Il est temps de passer de l'autre côté du miroir et découvrir l'autre partie de cet immense chantier du professionnalisme. Certes la fédération du football s'emploie depuis la première heure à le promouvoir, à adapter le football aux normes internationales en lui donnant la possibilité de s'accorder avec les lois en vigueur. Qu'en est-il aujourd'hui, à vrai dire après presque sept années d'apprentissage ? Que faut-il retenir de cette expérience ? Faut-il parler d'echec, de réussite ? En lançant l'opération la fédération n'a-t-elle pas choisi de faire dans la difficulté ? Pouvait-elle sentir les difficultés que peut porter un éventuel échec, le défi qui l'attendait et qu'elle se devait de relever ? Etait-il dans ses cordes de susciter une forte adhésion, de l'engouement pour son projet et susciter chez les autres l'envie de vouloir le partager, le vivre réellement ? Autant de points qui paraissaient indispensables à comptabiliser, à glaner pour convaincre et s'en convaincre soi-même de poursuivre l'aventure. Dans un environnement peu accommodable et réticent, enclin à l'incertitude quand il n'y est pas associé à l'opération, affectionnant le principe de ni pour, ni contre. En tout cas, on semblait partir sur de bonnes bases. On y croyait tellement qu'on était nombreux à dire oui à cette entreprise dont on disait le plus grand bien. Mais quelle fut notre surprise de découvrir qu'après avoir été adoptés, les statuts qui devaient consacrer le professionnalisme dans toute son étendue ont perdu de leur vitalité, de leur résonnance sur le terrain de vérité où la décantation pouvait réellement avoir lieu ? Le terrain, accessoire indispensable d'évaluation, a vite fait de nous interpeller de nous dire à quel point nous faisions fausse route. L'état de notre championnat pour notre grand malheur est là pour traduire toute l'amertume qui ne cesse d'envelopper et de gagner l'ensemble des acteurs. Un arbitrage de bas niveau, une organisation peu appréciable due à la faiblesse de ceux qu'on a désignés pour l'y animer, recrudescence de la violence, comportement asocial tant dans le périmètre sportif qu'en dehors, multiplication de matchs à huis clos pour agissements antisportifs des fans ? Pourtant on aurait aisément pu sauver la mise en s'inspirant des expériences passées dans ce domaine précis où l'Algérie a déjà eu à vivre vers la fin des années soixante-dix un semi-professionnalisme emprunté de l'Europe de l'Est et adapté à notre environnement. Le NAHD devenu Air Algérie et le RC Kouba Sonatrach qui furent retenus pour servir d'expérience ont permis quelques années plus tard, suite à leur adaptation, à l'Etat algérien d'étendre l'expérience à tous les clubs. Ce fut une réussite. L'athlète disposait enfin d'un statut revalorisant qui le rendait totalement professionnel. Les entreprises dont dépendait le financement des associations sportives subvenaient à tous les besoins (salaires, primes, stages et retraites en fin de carrière). Une belle aventure - les exploits obtenus en sont la preuve- qui aurait pu dépoussiérer le dossier en ces temps et reproduire l'expérience en l'adaptant aux nouvelles circonstances ? Décidément l'abandon de cette expérience combien enrichissante nous a fait perdre un temps précieux et de l'argent qui aura été dépensé sans but précis ? On a fini par perdre des acquis dont il faudra irrémédiablement du temps et de l'adresse pour les recouvrer parce qu'on n'aura pas fait ce qu'il fallait pour les garder en vue de les réutiliser. Un professionnalisme d'un autre genre qui sied à des Etats naissants qui aspirent à s'enrichir de telles expériences. Une démarche qui a porté ses fruits, moins coûteuse, moins aventureuse si on raisonne en terme monétaire ? Les présidents de clubs, il faut aussi en parler et reconnaître que quelque part ils y sont pour quelque chose dans cet écart dans la mesure où ils ont montré peu d'enthousiasme à mettre en application les directives de la fédération, comme par exemple le fait de ne pas vouloir associer un grand nombre dans la gestion du club tant sur le plan administratif que financier. S'ils se rejoignent sur certains points, ils restent indécis en revanche sur d'autres non moins importants où l'on constate une discordance, préjudiciable d'emblée, à même d'affaiblir l'ensemble du processus. La fédération quant à elle, de mon point de vue, semble avoir mal visé en ayant en tête la seule idée du professionnalisme. En engageant à la hâte un projet d'une telle envergure, la fédération a omis de lui associer d'autres éléments nécessaires à son développement. Elle aurait pu réussir son pari si elle avait permis que se développent en son sein des valeurs sûres, professionnelles (savoir-faire), démocratiques (débat contradictoire), économiques (gestion rigoureuse des finances) ? En écartant les problèmes qui dépassaient et tous ceux qui pouvaient aider à la résurgence d'un professionnalisme de qualité, la fédération ne s'est-elle pas privée d'un atout indispensable — le débat contradictoire — qui aurait permis de glaner des points sur la route du professionnalisme ? Si elle était imbue de cet état d'esprit, serait-on aujourd'hui en train de retenir un tel raisonnement et de montrer son peu d'enthousiasme ? Vraisemblablement, toute initiative qui ne porte pas son sceau, porterait en elle les signes qui lui sont défavorables ? Que dire des autres acteurs (dirigeants, encadreurs), tous impliqués pourtant, sinon qu'ils participent négativement par leur silence en encourageant une atmosphère moins porteuse et rédhibitoire ? Pourquoi le professionnalisme peine à trouver son cheminement ? Peut-être par la faute de notre «extraordinaire» incapacité à nous adapter ? Nous n'avons pas encore compris qu'il nous faut revenir à ces valeurs qui font avancer. Le bon sens, le discernement, la réflexion, l'esprit de compétition doivent être les mots clés de la raison d'être du sportif, du président, du dirigeant, etc. On peut passer des heures et des heures à rabâcher que le professionnalisme est la seule voie de salut pour notre football. Mais pour l'Algérien, quand le problème se pose que fait-il exactement pour le solutionner ? Il tentera assurément de le cacher, de l'écarter parce qu'il sent qu'il le dépasse, au lieu de chercher, de provoquer un débat, d'en parler et tenter de comprendre en vue de prévoir les remèdes appropriés. C'est dans pareil environnement, inapproprié, dangereusement entretenu que la stagnation prend toute sa forme. Le championnat national nous prive de ce que nous aimons le plus, à savoir un football de qualité, le nôtre, fait de petites passes et d'ingéniosité. Un football riche en moyens techniques et financiers qui doit assurer sa suprématie sur son espace géographique. La fédération qui a les moyens tant humains que financiers peut sans difficulté se projeter encore une fois — il est toujours temps — pour le mener au bon endroit. Le monde sportif, concerné en premier lieu, doit nécessairement marquer son attachement aux vraies valeurs qui font le footballeur, le dirigeant, le président. Si on ne retourne pas à ces valeurs, on continuera assurément à s'illusionner et à se tromper de route et pour toujours.