Par Zineddine Sekfali Depuis le 24 du mois de novembre écoulé, la colère ne cesse de monter chez le Président Vladimir Poutine, contre son homologue turc, le Président Tayeb Erdogan. On se souvient qu'à cette date, un avion militaire russe effectuant en appui au régime syrien un raid antiterroriste – la Syrie étant devenue en cinq ans comme chacun sait, le théâtre d'opérations d'une guerre dévastatrice à la fois civile et internationale — a été abattu par un avion turc, dans une région syrienne peuplée de Turkmènes insurgés. Deux militaires russes, dont un pilote de l'avion, ont perdu la vie dans cette affaire. Les positions des parties en conflit sont tranchées : vu du côté de la Turquie, l'avion russe a été abattu parce qu'il a violé l'espace aérien turc ; vu du côté russe, l'avion russe survolant le territoire syrien avec l'autorisation des Syriens, a été victime d'une agression turque. Les accusations de duplicité fusent de part et d'autre. Pour les Russes, la Turquie est complice des terroristes islamistes, en général, et de Daech, en particulier. Pour les Turcs, la Russie est complice du régime baâthiste syrien qui combat son peuple. Le Président Poutine fulmine : la Russie a été poignardée dans le dos, elle n'oubliera pas, assure-t-il ! La Turquie a agi pour plaire aux Américains dira-t-il plus tard – en termes, à vrai dire moins amènes et surtout très méprisants – devant un parterre de journalistes et de personnalités diverses réunis à Moscou. Des sanctions économiques ont déjà été prises par la Russie contre la Turquie. En fait, certains observateurs craignent le pire. La Russie de Poutine n'a-t-elle pas en effet déjà mené deux guerres dévastatrices en Tchétchénie (en 1994 et en 1999), une guerre en Géorgie (août 2008) dont deux régions ont fait sécession, et ne continue-t-elle pas à ce jour, à pousser vers une sécession du Donbass en Ukraine, qu'elle a déjà amputée de la Crimée ? En Europe et même aux Etats-Unis, les pro-Russes sont nombreux ; ils ont sans doute leurs raisons. Mais on est en droit se demander si ces pro-Russes qui ne s'étaient pas manifestés quand la Géorgie a été attaquée et dépouillée de l'Ossétie et de l'Abkhazie, ni quand la Crimée, qui faisait partie de l'Ukraine, a été annexée à la Russie par une sorte d'oukase, ne sont pas en vérité plus anti-turcs que pro-russes. Il y a à la base de ces alliances occidentales dirigées contre les Turcs, des raisons historiques anciennes. Il y a aussi, notamment en France, des empathies quasi systématiques pour les régimes autoritaires russes. Il y a enfin, s'agissant des conflits russo-turcs, un lourd contentieux historique que ni les Russes ni les Turcs n'oublieront jamais, tellement leurs mémoires en sont marquées. Le poids de l'Histoire est déterminant dans le présent de ces deux grands pays. Leurs politiques étrangères et leurs alliances internationales respectives, en sont conditionnées. C'est cela que je voudrais souligner dans cette contribution. Les multiples guerres russo-turques Selon les historiens qui s'intéressent aux relations complexes et agitées russo-turques, il y a eu entre ces deux peuples, de 1568 à 1914, pas moins d'une douzaine de guerres. Il serait bien entendu fastidieux de les citer toutes, dans cet écrit. Aussi je ne parlerai que de six d'entre elles, qui me paraissent les plus significatives, en l'occurrence la 6e, la 8e, la 9e, la 10e, la 11e et la 12e. La sixième guerre russo-turque eut lieu de 1768 à 1774. La Russie désireuse d'avoir un débouché sur la mer Noire, obtenait à l'issue de cette guerre que le Khanat (province de l'Empire ottoman) de Crimée soit détaché de l'Empire ottoman et placé sous son protectorat. La huitième guerre s'acheva par un traité signé en mai 1812 à Bucarest, par lequel la Russie évacuait les provinces roumaines mais annexait la Moldavie et la Bessarabie. La neuvième guerre russo-turque se déroula de 1828 à 1829, lorsque la Russie décida de soutenir la révolte des Grecs qui sont des chrétiens orthodoxes, contre l'Empire ottoman. La dixième guerre dite guerre de Crimée se déroula de 1853 à 1856 ; la Turquie s'alliant à la France et à la Grande-Bretagne qui n'acceptaient pas que la Russie puisse avoir le contrôle de la Crimée et de Sébastopol, parvinrent à chasser la Russie de cette région et de cette ville portuaire stratégique. La onzième guerre russo-turque eut lieu de 1877 à 1878 ; elle opposa l'Empire ottoman à l'Empire russe, à la Roumanie, à la Serbie et au Monténégro ; elle fut le premier conflit ayant comme substrat, l'idéologie panslave. Le douzième conflit russo-turc eut lieu durant Première Guerre mondiale (1914-1918), la Turquie était en effet alliée à l'Allemagne contre les ennemis de celle-ci, c'est-à-dire contre la France, la Russie et la Grande Bretagne. Des Etats musulmans anciennement membres de l'URSS Après l'effondrement du communisme et la dislocation de l'URSS, et suivant en cela l'exemple des trois pays baltes (Lituanie, Lettonie et l'Estonie) qui, fortement encouragés par le monde dit libre, avaient très rapidement proclamé (1990) leur indépendance, six autres Etats du Caucase ont proclamé la leur, entre le mois d'août 1991 et de décembre 1992. Il s'agit de l'Azerbaïdjan (capitale Bakou), du Turkménistan (capital Achgabat), de l'Ouzbékistan (capitale Tachkent), du Tadjikistan (capitale Doutchanbé), du Kirghizstan (capitale Bichkek), et du Kazakhstan (capitale Astana), qui formaient ensemble comme une ceinture ou un glacis de protection entre la Russie et les pays du sud du Caucase et de l'Asie. Tous ces pays étaient des possessions russes, conquises par la force des armes, entre le XVIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Ivan II (1530-1584), dit Ivan le Terrible, qui avait pris le titre de Tsar, annexa à son territoire, les Khanats (provinces) ottomans de Kazan et d'Astrakhan entre 1552 et 1556. Pierre le Grand (1672-1725), qui s'attribua le titre d'Empereur de toutes les Russies, poursuivit l'expansion territoriale de son empire. Catherine II de Russie (1729-1796) lançait ses armées contre les pays de la Mer Noire et annexait la Crimée, alors majoritairement peuplée de Tatars, ethnie asiatique de confession musulmane. Qu'ils fussent rois, tsars ou empereurs, les monarques russes se comportaient comme des conquérants de territoires situés aux marches de leur propre territoire. Leur objectif était d'annexer par la force ou par la ruse, des pays entiers, pour en faire des colonies d'exploitation et de peuplement. La Révolution d'octobre 1917 a, certes, libéré les prolétaires, les serfs et les moujiks de la Russie slave et blanche, mais a entériné le fait colonial et conservé dans le giron russe, les colonies conquises. Rappelons en effet que la Révolution russe n'a reconnu l'indépendance d'aucun peuple musulman du Caucase et de l'Asie. La Russie bolchévique n'a pas cédé à leurs légitimes propriétaires, un seul pouce des territoires hérités de la Russie impériale, tsariste. Les pays ci-dessus cités sont restés des possessions russes, jusqu'en 1992. Ils formaient pour la Russie soviétique une sorte de glacis territorial et idéologique de protection contre l'ennemi déclaré, l'Occident capitaliste et non déclaré, les peuples musulmans du Caucase et de l'Asie. Ces six pays avaient de surcroît, des sous-sols riches en hydrocarbures et des potentialités agricoles non négligeables. Ils avaient aussi largement contribué au renforcement de la puissance militaire de la Russie. Devenus indépendants, on se rend compte que ces six pays ont une identité, une culture, qu'ils sont constitués d'ethnies diverses et variées et que leurs populations originelles ne sont ni européennes ni slaves. Ces pays sont majoritairement musulmans et connaissent, depuis ces dernières années, un renouveau religieux perceptible à travers la relance de la construction des mosquées et de la pratique des rites religieux de l'islam. Tous ont leurs propres langues nationales ou vernaculaires, qui font partie de la famille des langues turques et des langues iraniennes. La langue russe, jadis officielle et dominante, peine actuellement à se maintenir en tant que langue officielle ou simplement en tant que langue véhiculaire. A une exception près, tous ces pays ont abandonné l'alphabet cyrillique qui est propre aux peuples slaves et l'ont remplacé par un alphabet formé de caractères latins avec, pour certaines lettres de ce nouvel alphabet, l'existence de signes diacritiques particuliers, tels que ceux qu'on trouve dans l'écriture turque moderne. Si les relations de ces pays sont globalement amicales avec la Russie, elles restent marquées cependant par un profond sentiment d'appartenance avec la Turquie à une même culture, une même civilisation et une même communauté de destin. N'en déplaise à ceux qui espèrent une invasion russe en Turquie — pour terminer son dépeçage entrepris par les puissances occidentales à l'issue de la Première Guerre mondiale —, il semble tout à fait improbable que les six Républiques musulmanes du Caucase ci-dessus citées, laissent faire les Russes, sans réagir, car ces Républiques seraient à terme exposées à subir le sort de la Turquie et à être une nouvelle fois avalées par la Russie. Il est évident qu'il existe chez les Russes, une tendance naturelle à l'expansionnisme territorial et économique, phénomène qui prend ses racines dans l'histoire de ce pays. La Russie, tsariste, impériale, communiste, soviétique, fédérale et aujourd'hui «nationale-poutiniste» se considère quelque part aussi, comme l'héritière de l'Empire byzantin et la protectrice consacrée des chrétiens d'Orient. Il y a, semble-t-il, quelque chose dans la Russie d'aujourd'hui, qui participe d'un atavisme génétique, slave et orthodoxe. Le cas particulier de la Tchétchénie Même si le terrorisme en Tchétchénie est de nos jours un phénomène résiduel, l'affaire tchétchène n'est pas encore tout à fait classée. D'ailleurs ne dit-on pas que l'armée russe n'intervient actuellement en Syrie qu'en raison du fait que des terroristes tchétchènes s'y trouveraient et constitueraient directement ou indirectement une menace pour les intérêts russes. Il nous faut cependant rappeler que l'histoire du Caucase est, par le fait de la Russie, une histoire tragique. C'est sous le règne du tsar Alexandre 1er et en 1816 (coïncidence remarquable : cela s'est passé 14 ans avant le début de la conquête de l'Algérie par les Français !) que la conquête militaire du Caucase par la Russie a en effet connu son premier grand élan. Elle s'est poursuivie sous deux autres tsars, jusqu'en 1864. Les massacres massifs des civils, des femmes et des enfants, ne cessèrent que quand les généraux des tsars, qui évidemment avaient les pleins pouvoirs, estimèrent qu'ils en avaient terminé avec «les sauvages» qui peuplaient ces contrées (en Algérie, les massacres des civils ont atteint dans l'horreur, leur degré maximum avec les «enfumades» perpétrées vers 1845-1847, par les généraux Bugeaud, Saint Arnaud, Cavaignac et Pélissier). Les boucheries commises par l'armée impériale russe ont hanté des générations de Russes et de Slaves. A ceux que cette partie peu glorieuse sinon honteuse de l'histoire russe intéresserait, on recommande la lecture du roman du géant de la littérature russe, Léon Tolstoï, intitulé Hajji Murat ou Hadji Mourad, personnage et héros tragique de la résistance caucasienne. Précisons que Tolstoï a combattu contre les Caucasiens, dans les rangs de l'armée impériale ; l'histoire qu'il raconte dans son roman n'est donc pas que pure fiction, les populations de ces contrées, majoritairement musulmanes et turcophones, connurent à cette époque-là un exode massif vers les plus proches régions de l'Empire ottoman ou vers le pays constitué par l'Iran actuel. Les bolchéviques, puis l'URSS continuèrent le travail d'occupation systématique du Caucase et les populations autochtones vécurent le cycle infernal des insurrections-répression-déplacements... Les derniers déplacements forcés des populations musulmanes turcophones, de Tchétchénie, d'Ingouchie, du Daguestan et de Crimée, ont eu lieu sur ordre de Staline, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le despote oriental reprochait à ces populations soumises, d'avoir manifesté plus de sympathie pour les troupes de la Wehrmacht qui fonçaient vers les champs pétroliers de Bakou que pour l'Armée rouge... La population la plus exposée aux foudres de Staline fut celle de la Tchétchénie, parce que ce pays est situé sur la route stratégique du pétrole et du gaz. En soi, la Tchétchénie ne présente pas en effet grand intérêt. Ce n'est en effet qu'un petit territoire montagneux, boisé, au relief particulièrement accidenté. Sa superficie est d'à peine 15 647 km2, et sa population était évaluée en 1989 à 1 031 647 habitants. De ce point de vue, la Tchétchénie est juste comparable à l'actuelle wilaya de Tébessa qui a une superficie de 14 227 km2 et une population de 1 127 000 habitants. Face à la Russie, le Goliath d'hier et d'aujourd'hui, la Tchétchénie n'est qu'un tout petit David. La Poutimania. Un phénomène nouveau ? J'emprunte ce néologisme au quotidien on line L'Humanité du 8 janvier 2000, qui a en effet publié un article intitulé «Poutimania». On y lit ceci : «L'arrivée anticipée de Vladimir Poutine au faîte du pouvoir aura produit un premier effet sur la scène internationale : un assourdissant silence entoure, comme jamais auparavant, la guerre en Tchétchénie.» Quelques lignes plus loin, l'auteur de l'article écrit : «... L'aphasie diplomatique gagne aussi la France. Hubert Védrine nous invite à voir en Vladimir Poutine un homme de grande qualité qu'il ne faut pas juger seulement sur la Tchétchénie». Et du coup, la phrase «la Tchétchénie est une affaire intérieure à la Russie» devint dans les discours des politiques et des diplomates français, un «élément de langage», qui n'est pas sans rappeler à ceux qui n'ont pas la mémoire courte, cette autre phrase «l'Algérie, c'est trois départements français» répétée tel un leitmotiv de 1954 à 1962, par la diplomatie française et la plupart des politiciens français. Sauf l'un d'eux – en l'occurrence l'ancien diplomate et ministre du général de Gaulle M. J.Y Deniau — qui a remis les pendules à l'heure, en disant au grand dam des Russes nationalistes d'aujourd'hui et des anciens partisans de l'Algérie française, ceci : «La Tchétchénie est à la Russie, ce que l'Algérie fut à la France !» La Russie a mobilisé 70 000 hommes pour la première guerre de Tchétchénie, en 1994-1996 et 93 000 hommes pour la seconde en 1999-2000. Ce qu'on retient de ces chiffres, c'est qu'il y avait en Tchétchénie, à certaines périodes de cette guerre faite en deux temps, 1 militaire russe pour 10 à 12 Tchétchènes, hommes, femmes et enfants compris ! La Tchétchénie était bel et bien militairement sous occupation russe ! Il est clair, par ailleurs que les guerres russes en Tchétchénie, sont des modèles de guerres asymétriques ; la puissance de feu des forces armées russes était colossale, comparativement à celle des partisans tchétchènes. D'où du reste, l'impressionnante communication faite autour de l'aspect terroriste et sauvage des actions tchétchènes, comme pour dissimuler les dégâts humains et matériels provoqués par l'armée russe et ses supplétifs. Au demeurant, personne ne sait exactement combien de militaires russes ni combien de civils et de combattants tchétchènes ont laissé leur vie dans ces deux guerres atroces. Mais on connaît au chiffre près, le nombre des écoliers morts dans l'attaque de Beslan et les attentats commis dans le métro de Moscou... Pour autant, il existe de nos jours une sorte de fascination des Français pour Poutine, qui n'est pas sans rappeler la fascination que la Russie bolchévique et ses leaders ont exercée sur une bonne partie de l'intelligentsia française, dont notamment A. Gide (qui fit repentance plus tard), Aragon, Romain Rolland, Paul Eluard (qui a écrit un poème en l'honneur de Staline), et J.-P. Sartre... Ils furent tous, à un certain moment de leur vie, aussi aveugles qu'ont été, vis-à-vis du fascisme et du nazisme, leurs compatriotes Rebatet, Brasillach, Drieu la Rochelle, Céline, Bonnard, Herman, dont quelques-uns ont fini devant un peloton d'exécution... Aujourd'hui, la Russie vit, après le court entracte démocratique sous Gorbatchev, et la présidence tragicomique et éthylique de Boris Eltsine, un certain retour en grâce auprès de certains courants politiques qui voient en Poutine une superstar. Le magazine Le Point n°2256 du 3 décembre 2015, consacre sa page de couverture au portrait de Poutine : le Slave type : blanc/rose, cheveux blonds coupés drus, yeux bleus, un regard d'acier et un sourire à peine perceptible à la commissure des lèvres... Et en gros caractères, ce titre sans équivoque : «Poutine, notre nouvel ami». Marine le Pen a elle aussi, les yeux de Chimène pour Poutine. On croit savoir qu'il financerait son parti politique, le Front national dont on connaît le mépris pour les musulmans, les Arabes et les Noirs. Son père, Jean-Marie Le Pen, qui aime les Slaves, pourvu qu'ils ne soient pas communistes, avait déclaré à Budapest, le 26 octobre 1996 : «La Hongrie est la sentinelle chrétienne de l'Occident contre la Turquie musulmane conquérante.» Déclaration prémonitoire ! N'est-ce pas en effet, la Hongrie qui s'est entourée de barbelés, pour se protéger de l'invasion des barbares, Arabes, musulmans et Noirs qui, fuyant la guerre et la misère qui ravagent leurs patries, parviennent en Europe, par les côtes turques ? Un mois auparavant, J.-M. Le Pen avait publiquement proclamé que «races sont inégales». Le 17 septembre 1996, le quotidien français Libération publiait les résultats d'un sondage IPSOS, d'où il résulte que 50% des Français partageaient l'opinion exprimée par J.-M. Le Pen. A présent et depuis les récentes élections régionales, tout le monde sait que le FN est, en termes de suffrages exprimés, incontestablement le plus grand parti politique français. Pour en revenir à ce nouveau phénomène appelé la «poutimania», Mme Hélène Carrère d'Encausse, née Zourabichvili, membre et sociétaire perpétuelle de l'Académie française, historienne spécialiste de la Russie, ne cache pas son empathie pour ce chef d'Etat russe qui, selon elle, aurait compris que l'Europe occidentale, en perdant son identité blanche et ses valeurs judéo-chrétiennes, courrait à sa perte. C'est pourquoi, affirme-t-elle, il a tourné délibérément le dos à cette Europe décadente, pour s'orienter vers l'Asie, en vue de créer «l'Eurasie» qui, allant au-delà de l'Oural, doit parvenir jusqu'à l'océan Pacifique. Elle pense, dit-elle, que Poutine a tourné le dos à l'Europe occidentale, parce que celle-ci lui a elle-même tourné le dos. On regrette cependant que cette brillante intellectuelle, forcément attentive à tout ce qui se passe en Russie et ses anciens satellites, n'ait pas donné son avis ni sur la guerre russe contre la Géorgie, ni sur la sécession de l'Ossétie et de l'Abkhazie, ni sur la guerre qu'il a fomentée contre les Ukrainiens, accusés pour les besoins de la cause d'être des nazis, ni sur l'annexion de la Crimée dont la population originelle ne fut ni ukrainienne, ni russe, ni enfin sur le pourquoi du soutien inconditionnel de la Russie au régime de Damas. Le dernier fan le plus enthousiaste du Président Poutine est Donald Trump, le milliardaire américain et candidat à l'élection présidentielle des Etats-Unis. «God save America !» La fin de l'histoire ? La Turquie a adhéré à l'OTAN en 1951-1952, soit cinq années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale qui a donné naissance à un monde bipolaire, c'est-à-dire divisé en deux blocs concurrents et hostiles. La Russie soviétique, sortie largement victorieuse de cette guerre, dictait ses conditions à ses alliés, consolidait son expansion territoriale vers l'ouest comme vers l'est, s'annexait de nouveaux territoires, et punissait en les exilant massivement les populations turcophones et musulmanes accusées ou soupçonnées de collaboration avec l'Allemagne et d'avoir des penchants nazis. La Turquie, qui a une frontière commune avec l'URSS, n'ignorait rien du sort peu enviable réservé par les Soviets aux populations turcophones et musulmanes voisines. Elle ne disposait pas de moyens militaires suffisants lui permettant de se défendre en cas d'attaque russe. Elle avait de sérieuses raisons de craindre de subir le même sort que les autres pays du Caucase. C'est donc tout logiquement que la Turquie s'est tournée vers l'Occident et vers l'OTAN, son bras armé. Cela lui a très bien réussi, puisqu'il n'y a eu du côté russe, aucune velléité d'invasion de la Turquie. Il convient aussi d'observer que l'adhésion de la Turquie a été d'un intérêt certain pour les pays occidentaux qui ont trouvé en Turquie un poste avancé, face à l'URSS menaçante. Curieusement aujourd'hui, des voix s'élèvent pour réclamer l'exclusion de la Turquie de l'OTAN et comble du ridicule, son remplacement par... la Russie ! Dans le journal russe on line Sputniknews, du 26 décembre 2015, on lit dans un article intitulé «L'Otan devrait remplacer la Turquie par la Russie !», cette étrange phrase : «L'Occident a beaucoup plus de points de convergence avec la Russie qu'avec le monde islamique, c'est pourquoi l'Otan devrait réviser ses alliés et inviter la Russie à la rejoindre, en excluant parallèlement la Turquie.» Selon Sputniknews, cette phrase est extraite du magazine conservateur américain American Thinker !!! Vous avez bien lu : il faut virer la Turquie de l'Otan, parce le peuple turc est musulman ! Question à 10 dinars : si la Russie intègre l'Otan, qui sera l'ennemi aux yeux de l'Otan ? Est-ce le signe de la fin de l'histoire, ou les prémices du plus inattendu des bouleversements de l'histoire auquel il nous sera donné d'assister ? Conclusion Le monde occidental et civilisé, ce monde dit des Lumières, est en train de perdre la raison. Il a déjà sombré, malgré les protestations de quelques hommes de bonne foi, dans le racisme et l'islamophobie. Les instincts guerriers y ressurgissent en même temps qu'un besoin de «Reconquista» des territoires perdus. Certains appels à combattre les sauvages, cachent mal, semble-t-il, sa soif inextinguible pour de nouvelles conquêtes territoriales.