De Tunis, Kattou Mohamed Depuis quelques jours, la Tunisie vit à l'heure d'éventuelles frappes occidentales en territoire libyen. C'est le sujet des divers plateaux télévisés avec des invités aux avis différents quant à la position que la Tunisie devrait adopter en cas d'attaques et face à un éventuel déferlement de réfugiés. Certains analystes estiment que les Libyens sont «nos frères» qu'il faut aider par tous les moyens. Pour d'autres qui ne croient ni à la politique ni à la diplomatie, les frontières devraient être fermées. D'autant plus qu'outre l'aspect économique, un exode pourrait faciliter la tâche aux terroristes qui pourraient s'infiltrer, impunément, en territoire tunisien. Cependant, le gouvernement, qui suit de très près l'évolution de la situation, est sur ses gardes et se prépare à y faire face par tous les moyens. Au risque de susciter des craintes parmi la population, le ministère du Commerce a pris des mesures (telles que l'augmentation des capacités de stockage) propres à prévenir toute pénurie de produits de consommation de base au plan national. L'annonce de ces mesures n'a pas manqué de susciter les craintes des citoyens. Même ceux de la capitale, distante de 700 kilomètres de la frontière, en font leur sujet du jour. Et dans les jours qui viennent, l'ont craint un déferlement sur les grandes surfaces pour créer la pénurie Au plan régional, le gouvernorat de Médenine (proche de la frontière), dans le sud du pays, on multiplie les réunions pour mettre au point un plan d'accueil des éventuels réfugiés. Forts de l'expérience de l'année 2011, l'on se prépare aux divers scénarios en collaboration étroite avec le Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui exclut la création d'un village de tentes, affirmant que les conditions d'accueil seraient meilleures qu'en 2011. Cependant, tout est encore dans le flou, puisqu'aucune partie ne détient la vérité, en particulier celle relative à la date du déclenchement d'éventuelles frappes occidentales contre les groupes terroristes de Daesh en Libye. A ce propos, le colonel-major Mokhtar Ben Nasr, retraité de l'armée tunisienne et président du Centre tunisien des études pour la sécurité globale, relève une tendance à surestimer les capacités des groupes terroristes basés en Tunisie et estime que Daesh «n'osera pas mener des attaques contre la Tunisie, sachant que l'armée est bien disposée sur la frontière». Selon Ben Nasr, il y aurait 12000 terroristes en Libye répartis entre Daesh (5000), Al Qaïda (5000) et Ansar Al Chariâ (2000). Tout en excluant le caractère dangereux de ces groupes, il a toutefois mis en garde contre les quantités d'armes qu'ils détiennent. Toujours selon Ben Nasr, 1700 groupes armés sont actifs en Libye et 350 000 hommes sont armés. Au plan politique, le président de l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement), M.Mohamed Ennaceur, a affirmé que rien n'indique, pour le moment, l'imminence d'une attaque occidentale en Libye. Ce qui donne une certaine crédibilité à cette déclaration est qu'elle a été faite après une rencontre avec l'ambassadeur américain à Tunis. Par ailleurs, les observateurs s'interrogent sur le véritable objet de la visite de l'ancienne secrétaire d'Etat américaine en cette période en Tunisie. Officiellement, Mme Albright est, actuellement, présidente du centre de recherches «Atlantic Council». Mais rien n'empêche qu'elle soit mandatée par l'administration américaine pour parler avec les autorités tunisiennes des frappes occidentales attendues en Libye. En effet, elle a rencontré les trois présidents (République, gouvernement et Parlement, sans omettre d'avoir un entretien avec le leader du parti islamiste, Rached Ghannouchi.