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Suspension des contacts entre bruxelles et rabat
Le Maroc demande à l'Union européenne de renier les décisions de sa propre justice
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 02 - 2016


De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Rabat, en définitive, demande à Bruxelles de s'asseoir sur une décision de justice européenne. Le Maroc annonce la suspension de «tout contact» avec l'Union européenne. Les autorités de Rabat ne cachent pas les raisons de leur désappointement. Il s'agit de l'arrêt de la Cour de justice européenne qui a annulé l'Accord de pêche contracté avec l'Union européenne et qui englobe le Sahara occidental.
Idiotie du Makhzen qui n'ignore, pourtant, pas l'indépendance des magistrats de Luxembourg-City par rapport aux exécutifs des 28 ? Ultimes manœuvres pour peser, davantage, dans le recours que compte introduire la Commission Barroso contre l'arrêt de justice ? Là aussi, il s'agit de droit et les institutions européennes peuvent, certes, exercer des pressions sur les juges, sans doute le font-ils, déjà ? mais en dernière instance les magistrats décideront seuls.
Des indices — sérieux — montrent, d'ailleurs, que les décideurs européens sont préoccupés au plus haut point par ce recours de tous les dangers. Les nombreux avocats et experts qui «travaillent» l'appel pour le compte de l'UE ont d'ailleurs demandé le report du dépôt de l'appel. Dernier délai, le 28 du mois en cours. Les défendeurs de Bruxelles sont dans l'obligation en droit de déterminer avec précision le ou les points sur lesquels ils se fondent pour obtenir l'annulation ou la redéfinition du premier arrêt. La marge de manœuvre est étroite. Ni les avocats, ni les magistrats de Luxembourg n'ignorent deux faits majeurs et incontournables, en l'occurrence.
D'un, le Sahara occidental est identifié comme territoire non autonome, relevant de la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation et que, seul un référendum d'autodétermination des populations sahraouies tranchera, définitivement, le statut final des territoires. Ce à quoi s'attellent précisément Christopher Ross, envoyé spécial onusien dans la région, et Ban Ki-moon, le SG de l'instance suprême du droit international. Moon sera, d'ailleurs, la première semaine de mars en Algérie, en Mauritanie et dans les camps de réfugiés à Tindouf.
Sans doute, poussera-t-il jusqu'à Tifariti dans la zone libérée du Sahara occidental, siège du Polisario et de la RASD.
De deux, il est clairement noté dans le jugement qui a invalidé l'Accord agricole UE-Maroc, que le Front Polisario — El Frente Polisario est-il rédigé dans la transcription finale — est le représentant légitime du peuple sahraoui et, à ce titre, il peut ester en justice. Les avocats de l'Union européenne présents en nombre, ils étaient neuf, n'ont pas pu invalider cette personnalité juridique eu égard aux décisions de l'ONU, de la Cour de justice de La Haye et même la doctrine de l'Union européenne qui discute régulièrement avec la représentation politique du Front Polisario à Bruxelles.
Les 28 encouragent même dans leur approche du dossier, des discussions directes entre Tifariti et Rabat. Mohammed Sidati, ministre, représentant la République sahraouie et le Polisario en Europe, est régulièrement reçu, consulté, sondé, écouté par les dignitaires de la Commission, du Parlement (PE) et du Conseil. Federica Mogherini, actuelle numéro 2 du gouvernement de l'Europe, chargée des relations extérieures et de la défense commune, maîtrise parfaitement le dossier du Sahara occidental et connaît, personnellement, les principaux dirigeants sahraouis qu'elle a pratiqué quand elle était aux affaires dans son pays d'origine, l'Italie.
Mogherini a, d'ailleurs, conseillé à Jean-Claude Juncker d'appliquer la décision de justice sans aller en appel. Le président semblait aller dans ce sens.
Les pressions marocaines et des lobbies pro-marocains dans la capitale belgo-européenne, français notamment, ont contraint la Commission au recours. La colère marocaine se traduisant par la suspension de «tout contact» avec l'Union européenne est liée, selon des sources traditionnellement informées à Bruxelles, que les chances de gagner en appel pour le Maroc et l'UE, sont minimes. Rabat exige, maintenant, de Bruxelles une solution politique. Traduire, s'asseoir sur le jugement rendu par la Cour européenne excluant le Sahara occidental de l'Accord agricole. Les déboires marocains face à la justice de l'Europe ne font, pourtant, que commencer. Prochainement, les magistrats de Luxembourg invalideront l'Accord de pêche avec le Maroc pour les mêmes raisons qui ont cassé l'arrangement agricole. L'affaire du Sahara occidental.


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