Son rêve est devenu réalité. Mili, la cinquantaine bien entamée, rachète un hôtel à Azzaba (Skikda), abandonné depuis quinze années suite à un crime commis aux alentours. Téméraire et courageuse, elle négociera très serré avec son propriétaire et finira par avoir le dernier mot. Après deux mois de négociations avec le propriétaire, un investisseur originaire de Guelma, Mili réalisera son rêve. Le prix de la transaction, pudeur pécuniaire oblige, est, lui, tenu secret. «En 2007, je me suis déplacée à Annaba, dans la région de Badji-Mokhtar, pour rencontrer Omar, à la faveur d'une médiation bénévolement assurée par un jeune. Le monsieur avait pris de l'âge, optant pour le rachat des lots de terrain et leur revente après y avoir bâti des habitations. Les affaires dans le monde de l'hôtellerie et des bars-restaurants est un vague souvenir pour lui. Les négociations ont duré 2 mois, finalisées après trois déplacements à Annaba. Nous nous sommes entendus sur un prix dont je m'en suis acquittée en 2 versements, ceux-ci justifiés par la levée de contraintes cadastrales. Un acte notarié, après celui d'une promesse de vente, dûment établi par un notaire a définitivement scellé notre accord. Le montant de la transaction ne vous sera pas divulgué, l'essentiel est que j'ai fait une bonne affaire. D'autant que l'établissement hôtelier érigé sur une superficie totale de 2 hectares dispose de tous ses documents réglementaires, chose dont beaucoup de personnes, éventuels acheteurs, ignoraient l'existence. L'investisseur a, justement, par fierté surtout, évité de les leur dévoiler, notamment lorsque la méfiance dictait leur démarche commerciale. Ce qui n'était pas mon cas, moi qui me suis présentée dans le but, purement commercial, d'acquérir «mon» hôtel. Je ne peux, dans ce contexte, nier le soutien inconditionnel de mon époux, retraité du monde de l'entrepreneuriat, qui m'a, en dépit de sa réticence initiale, légué un héritage qui n'a pas de prix : se conformer à la réglementation et avoir foi en Dieu, et ses capacités intrinsèques, suffisent amplement à surpasser les objectifs et contrer les tentations de la corruption et des passe-droits. Mes deux garçons Rabah et Ayoub ne voyaient pas d'objection à ce projet fou. L'idée de l'achat de cet hôtel lui est venue dans un... songe ! «J'ai fait un rêve : je me voyais en train de visiter un endroit paradisiaque, que je n'avais jamais vu auparavant, dans lequel vaches, chevaux, moutons et une quatrième espèce que je n'ai pu déceler cohabitaient sereinement. Les jours suivants, un courtier avec lequel je travaillais dans le cadre des activités de mon bureau d'affaires m'a contactée pour me proposer de visiter la région de Guerbes. Grand fut mon étonnement de découvrir que c'est le même espace vert communiquant avec la mer via un gigantesque sablonneux, qui a agité ma nuit auparavant ! Mon rêve est devenu réalité. J'ai commencé effectivement ma contribution à l'effort de l'essor touristique en accompagnant, dans le cadre de l'exercice de ma mission, une délégation d'hommes d'affaires d'Arabie Saoudite, qui comptaient investir à Annaba. Les délices du tourisme à travers la beauté de ses paysages et des perspectives de rentabilité de leur bonne exploitation s'imposaient dans mon esprit comme une option incontournable pour satisfaire mes ambitions refoulées depuis 2001.» Pourquoi depuis 2001 ? «En 2001, lors d'un séjour en France, j'ai découvert Nice. J'en fus éblouie : une ville aux potentialités moindres par rapport à mon pays, devenue, à force d'effort touristique, de rigueur professionnelle et de considération pour ses aspects d'hygiène, d'hospitalité et à l'égard de ses estivants, une attraction mondiale de premier choix. Le peu d'espace est bien exploité, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai aussi ramené dans mes bagages une série de documentations sur le tourisme, qui m'a beaucoup aidée dans mes ambitions actuelles et m'a, surtout, confortée dans l'idée que ce qui est possible ailleurs peut l'être ici. D'ailleurs depuis cette date, je ne ratais aucune opportunité pour dévorer tout ce qui a trait au tourisme, formulant dans mon subconscient la perspective de bousculer les hiérarchies ancrées dans les pratiques sociales de mon pays. Le fait d'avoir acquis deux lots de terrain à la cité Aïssa-Boukerma, pour le lancement de mon salon de coiffure, et au lotissement Bou-Abbaz, pour ériger mon habitation, m'a été, aussi, d'une grande utilité et m'a permis de situer les prix du foncier et de la manière la plus astucieuse pour négocier les offres de mes futurs contractants. Signalons aussi l'encouragement dont a fait preuve le directeur du tourisme de l'époque, Laâbidi El Wardi, lequel encouragement m'a boostée dans mon initiative d'avoir mon hôtel.» Le songe d'une nuit d'été de Mili Mimia ne fut pas de tout repos. C'était davantage la résultante d'une stratégie de globe-trotter mise en œuvre, qui s'est traduite par une visite des sites touristiques, des établissements hôteliers disséminés à travers le pays et des hammams, notamment ceux de Guelma. Une sorte d'investigation menée en solo. Cet investissement a été également le début d'une levée de boucliers de la part de sa famille, ses proches et ses amis. «Vous allez avoir beaucoup de problèmes», «C'est de l'argent jeté par les fenêtres», «Tu es folle de t'être aventurée sur ce terrain miné, un monde de voyous». Telles sont les importantes réactions négatives ayant émaillé les discussions des uns et des autres. Et d'ajouter, en guise de plaidoyer en faveur de la population de Djendel : «Les habitants de Guerbes et, généralement, de Djendel sont accueillants. Les propos sur leur prétendue sauvagerie ne sont révélés en fin de compte qu'allégations mensongères. Je suis sur les lieux depuis 2008, présence ponctuée par deux années à gérer un contact direct avec la population ; durant toute cette période, je n'ai subi aucun désagrément en dépit de l'aspect insécurisant qui y sévit. Même les adeptes de Bacchus ne sont pas méchants, ils me cédaient le passage et s'excusaient d'avoir empiété sur mon terrain.» Venue de la cuisine traditionnelle et de la coiffure, Mili Mimia, alias Mini, qui gère actuellement une salle des fêtes implantée sur les hauteurs de Bou-Abbaz, dans la ville de Skikda, n'est pas, comme certains le pensent, une nouvelle venue dans le secteur. Elle a, en revanche, fait les beaux jours des festivités locales, dont la fête de la fraise, et dont les responsables de la période de la fin des années 1990 ont fait leurs choux gras. «Après un diplôme en dactylographie et un emploi à l'hôpital de Skikda, j'ai entamé une carrière dans l'artisanat : les gâteaux traditionnels vendus dans un local au fin fond des arcades, pas loin de la place du 1er Novembre. C'était dans les années 1990. En dépit des railleries des passantes, étonnées de voir des gâteaux fait maison, tels le makroud, étalés sur une vitrine et vendus au public, j'ai tenu bon. Mieux, à travers des offres promotionnelles, faites de donation de parts proportionnelles de gâteaux, j'ai pu fidéliser une clientèle, féminine bien sûr, qui, doucement mais sûrement, commandait des pièces et des quantités importantes de ces modèles pour l'Aïd-el-Fitr. En 2003, lors d'un passage à Marseille, j'en est fait de même au profit de clients venus de Toulon et de Nice, qui se sont habitués à mes mahdjouba, galettes, sardines farcies, pizzas et, surtout, du pain maison de la Skikdia, comme ils m'affublaient eux-mêmes». L'hôtel de ses rêves, Les Vagues-Bleues, doté de 22 chambres et d'une vue imprenable sur l'étendue bleue non encore polluée, sera rénové dans le cadre d'un partenariat avec une entreprise espagnole. «Je pense aussi doter mon hôtel d'un centre de thalassothérapie, ceci pour permettre aux clients d'affluer les week-ends, même hors saison estivale. Je compte aussi améliorer les aspects architectural et spatial de mon établissement, qui s'étend sur 2 ha», nous révèle la fille Benmehdi, qui assimile le tourisme à une femme maquillée. La gestion de la concession, accordée dans le cadre de l'extension des activités hôtelières, a permis à Mimia de «découvrir une population locale se caractérisant par une générosité et une bienséance hors du commun».