Depuis son jeune âge, khalti Hamida était attentive aux soucis et au mal-être des autres. Maman, elle devenait de plus en plus sensible aux injustices sociales dont souffraient ses semblables et refusait la fatalité. Une femme au grand cœur qui vivait dans un appartement peu spacieux, mais pour ceux qui la connaissaient il était aussi grand que son cœur pour porter secours et apaisement aux autres. Sans même s'en rendre compte, elle en a fait un centre d'accueil pour les femmes qui y transitaient. Elle avait accueilli bon nombre de femmes tourmentées, ne sachant plus où aller. Un jour, effondrée, en sanglots, une de ses amies tape à sa porte. - Ghir el khir, qu'est-ce qui t'arrive ? - Ma chère amie, un malheur nous est tombé sur la tête. Qu'allons-nous devenir ? Que vais-je faire ? - Attends, attends, repose-toi, reprends ton souffle et raconte-moi. Tu t'es disputée avec ton mari ? - Non Hamida. Non. Mossiba (un malheur). Qu'est-ce que j'ai pu faire pour que Dieu me punisse ainsi ? Hamida, ma sœur, je ne sais plus où donner de la tête ! Ma fille Yasmine est enceinte. Trouve-moi une solution. Comment faire ? Quoi dire aux voisins, à la famille, dis-moi ? Khalti Hamida la dévisagea, lui prit tendrement la main : «Calme-toi mon amie, je sais que c'est le déluge, mais je te promets que j'en ferai mon premier souci et je vais t'épargner les foudres de ta famille. T'inquiète pas, je te jure que je vais régler ce problème sans que tu t'en rendes compte. - Comment ça, tu as une solution ? - D'abord invente un prétexte d'absence, et ta fille ne sortira de chez moi qu'après son accouchement. Tu as compris ? Retourne chez toi, apporte-lui quelques affaires nécessaires, c'est tout ce que je te demande pour le moment. Et surtout calme-toi et fais comme si de rien n'était. Allez, vas-y. - Mais Hamida, et après l'accouchement ? Et le bébé? - Ecoute ma chère et tendre amie, si je décide de l'aider, c'est toi que j'aide en fait, et j'irai jusqu'au bout, c'est-à-dire que je placerai le bébé dans une famille privée de ce don du ciel. Dieu sait ce qu'il fait. Tout au long de la grossesse, son soutien était sans relâche ni calculs. Elle respectait même la durée courte des envies où elle lui mijotait des petits plats. Elle se concédait ce droit en disant que c'est un devoir de venir en aide à des femmes en pareilles situations. Elle avait juré de faire tout ce qui était en son pouvoir pour la soulager, pour lui faire oublier sa culpabilité. «Ce sont toujours elles qui subissent et encaissent en même temps. Elles sont marginalisées, jugées et condamnées aussi bien par leur propre famille que par la société tout entière. Ce n'est pas juste», disait-elle. Habitant un f4 aux alentours d'El-Biar, khalti Hamida a fait serment de porter secours aux mamans célibataires. Elle disait tout le temps : «Ce qui ne devait pas se faire est fait ! L'embarras est là. Donc, il ne faut pas rabâcher, se lamenter mais plutôt agir et les sauver, on ne va pas les laisser mourir. Dieu a toujours prôné essoutra.» Après le problème qu'à connu son amie, elle aménagea une des pièces qu'elle avait réservée à ces futures mamans. Elle avait choisi la chambre la plus spacieuse qu'elle avait dotée de deux lits et une petite armoire déjà à moitié pleine. Quelques draps, des serviettes ; mieux encore, une petite pharmacie. Elle disait sans arrêt : «Je veux que ces jeunes femmes soient très à l'aise. Ce qu'elles subissent et supportent est déjà assez lourd pour elles. Je devine le regard des gens sur ces pauvres filles. Elles sont même reniées par leurs proches, ce n'est pas la peine d'en rajouter. il faut les sauver et sauver les pauvres innocents qu'elles portent.» Elle redoutait à chaque fois le moment de recevoir une jeune mère célibataire, mais dès que celle-ci franchit le seuil de la porte, elle est soulagée. C'est l'appréhension qui la rendait ainsi. Un jour, elle avait accueilli une jeune fille d'à peine 17 ans. Ce jour-là, on l'avait vue désemparée, très chagrinée par sa situation et surtout le fait qu'elle était aussi jeune, une enfant. Elle en voulait à toute l'humanité. La grossesse de cette adolescente était compliquée et quand elle s'est présentée seule chez elle, elle a eu des frissons. - Ma fille, t'es toute seule, t'es pas accompagnée par ta sœur comme prévu ? - Non khalti, après réflexion, on avait peur de semer le doute au sein du voisinage. - OK ! Dans ce cas, je vais voir Mouni, ma voisine du dessus, qui va m'aider. En bonne et due forme, elle ordonna à Mouni de descendre au moment opportun pour porter aide à cette jeune maman. Il faut signaler aussi que Hamida ne pouvait pas rester constamment à la maison, puisqu'elle faisait le marché et autres tâches quotidiennes de la maison. De son temps, elle apportait surtout le soutien moral. Ce qui était merveilleux chez cette femme, c'est qu'elle avait affronté la société et imposé à son mari et ses enfants cette attitude ô combien vaillante.