Le Maroc a réagi tardivement mais violemment à la récente visite de Ban Ki-moon à Alger et dans les camps de réfugiés sahraouis. Le Secrétaire général des Nations-Unies n'avait pu se rendre à Rabat, tel qu'il le souhaitait, en raison de l'absence inexpliquée du roi qui crie aujourd'hui à la «complaisance» du premier responsable de l'ONU. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La réaction s'est faite de manière très officielle. Le gouvernement marocain, resté silencieux tout au long de la semaine où l'on disait Mohammed VI hors du pays, a publié un communiqué dans lequel il fustige Ban Ki-moon, l'accusant de «dérapages verbaux, de faits accomplis et de gestes de complaisance injustifiés». Le même communiqué, transmis à l'agence officielle MAP, soutient que le Maroc a «constaté avec stupéfaction que le Secrétaire général a utilisé le terme occupation pour qualifier le recouvrement par le Maroc de son intégrité territoriale ce qui déroge de façon drastique la terminologie traditionnellement utilisée par l'ONU pour désigner le Sahara marocain». Plus grave encore, il accuse Ban Ki-moon de s'être laissé instrumentaliser «pour donner du crédit aux prétentions fallacieuses des autres parties» puis s'en prend naturellement à l'Algérie qui, dit-il, est «responsable du détournement de l'aide humanitaire destinée aux populations séquestrées de ces camps». Pourquoi une telle virulence envers le Secrétaire général des Nations-Unies ? La réponse réside dans le fait que Ban Ki-moon est perçu actuellement comme étant le premier responsable onusien à s'être engagé de manière aussi claire pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination du Sahara occidental. Son engagement ne s'est pas limité à de simples propos ou à des textes en faveur de l'indépendance du peuple sahraoui. Avant de clôturer son mandat à la tête de l'ONU, il a tenu à effectuer personnellement un déplacement qui l'a mené y compris dans les territoires libérés du Sahara occidental (Bir Lahlou) où est stationnée une antenne de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental). Une première dans les annales de l'ONU. Le geste, hautement symbolique, a fortement déplu au royaume. Les propos tenus à cette occasion l'ont irrité davantage. Ban Ki-moon a en effet déclaré avoir été «très sensible à la situation des Sahraouis (...) je les comprends et je tenterai d'œuvrer pour la relance des pourparlers en vue de l'organisation d'un référendum d'autodéterminations au Sahara occidental». Il ajoute avoir demandé à son représentant spécial pour le Sahara occidental de reprendre ses tournées en vue de relancer les négociations entre les autorités marocaines et le Front Polisario, car, dit-il, «aucun progrès réel n'a été enregistré dans les négociations devant aboutir à une solution juste et acceptable par tous, fondée sur l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». Il précise enfin : la Minurso «est prête organiser un référendum s'il y a accord entre les parties». Mais le projet semble voué à l'échec avant même que le processus souhaité ne s'enclenche. Le gouvernement marocain a décliné en déclarant : «loin d'atteindre l'objectif déclaré du Secrétaire général de relancer les négociations politiques, l'ensemble de ces dérapages risque de les compromettre». Cette fin de non-recevoir confirme à nouveau la position du Maroc. En 2012, il avait retiré sa confiance à Christopher Ross sous prétexte de «partialité» concentrant ses efforts pour tenter de faire accepter son projet en faveur d'une large autonomie sahraouie sous contrôle marocain. Le concept a été naturellement rejeté par les autorités sahraouies, plus fortes que jamais du soutien affiché de la communauté internationale. Le blocage est total. Pis encore, la montée au créneau du gouvernement marocain ferme la porte à toute avancée politique, confirmant les craintes de Ban Ki-moon, qui compare le dossier du Sahara occidental à une véritable «bombe à retardement».