Du fond de sa cellule, le général Benhadid demeure dans l'attente d'un déclenchement de la procédure judiciaire lui permettant de s'exprimer sur les raisons l'ayant conduit à faire les déclarations pour lesquelles il a été incarcéré et qui devrait plus tard encore conduire à l'ouverture de son procès. «Lenteur inexpliquée», «mode de fonctionnement inédit dans les annales de la justice»... Lors d'une conférence de presse animée hier, ses avocats ont tenu à porter à la connaissance publique la situation «anormale» dans laquelle se trouve leur client à l'heure où le débat est centré sur l'avant-projet de révision de la Constitution «porteur d'espoirs en matière de liberté d'opinion». Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tranchant, comme à son habitude, Me Bourayou estime ainsi que les nouveautés apportées à la Constitution constituent un «tournant historique mettant l'accent sur les libertés, une justice indépendante, des procès équitables, des délits de presse non sanctionnés par des privations de liberté (...) nous souhaitons que les principes annoncés soient appliqués». Et de poursuivre : «Il faut donner des preuves de l'affirmation de ces principes (...) la loi et la Constitution garantissent la liberté d'expression or notre client a seulement émis un avis, il n'a commis aucun crime. Il relève du délit de presse pas plus.» Explications : incarcéré il y a trois mois à la prison d'El-Harrach suite à une interview livrée à la radio Maghreb Emergent durant laquelle il a sévèrement critiqué le Président Bouteflika, son frère Saïd et le vice-ministre de la Défense, le général Benhadid attend toujours d'être entendu sur le fond comme le prévoit la procédure. «Plus de 100 jours sans aucun acte d'instruction constitue une situation inédite», poursuit Me Bourayou d'autant que le mis en cause est sous le coup d'une infraction criminelle (déstabilisation de l'ANP). Or, «le seul fait reproché au général Benhadid est d'avoir émis une opinion politique». Sur ce, Me Mecheri rappelle que la défense avait demandé à la chambre d'instruction de faire appel à un témoin essentiel dans cette affaire, à savoir le directeur de la radio en question, mais la demande est restée lettre morte. La raison : «Le refus d'écouter le directeur de cette radio est un refus d'aller sur le terrain du délit de presse.» Me Mecheri va plus loin : pour lui, le général Benhadid n'a rien fait d'autre que de lancer un appel destiné à sauver le pays. «Que nous reste-t-il si un appel de patriote est considéré comme un crime, si le fait de vouloir sauver l'Algérie est interprété comme une tentative de complot ou de déstabilisation ? En fait, l'accusation a été inversée (...) Ce que l'on veut nous dire aujourd'hui, c'est arrêtez de parler de l'Etat de droit, ne parlez pas de politique et ne donnez pas votre avis.» Pour tenter de faire «bouger» les choses, les deux avocats ont décidé d'introduire une demande de mise en liberté provisoire qui sera déposée au cours de cette semaine. Et là encore, les craintes de voir cette demande rejetée sont émises par la défense «car l'instruction de fond» n'a pas eu lieu. Un sourire en coin, Me Mecheri s'en va à dévoiler une décision de la défense : «Si notre client n'est pas autorisé à s'exprimer sur le fond, à expliquer le pourquoi de ses déclarations nous serons forcés de nous faire ses porte-voix et de transmettre son opinion à travers la presse.» Aux journalistes présents à la conférence de presse, il transmet le salut et les remerciements du général Benhadid à la presse qui a couvert son affaire. L'homme, dit-il, est malade, fatigué, il s'appuie sur sa canne qui lui tient compagnie «mais la prison reste la prison, la pire création de l'homme», renchérit Me Bourayou. «Dans le nouveau texte (de la Constitution), un statut est accordé à la réconciliation nationale, il est inadmissible de laisser, en parallèle, un général qui s'est battu pour la survie du pays derrière les barreaux. Le meilleur maître du pays, c'est la loi.»