Un vent de révolte souffle sur les camps de réfugiés sahraouis où s'est rendu Ban Ki-moon ce samedi. Usés par des années d'attente et de promesses internationales sans suite, des jeunes qui ne connaissent de la vie que ces tentes dressées dans la hamada ont déversé leur colère lors du passage du cortège du SG de l'ONU, venu personnellement s'enquérir de la situation de ces hommes qui attendent leur indépendance depuis de longues années. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'évènement est de taille. Il constitue la première manifestation de colère de la population sahraouie réfugiée en Algérie depuis la signature d'un cessez-le-feu (en 1991) entre le Front Polisario et les FAR (Forces armées royales). A ce moment, un processus devant mener à l'organisation d'un référendum d'autodétermination du Sahara occidental avait été pris en charge par l'ONU et l'OUA, donnant l'espoir d'aboutir à la résolution d'un dossier sensible. Le projet est malheureusement resté au même point. Les déceptions se sont accumulées et naturellement exprimées à travers des jeunes ne pouvant plus contenir leur impatience. A bout de nerfs, ils ont hurlé leur colère : «40 ans ça suffit, nous voulons notre indépendance...» Contraint d'annuler certains rendez-vous en raison de la tension qui prévalait dans la zone où il se trouvait, Ban Ki-moon a tout de suite saisi le message. «Je tâcherai de faire des efforts pour améliorer les conditions de vie des Sahraouis notamment sur le plan humanitaire, et je ferai de mon mieux pour convaincre les deux parties d'organiser un référendum d'autodétermination». Pour démontrer une nouvelle fois tout son intérêt pour un dossier qu'il qualifie de véritable «bombe à retardement», le Secrétaire général des Nations-Unies a ensuite annoncé qu'il persistait à se rendre à El-Ayoune, dans les territoires occupés du Sahara occidental. Il y a plusieurs mois, Ban Ki-moon avait fait part de sa volonté de se rendre dans cette zone pour faire le point sur la situation des droits de l'Homme. Prises au piège, les autorités marocaines ont annoncé que leur roi se trouverait hors du pays à la date correspondant à la visite du représentant de l'ONU. Pour atterrir dans un territoire occupé, l'avion du SG de l'ONU avait besoin d'une autorisation des responsables locales, avait indiqué le secrétaire de Ban Ki-moon. Son déplacement à El-Ayoune a été annulé tout comme celui de Rabat. Sa volonté d'accélérer un processus de relance du dialogue entre les deux parties semble par contre s'être accentuée. Lors d'un point de presse animé en marge de ces rencontres avec les responsables du Front Polisario, il a ainsi annoncé une prochaine tournée de Christopher Ross destinée à amener les autorités sahraouies et marocaines à des discussions. «J'ai demandé, dit-il, à mon envoyé spécial de reprendre ses tournées afin de créer une atmosphère propice à la reprise des pourparlers entre les deux parties». M. Ban Ki-moon a également annoncé qu'il allait prochainement convoquer une réunion des donateurs en vue de réunir des fonds destinés à satisfaire les réfugiés sahraouis. «Cette visite, a-t-il ajouté, m'a permis de constater de visu les souffrances des réfugiés sahraouis (...) il s'agit d'une tragédie oubliée par la communauté internationale, les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf sont les plus anciens au monde». Le Secrétaire général de l'ONU a, enfin, pris compte des nombreux appels en faveur de l'élargissement des prérogatives de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental) notamment en ce qui concerne le contrôle de la situation des droits de l'Homme. La Laddh (Ligue algérienne des droits de l'Homme) lui a adressé une lettre où elle évoque le problème et l'invite à agir à la libération de tous les Sahraouis détenus dans les prisons marocaines «dont ceux du camp Gdim Izik dans les territoires occupés». La Laddh a dénoncé par là même le «traitement cruel infligé à ces prisonniers». Au terme de leurs entretiens avec Ban Ki-moon, les responsables sahraouis ont déclaré que cette visite amènera le Conseil de sécurité à «reconsidérer la question sahraouie après 40 ans d'occupation marocaine et de blocage des termes de l'accord de 1991 qui prévoit l'organisation d'un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Il a ajouté que cette visite était «un élément nouveau» pour le règlement du conflit au Sahara occidental d'autant qu'il s'agit de la première visite d'un secrétaire général onusien dans les territoires libérés». «Elle aura sans doute un impact au sein du Conseil de sécurité». «C'est la France qui bloque le dossier sahraoui au niveau des Nations-Unies», a-t-il déploré.