Youcef Merahi [email protected] Le temps est au beau fixe. A croire que les nuages font dans la bouderie et ordonnent à la pluie d'aller ailleurs voir si la sécheresse y est. Tout est sec : notre sol, nos cœurs et notre avenir. A croire que tout va à vau-l'eau chez nous. Un tsunami de souvenirs a fait ravage dans ma mémoire, au point où j'ai lutté des jours durant contre une anamnèse totalitaire. L'autre, magnanime, m'explique doctement que c'est dû à l'âge ; passé la soixantaine, il semblerait que le carburant de l'être social, retraité de surcroît, n'est plus le rêve de demain, mais bien le rêve d'hier ; lequel rêve est carrément consommé par des jours qui, à ce jour, tressent leur corde de violence. C'est dans cette direction que je voulais tisser les mots de ma chronique. Mais, d'ici, je vois NKH me dire : «On s'en fout de tes états d'âme. Ça intéresse qui tes relents mélancoliques, tes villes sublimées, tes élancements de cœur, ton film culte ou ton livre de chevet ? Personne ! Puis, ta poésie, mets-la au fond d'un tiroir et referme-le, à triple tour. T'es chroniqueur ? Oui. Alors, dis-nous le temps qu'il fait dans notre pays.» Ouf ! j'ai reçu ce cri, comme un cauchemar récidive. Moi qui pensais aller cheminer sur les chemins de ma nostalgie ! J'ai mis la charrue avant les bœufs, me semble-t-il. Puis, il ne faut jamais dire «fontaine, je ne boirai pas de ton eau». J'ai révisé mes ambitions égoïstes. Je me suis mis à dévorer les journaux, y compris ceux que je boude de temps à autre. J'ai malmené mon Facebook. J'ai tenté de lire entre les lignes. J'ai tenté de positiver. Je n'y arrive pas, faute peut-être à la pluie qui passe au-dessus de nos têtes comme le «boussat errih» de l'autre. A la radio, toutes chaînes confondues, j'ai entendu la nouvelle. Oui, LA nouvelle ! Après le départ à la retraite (!) du général Toufik, le DRS – lui – change de sigle, de rattachement et certainement de nature. Il ne faut plus dire le DRS, mais la DAS. Ouais, il y a une nouvelle dénomination : les affaires de sécurité (n'y voyez aucune malice !). Comme pour l'officialisation de tamazight, les âmes naïves se sont empressées de penser que la police politique est dissoute. Je n'y crois pas à ça, personnellement. C'est de bonne guerre qu'un pouvoir, comme le nôtre, dispose d'une police politique. Sinon, il n'y aurait jamais eu autant de mandats pour une seule et même personne. Mais encore, si je cite l'exemple des pays démocratiques, est-il vrai qu'ils n'ont pas de police politique ? Je n'y crois pas à ça, personnellement. Alors, n'allons pas vite en besogne. Soyons mesurés. La police politique existe, même s'il s'agit d'un simple radar routier. Louisa Hanoune, imperturbable, droite dans ses bottes, ne recule pas face à l'adversité. Elle sillonne le pays pour dire son message, qu'elle clame depuis quelques années, déjà. S'il est vrai que, parfois, elle me donne l'impression de faire des coups de bombe, sans allumer notre lanterne, à défaut de l'éclairer. Connaître des choses graves qu'elle ne peut révéler ? Il vaut mieux ne rien dire, alors. J'ai des noms. J'ai des dossiers. J'ai... J'ai... Win rahoum ? J'avais un grand-père, mais il est mort : ce dicton, bien de chez nous, est très apprécié dans les milieux populaires. Si c'est à ce niveau, laissons nos grands-pères reposer en paix dans la quiétude de nos cimetières. Sauf que cette fois-ci, Louisa Hanoune fait une exception. Ce qui m'enchante ! Ouf, elle cite des noms. Elle ose dire qu'elle est objet de représailles, parce que tout bonnement elle a pris fait et cause des «19». Un pouvoir sans contre-pouvoir risque d'abuser de ses pouvoirs et d'opter pour des représailles. Ce n'est pas nouveau comme hypothèse. Mais là où Louisa Hanoune porte l'estocade, c'est qu'elle cite des noms, pas des moindres. Puis, elle demande à certains de se manifester publiquement et de se démarquer ; s'il n'y a pas de réactions de leur part, la cause est entendue : des tenants du pouvoir tentent de saborder le «navire PT». D'un côté, Louisa Hanoune appuie son réquisitoire, expliquant que le pays «ne semble pas être gouverné», d'un autre côté, notre ministre de l'Agriculture nous annonce que, d'ici 2019, l'Algérie n'importera plus de lait, de céréales et de viande rouge. Allez comprendre ce méli-mélo ! Bien sûr, si notre ministre le dit, c'est qu'il y croit et qu'il a toutes les raisons d'y croire. Personnellement, je me méfie de ces annonces et de leurs effets. J'ai raison de le dire, car on en a soupé de ce genre d'annonce, depuis 1962 du reste. J'ai entendu parler de l'indépendance alimentaire depuis des années et des années. Pardon, je fais une digression : j'ai même entendu un de nos décideurs dire que nous allons exporter du ciment. Il y a comme quelque chose qui me chiffonne et je ne sais pas pourquoi pas je ne prends pas ces annonces comme argent comptant. A la veille de chaque Ramadhan, notre pays s'en va en quête de viande rouge, en très grande quantité, notamment des pays d'Amérique latine. Il est normal qu'un pays passe par l'importation, il n'y a rien de honteux. Ce qui n'est pas normal, c'est de dépendre totalement de nos puits de pétrole ; il suffit que le prix du baril dégringole pour qu'on freine sec les dépenses, avant de racler le fond du tiroir. Takachouf est le mot à la mode, aujourd'hui, auprès de millions d'Algériens. Alors, je suis plus enclin à croire Louisa Hanoune que notre ministre de l'Agriculture. Je suis désolé pour le ministre, mais je choisis le discours de vérité et pas les discours d'annonce. Pour plaire. Et complaire. J'ai vu des cadres tourner casaque, juste le temps de poser leur popotin sur le fauteuil ministériel. 2019 ? N'est-ce pas l'année des élections présidentielles ? D'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous le pont d'El-Harrach, voire des bateaux-mouches, pour peu que ces nuages arrêtent de bouder notre pays. Moralité : si à cette date, on n'importe plus ces produits, c'est bien ; sinon, on pourra toujours recourir à l'importation ; cette dernière a été mise sur pied à cet effet. Si Lhafid, un autre lion des djebels, a cessé de rugir. Franchement, demain me fout la trouille. Voilà, j'ai dit ma vérité !