Le Premier ministre désigné du gouvernement d'union en Libye, Fayez El-Sarraj, a rencontré samedi le général controversé Khalifa Haftar, chef des forces loyales aux autorités reconnues internationalement, pour discuter du conflit politique. Cette rencontre, qui n'avait pas été annoncée, s'est déroulée à Al-Marj (est) en présence de plusieurs membres du gouvernement d'union nationale, a indiqué un communiqué publié sur la page officielle du conseil de présidence sur Facebook. Elle intervient alors que M. Sarraj doit proposer dans les prochains jours une nouvelle composition de son gouvernement, plus restreinte que celle qui a été rejetée lundi dernier qui comptait 32 ministres. La réunion «s'inscrit dans le cadre d'une série de rencontres» qui permettent à M. Sarraj de prendre connaissance des «opinions, craintes et inquiétudes des parties influentes dans la crise» politique qui sévit depuis plus d'un an et demi, poursuit le communiqué. Les députés du Parlement reconnu craignent une remise en cause de la prééminence du général Haftar, qui s'est imposé comme le commandant des forces des autorités basées dans l'est du pays. Sa mise à l'écart est l'une des conditions posées par les autorités rivales, celles du Congrès général national (CGN), installées depuis l'été 2014 à Tripoli. Selon le communiqué, M. Sarraj souhaite soumettre une proposition «réaliste» basée sur «la réalité du terrain» afin d'atteindre un consensus qui est censé être le ciment du gouvernement d'union. Le Premier ministre désigné s'est en outre entretenu avec le général Haftar des moyens «pour tenter de trouver une solution pratique à la guerre qui se déroule à Benghazi», à 1.000 km à l'est de Tripoli. Depuis l'été 2014, M. Haftar commande l'opération Karama (Dignité) dans l'est libyen contre des groupes qu'il a qualifiés de «terroristes» à Benghazi, fief de nombreuses milices islamistes lourdement armées. Réagissant hier à cette rencontre, le chef de la mission de l'ONU en Libye, Martin Kobler, a estimé sur Twitter que «parler ne peut jamais être une violation de l'accord politique libyen car seul le dialogue politique peut faire progresser». M. Kobler avait exprimé mercredi "l'impatience» de la communauté internationale face à l'incapacité des acteurs politiques libyens à sceller une réconciliation, soulignant qu'elle favorisait «l'expansion militaire» des jihadistes du groupe Etat islamique. Cette rencontre a cependant été critiquée par un membre du conseil présidentiel, Ahmed Miitig, selon lequel M. Sarraj a agi seul et n'a pas averti ce conseil de son intention d'aller rendre visite à Haftar. «Jusqu'à très tard le soir, nous étions en contact avec (....) M. Sarraj, mais il a omis de nous informer ou prévenir de son intention d'effectuer cette visite», a-t-il dit sur sa page Facebook hier. Ce vice-Premier ministre estime que «la visite que (Sarraj) a effectué ne représente que lui. Elle ne reflète aucunement ni l'opinion ni l'orientation du conseil présidentiel». A Paris, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a estimé hier «urgent» de trouver une solution politique à la crise libyenne. «Je suis très inquiet sur la Libye, depuis septembre 2014. Ils (les combattants de Daesh) sont là, sur près de 300 kilomètres linéaires de côtes, et ils se répandent. Et ils sont à 350 kilomètres de Lampedusa», a-t-il ajouté. Depuis Syrte, ville qu'il contrôle, le groupe extrémiste armé a mené depuis le 4 janvier plusieurs attaques contre les ports et terminaux du «croissant pétrolier», particulièrement ceux de Ras Lanouf et Al-Sedra.