Par Ahmed Halli [email protected] Réjouissez-vous braves et pieux musulmans, exultez, invoquez les saints noms de Dieu, et remerciez le Très Haut pour sa miraculeuse intervention en Arabie Saoudite ! Les femmes saoudiennes ont enfin droit à l'isoloir, pour faire pendant à celui qu'elles portent sur elles depuis des décennies, voire des siècles. Electrices encadrées, candidates cloîtrées en studios et isolées des hommes, pour les besoins de leurs campagnes, elles ont donné leur voix, à défaut de donner de la voix. Oui les Saoudiennes ont voté ce samedi 12 décembre, dûment accompagnées par leurs tuteurs, et pour les premières élections municipales pour lesquelles elles sont aussi candidates. L'une d'elles, l'activiste Loudjain Hadhloul, a vu sa candidature rejetée, parce qu'en décembre 2014, elle a tenté de rentrer en Arabie Saoudite, au volant d'une voiture. Loudjain Hadhloul et la journaliste Maïssa Lamoudi, qui l'accompagnait, avaient été condamnées à deux mois de prison pour avoir bravé l'interdiction de conduire pour les Saoudiennes. Quant aux candidates autorisées à se présenter, l'une d'elles a été élue à La Mecque, selon les premiers résultats connus hier. Ainsi, ces braves Saoudiennes vont-elles être reconnues aptes à diriger une commune, mais pas à conduire un véhicule automobile. Voilà ce qu'on vous a donné à voir, au moment où tous les pays de la terre, dont beaucoup représentés par des femmes, se réunissaient à Paris pour célébrer un accord sur le climat. Il y a quatre-vingt et un ans que la Turquie de Kemal Atatürk, qui n'avait rien à voir avec celle d'Erdogan, a octroyé le droit de vote aux femmes, quatre-vingt-et-un ans, autant dire un siècle! Cette mascarade destinée à la consommation extérieure, et qui a effectivement fait la «une» dans les médias, me rappelle ce dessin de notre talentueux caricaturiste Aït-Kaci. On y voit une femme en train de se noyer et un barbu sur la jetée lui lançant un djilbab au lieu d'une bouée de sauvetage. La triste réalité saoudienne et la révoltante condition du sexe éminemment faible en ce pays, c'est le statut de mineure à vie de la femme, ainsi que les barrières opposées à son émancipation. Selon des statistiques récentes, 13% seulement des Saoudiennes accèdent au marché du travail, alors qu'elles représentent plus de la moitié des diplômés des universités. Ce qui signifie que près de 90% de ces diplômées ont pour unique débouché les maternités et le harem, puisque condamnées aussi à accepter la polygamie, pour ne pas subir l'opprobre d'être vieille fille. Et tout ceci, au nom d'une vision de l'Islam imposée par des théologiens sénescents, mais concupiscents, et souffrant des troubles intermittents de la libido. Ce sont ces cheikhs qui président aux destinées de la majorité des pays musulmans, les incitant de la voix et du geste à reculer plutôt qu'à avancer. Ces cheikhs, plus portés sur le business que sur le pastoralisme, reprennent volontiers le titre de «Alem», ou savant, que des théologiens se sont attribués, pour abuser les croyants. Ce sont ces imams maléfiques qui déforment le visage de l'Islam, que cible l'écrivain satirique égyptien, Sammy Al-Buhaïri, dans son combat sans répit contre l'intégrisme. Ces prétendus savants se donnent même pour mission de montrer la voie aux musulmans vivant en Occident, via des associations de pseudo savants, comme l'association wahhabite de Karadhaoui en Europe. Ces agents du wahhabisme sont partout, leur présence est pesante et inamovible : «Tu ouvres un journal, tu les trouves, tu allumes la télévision, et ils te comblent les yeux et les oreilles via les chaînes satellitaires. Tu ouvres ta bouteille de butane, et les voilà, tu tournes ton robinet et il en coule un savant ou deux. Tu es ainsi cerné de toutes parts par les "ulémas" qui sont aussi présents sur Facebook et Twitter, ces sites mécréants (...), et tu découvres l'un de ces savants se vantant d'avoir trois millions de suiveurs sur Twitter. Tous nos ulémas sont devenus riches, scandaleusement riches, Dieu en soit loué, et qu'il donne à chacun d'eux selon sa science et ses augustes contributions.» Une question turlupine toutefois notre ami Sammy Al-Buhaïri : «Pourquoi des pays comme l'Amérique, l'Allemagne et le Japon, considérés comme leaders des sciences modernes, n'ont pas de "société de grands savants", et encore moins de société de petits savants. Pourquoi ont-ils négligé un élément de cette importance, pourquoi ce dédain envers la science ? Or, note l'écrivain, nous devons à la vérité de dire que la "société des grands savants" de l'Islam est quelque chose d'imposant, autant que son titre, alors voyons ses réalisations : a-t-elle découvert, par exemple, le vaccin des enfants contre la poliomyélite? A-t-elle inventé les antibiotiques qui ont sauvé des millions de vies humaines, ou l'électricité qui a éclairé l'homme et l'a transporté dans la modernité ? A-t-elle découvert l'avion qui a raccourci les distances entre les peuples ? Plus modestement, a-t-elle au moins inventé le crayon à mine ou même un chausse-pied ? Cette "société des grands savants" dont certains membres continuent à nier que la terre est ronde, qu'elle tourne sur elle-même, et que les Américains n'ont jamais débarqué sur la Lune. Ils n'ont quand même pas acquis toutes ces richesse et cette célébrité sans avoir rien fait qui nous soit utile et qui mérite d'être porté à la connaissance de tous ! Voici donc quelques-unes de leurs inventions les plus remarquables, que nous pouvons citer : tu dois rentrer dans la salle de toilettes avec le pied gauche. Cette salle ne doit pas être orientée vers La Mecque. Pour que tu puisses avoir de saines relations de travail avec ta collègue de bureau, il est recommandé qu'elle t'allaite au moins cinq fois, auparavant.» En résumé, ajoute Sammy Al-Buhaïri, des découvertes et des inventions qui illuminent notre route afin que nous puissions entrer au paradis dans l'au-delà et que nous accédions à l'enfer ici-bas. Vous comprenez maintenant pourquoi Daesh est apparu dans nos beaux pays, et pas au Japon, en Allemagne, ou en Amérique? Parce que nous avons la «société des grands savants», et eux ils ont Siemens, conclut le chroniqueur qui signale au passage que ladite société Siemens investit quarante fois plus d'argent que l'Egypte dans la recherche scientifique.