La crainte du chaos en Libye est sérieuse, après la grave détérioration de la situation ces dernières 72 heures. Appréhendant le pire, l'Arabie saoudite a fermé hier lundi son ambassade à Tripoli et a fait évacuer sa mission diplomatique par avion spécial. L'Union européenne s'est déclarée, quant à elle, très préoccupée. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - La précaution saoudienne et la réaction européenne interviennent après l'enchaînement de faits gravissimes, d'abord à Benghazi où un général à la retraite, Khalifa Haftar, a lancé samedi des offensives soutenues contre les bases et repaires islamistes et l'attaque, le lendemain, menée par une milice armée dont l'identité n'a pas été précisée contre le siège du Congrès général national (CGN), le Parlement libyen. Un bâtiment annexe du CGN a été incendié et les députés ont été évacués. Ces senteurs de poudre dans un pays politiquement fragile, sans armée ni police régulières disciplinées et où les institutions sont lovées dans une transition qui dure, augurent, de l'avis de nombreux observateurs, du pire. Certains n'hésitent pas à y voir les prémices d'une guerre civile, même si, en vérité, depuis la déchéance du colonel El Kadhafi et de son régime, la Libye n'en a jamais été loin. Les milices, qui se sont formées dans le sillage de la guerre livrée alors au despote déchu, ont pignon sur la vie politique, économique et sécuritaire du pays. Les autorités de transition libyenne ont manqué, en dépit des efforts consentis, de sortir le pays du règne des milices. L'attaque samedi du siège du Parlement a induit, comme première mesure, la suspension du CGN, dont le mandat de 18 mois avait expiré depuis fort longtemps. C'est cette même suspension que la milice auteur de l'attaque avait réclamée. Peu après l'attaque, le commandant de la police militaire, le colonel Mokhtar Fernan, dans un message télévisé, a annoncé en effet, au nom de l'armée, la suspension du CGN, informant, du coup, le transfert des prérogatives législatives à une Assemblée constituante élue en février. Le gouvernement intérimaire d'Abdallah Al Thani est maintenu dans ses fonctions. Et si l'attaque du CGN a donné lieu à une décision diligente, c'est que couplée à ce qui se passe à Benghazi, elle s'affirme comme une tentative de coup d'Etat. Du moins c'est ainsi qu'ont été compris les assauts du général à la retraite Khalifa Hafar contre ce qu'il a appelé les bases terroristes. Ce général est à la tête d'une force paramilitaire visiblement puissante. Selon le ministère de la Santé libyen, les affrontements de Benghazi ont fait 79 morts et 141 blessés. La situation était demeurée tendue lundi à Benghazi. L'Union européenne s'est dite très préoccupée par la détérioration de la situation et a appelé les parties au conflit à éviter l'escalade dans la violence. Un appel qui a peu de chance d'être entendu. Les milices qui se disputent le pouvoir dans ce pays exsangue sont peu accessibles à la diplomatie. Le général à la retraite Khalifa Hafar a indiqué maintenir ses troupes en alerte et qu'il n'avait nullement l'intention d'abandonner ses positions. Ce qui voudra dire que la violence peut ressurgir à tout instant. L'Arabie saoudite a anticipé par le rapatriement de ses diplomates à Tripoli, tout en procédant à la fermeture de son ambassade. Avant elle, l'Algérie avait fait également évacuer sa mission diplomatique menacée d'attaques terroristes.