général Toufik, mais les enseignements à tirer des circonstances que nous vivons doivent l'être malgré leur cruauté dans l'espoir d'une rupture définitive avec un «système» aussi malfaisant que stupide.
Aussi forts et protégés qu'ils estiment être dans la hiérarchie du pouvoir, le tour des bandits, des valets et des escobars qui officient avec insolence aux postes civils ou militaires arrivera inéluctablement. Escobar n'est pas un nom de famille comme dans le cas de Pablo, le célèbre trafiquant de drogue colombien, mais un terme par lequel on désigne en français correct ceux qui retournent leur veste en trouvant toujours des justifications. Pablo Escobar avait plus de courage et d'honneur que ceux-là.
Le cas du général Toufik est spécifique. Il ne ressemble à aucun autre, civil, militaire, ministre ou ancien chef d'Etat. Il en sait plus que n'importe qui d'autre en vie sur le pays et l'étranger. Il n'est pourtant plus rien, plus qu'un naufragé, un zéro de chez zéro, selon la description de Sâdani. Si un pareil profil peut devenir en très peu de temps un «rien», que dire de Sâadani lui-même, de ceux qui le manipulent et de ceux qui suivent ses pas comme les péripatéticiens suivaient Aristote dans l'ancienne Grèce pour ne rien perdre de ses paroles, quand leur tour de tomber viendra? Il n'y aura pas de mots pour eux. Ni en français, ni en arabe, ni en amazigh, ni en grec.
Un homme de ce profil, égal en grade au chef d'état-major et à qui le président de la République a décerné en juillet dernier la médaille de la bravoure, ne se jette pas à la poubelle ou aux chiens, on le juge s'il a fauté, on l'assassine si on a peur de lui ou on assure et garantit son respect par les moyens du droit. Un seul homme peut le faire, rien qu'en remuant le petit doigt. S'il ne le fait pas, c'est soit parce qu'il n'existe pratiquement plus, soit parce qu'il est le commanditaire de toutes ces vilénies.
Des cris s'élèvent de partout et des sirènes retentissent à intervalles réguliers pour prévenir que le Président n'exerce plus la plénitude de ses pouvoirs fraîchement recouvrés, ni même les trois quarts dont il jouissait au début de sa carrière, mais à peine le quart brigué jadis à en perdre haleine. On lui aurait concédé en matière d'activité officielle la partie protocolaire des affaires étrangères pour montrer au peuple à l'occasion d'audiences scientifiquement filmées pour ne laisser jurer aucun détail qu'il est toujours en vie et exerce normalement ses fonctions. Alors que la Constitution lui fait explicitement obligation de «s'adresser directement à la nation» (article 70), il ne l'a plus fait depuis plusieurs années. Il serait selon les déclarations d'anciens proches et intimes sous l'influence de son entourage, et c'est ce cercle occulte qui serait derrière les mesures suspectes glissées dans la loi de finances 2016 au grand émoi de l'opposition. Les hypothèses les plus folles circulent sans que quiconque puisse les confirmer ou les infirmer: il serait pris en otage, on lui transmettrait de fausses informations, on l'aurait ensorcelé, les oligarques présideraient aux affaires du pays, le mécanisme de succession à l'origine du report de la révision constitutionnelle aurait été mis au point et on attendrait le moment propice pour l'imposer au peuple... Qu'y a-t-il de vrai et de faux dans tout cela ?
Le vote de la loi de finances 2016 dans des conditions rocambolesques, la demande d'audience des «19-4», la protestation des généraux Nezzar et Toufik contre le verdict rendu par le tribunal militaire d'Oran, le flottement perceptible à tous les niveaux de l'Etat, les tiraillements à l'intérieur du gouvernement, la récente mission des pieds nickelés aux Etats-Unis, tout ces faits et d'autres échappant à notre connaissance ont eu lieu en l'espace d'un mois, renforçant la sensation que nous sommes entrés dans une phase périlleuse accentuée par la dernière baisse des prix du pétrole qui atteindront bientôt, selon Goldman Sachs, les 20 dollars le baril. Quelles seront les conséquences des ruptures en cascade observées dans un «système» hermétique jusqu'à il y a peu? A quels résultats vont conduire tous ces évènements?
Général Toufik ! En vertu des responsabilités qui ont été les vôtres et de l'idée qu'ont de vous vos compatriotes, vous êtes tenu d'éclairer les Algériens non pas sur les secrets de l'Etat ou vos activités passées, mais sur la nature du système, les raisons de son maintien, l'échec de l'expérience démocratique algérienne... Vous êtes redevable de ce loyal et ultime service non pas au «système», mais à la nation. Sâadani vous a mis au défi de créer un parti, de sortir de l'ombre, de faire de la politique... Pourquoi pas ? Faites-le, montrez-vous sur les chaînes de télé, écrivez, témoignez, prouvez que votre attachement à l'Algérie est supérieur à votre attachement au «système» et à votre confort personnel.
Nous sommes écœurés de vous voir malmené par ceux que vous avez promus socialement, économiquement ou politiquement. C'est la lâcheté et la trahison des pseudo élites qui ont fait le lit de la colonisabilité tout au long de notre histoire. L'article 21 de la Constitution stipule que «les fonctions au service des institutions de l'Etat ne peuvent constituer une source d'enrichissement, ni un moyen de servir des intérêts privés», et pourtant nous ne voyons plus que cela.
Vous êtes aujourd'hui en état de mieux comprendre mon acharnement de jadis à vous convaincre, quand vous étiez l'homme le plus fort du pays, à réfléchir à l'avenir, aux générations futures, à l'intérêt d'installer un ordre démocratique réel et des institutions fiables au lieu de construire sur les accointances, les conciliabules, la fraude électorale et l'art de «dribbler».
Il n'y a pas mieux, il n'y a pas plus sûr que les valeurs démocratiques pour garantir le bien des hommes et leur dignité en tout temps et tout lieu, quand ils sont en fonction ou à la retraite.
Ces valeurs ne reposent ni sur la force brute qui peut passer de l'un à l'autre, ni sur les allégeances aux personnes qui sont très souvent versatiles, mais flottent au-dessus de tous, accessibles au commun, opposables à chacun et inscrites dans le marbre des lois inviolables. On lit dans le Coran : «Nous leur montrerons Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que c'est cela la vérité...» (Fussilat, v.53).


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