De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Messahel, puis Ouyahia, puis Lamamra et, enfin, le Président Bouteflika ont, certes, installé un cordon de sécurité autour de Saâdani pour enlever les odeurs puantes que ses déclarations sur le Sahara occidental dégagent. Récit bruxellois des Saâdaniates. Les médias marocains, nombreux à Bruxelles, s'intéressent à deux sujets — majeurs — pour eux. Molenbeek, «le petit Maroc» d'où les expéditions punitives sur Paris ont été planifiées. Et la position de Saâdani sur le Sahara occidental. «Plus importante pour nous, se confie un journaliste très proche du palais de Rabat, que le discours de Mohammed VI à Laâyoune». Le cordon sanitaire dressé autour de Saâdani par l'Etat algérien sur le dossier sahraoui suffit-il, suffira-t-il à se débarrasser des ôdeurs puantes des «Saâdaniates». Pas sûr... C'est une condition nécessaire mais pas suffisante... Par ici le récit et la sortie. Les portiques de sécurité installés par l'Etat algérien autour de Saâdani suffirait-ils à circonscrire le feu que le SG du FLN a allumé pour incendier la diplomatie, affaiblir la doctrine algérienne en matière de décolonisation. Pas sûr, du tout. Même la nécessaire et revigorante rencontre entre Bouteflika et Abdelaziz, Présidents algérien et sahraoui, semble insuffisante. Les fautes morale, politique, historique, diplomatique du trouvère Saâdani sont d'autant plus lourdes de conséquences qu'elles interviennent au moment précis où le Makhzen était isolé sur la question sahraouie. L'ONU avait rabaissé le caquet de Mohammed VI qui voulait éconduire Christophe Ross. La conférence de Madrid de soutien au peuple sahraoui, succès retentissant, a pu réunir autour d'un impressionnant consensus espagnol (Droite-Gauche-Gauche unitaire — Verts — nouvelles configurations qui montent aux dépens des partis socialistes et Conservateurs telles Podemos ou Ciudadamos), l'ensemble de la société civile, en plus du fait que le Forum de la capitale castillane a vu intervenir dans la salle des congrès de Marcelino Camacho une brochette de personnalités européennes de premier rang. Karin Scheele, ministre autricheinne, ex-présidente de l'inter-groupe parlementaire européen «prix pour le peuple sahraoui», des leaders politiques et d'opinions venus des quatre coins du monde : Argentine, Mexique, Slovénie, Panama, USA, Chili. Une forte délégation française, ce qui est important, Paris étant traditionnellement réticente au plan de paix de l'ONU et plutôt en faveur du statu quo actuel. Pierre Laurent, responsable du Parti communiste français et coordinateur du Front «Gauche unie» européen, devait assister à la rencontre de Madrid, les attentats du vendredi noir à Paris en ont empêché. Une semaine auparavant, «Juristes du monde associés» avait, à Bruxelles, au sein même du Parlement européen (PE), demonté et cassé l'argumentaire de Rabat sur la «Marocanité» du Sahara occidental. «Juristes du monde associés» est un regroupement composé d'experts, d'avocats, de procureurs, de chercheurs indépendants et de femmes et hommes du droit internatinal. Toutes et tous ont conclu à «l'illégalité de la présence marocaine au Sahara occidental», dénoncé «le pillage des ressources naturelles, de cette ex-colonie espagnole» et exigé «la programmation, dans les délais les plus raisonnables, d'un référendum d'autodétermination». Parmi eux, Sara Ruiz Calvo, Barreau de Madrid, qui a pu obtenir d'un juge espagnol que les «crimes», «exactions», «tortures», «enlèvements» perpétrés par le Maroc sont de la responsabilité de l'Etat espagnol. C'est une évolution-révolution dans le droit espagnol et qui mettra les justices marocaine et espagnole en conflit direct. Sara Ruiz Calvo s'est basée sur la doctrine de l'ONU qui ne reconnaît pas au Maroc le statut de puissance administrante, ce dernier étant dévolu à l'Espagne. D'autre part, la «sortie promarocaine» intervient au moment même où Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'instance onusienne, se positionne clairement — et le déclare — pour l'organisation, rapidement, du référendum au Sahara occidental. Moon prévoit même de se rendre dans la région pour accélérer le processus référendaire. Entretemps, Fédérica Mogherini, Madame politique extérieure et de sécurité de l'Union européenne, chef de la diplomatie, en définitive des 28, se positionne nettement et de façon qui ne prête à aucune équivoque en faveur des «droits fondamentaux» des Sahraouis dont le fondamental celui de l'autodétermination. Jamais le Maroc n'a été autant isolé sur la question sahraouie. Les déclarations de Saâdani ont été pour la presse du royaume du pain bénit. Les variations sur le thème du Sahara occidental de Saâdani ont été plus commentées à Rabat que le discours de Mohammed VI à Laâyoune colonisé.