On l'appelle Hakim. Il réside dans la banlieue d'Alger. Cette ville l'envoûte. Il est issu d'une famille «normalement» constituée et même charmante, et des parents très chaleureux. Pourtant, il se sentait différent de ces jeunes qu'il fréquentait, et se disait tout le temps que jamais il ne leur ressemblerait. Arrivé au collège, comme la plupart des amis de mon âge qui étaient révoltés, j'ai dit adieu à l'école. Je suis resté longtemps à me rouler les pouces. L'oisiveté m'avait habité. Aucun passe-temps, encore moins un travail. J'étais trop jeune pour travailler. Il m'est arrivé de solliciter des employeurs par-ci, par-là, mais vu mon âge, on me refoulait. L'ennui me pesait, je pensais alors à faire du «trabendisme» pour lequel je commençais à voyager dans deux ou trois pays, servant d'intermédiaire pour écouler des produits aux magasins gérés par les grands frères de mes copains ou voisins du quartier, déjà bien rodés. Ils préféraient faire travailler les jeunes qu'ils connaissaient. J'inspirais confiance aux autres qu'à l'intérieur de moi-même j'allais mal. En guise de récompense, j'avais droit à deux ou trois effets vestimentaires et quelques sous. Après plusieurs expériences, je pris goût à toutes ces aventures et ces voyages, ces allées et venues, je voulais à tout prix émigrer en suisse. J'ai choisi ce pays, parce que mon frère aîné y était déjà installé depuis déjà quelques années et menait la belle vie. Il voulait m'aider. C'était la seule façon pour lui de sauver ses frères. Une manière aussi de soulager mes parents. Malheureusement toutes les démarches déployées, toutes les interventions pour obtenir le visa sont restées vaines. J'ai vu tous mes rêves s'évaporer. Déstabilisé, perdu, la déprime m'habitait. Les jours se ressemblaient, les mois aussi. J'étais tout le temps avec la même bande de jeunes qui, eux également étaient issus de familles convenables. Cette situation m'a poussé à fumer ma première cigarette enroulée et mélangée avec de la «zetla», en compagnie de quelques copains de quartier. Depuis, j'ai pris l'habitude et sans m'en rendre compte, je suis devenu dépendant. Cette dépendance qui fait peur à tous. Quand je ressentais l'approche d'une période de manque d'argent pour m'approvisionner, la solution est vite trouvée, le vol pour pouvoir me procurer la dose nécessaire habituelle et combien importante. Et je vous assure que dès que je me détache, un sentiment de regret m'envahit. Je me disais tout le temps : mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Surtout quand je faisais ce geste de prendre des sous à l'un des membres de ma famille... J'étais torturé par les remords. Il m'est arrivé de me regarder dans la glace et m'insulter. Je faisais tout ça pour me payer cette dose de poison. Je dis poison parce que j'étais conscient de son mal et de ses conséquences. Tant dis que mes parents qui étaient d'une bonne moralité ignoraient totalement mon côté négatif, moi qui étais si doux et si obéissant à la maison. Devant eux, mon comportement était très différent. J'arrivais à maîtriser certaines choses. Je ne montrais que mon bon côté du jeune bien élevé. Alors qu'entre-temps je me suis adonné à la boisson alcoolisée que j'achetais avec ces mêmes copains. De l'argent, il m'en fallait tout le temps. Un jour, mon père décida de m'inscrire dans un centre de formation professionnelle situé dans l'un des quartiers les plus chics d'Alger, tout à fait différent du nôtre. Il pensait bien faire. J'ai débuté ma formation, mes fréquentations avaient changé. Mais hélas le vice était là. Il était en moi. J'ai retrouvé certains élèves qui fumaient, je suis devenu alors leur pourvoyeur. Je collectais l'argent et me chargeais de les approvisionner. L'approvisionnement s'effectuait dans mon quartier où nous trouvons toutes sortes d'énergumènes. Même si mon subconscient ne cessait de me parler, je pris vraiment goût à ce milieu. Je devenais carrément le revendeur en effectuant des achats d'une valeur de 2 000 DA pour 100 g et me chargeais de les préparer en petites doses que je revendais à 100 et 200 da ; j'obtenais ainsi un bénéfice net de 800 à 100 da et bien sûr assurais ma dose de consommation individuelle et quotidienne. J'aurais aimé parler de moi autrement, hélas telle a été ma destinée. L'argent ne manquait pas, je ne me privais de rien, et c'était ça ma vie.