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CARNETDE VOYAGED'AREZKIMETREF
SI TU VAS À SAN FRANCISCO... 3/Makache the hope
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 03 - 2016

Je poireaute toujours à l'aéroport de San Francisco dans l'attente de Mouloud, le parent qui doit venir me chercher. Pour tuer le temps, je dévore tout des yeux, comme un gamin jeté pour la première fois dans un Disneyland. Tout est objet à curiosité et parfois à émerveillement. C'est donc ça, Maricane ? Toute la mythologie yankee, ingurgitée à doses de cheval pendant l'enfance et l'adolescence, principalement à travers le cinéma et les bandes dessinées, remonte dans un remake sceptique. A l'heure qu'il est, je me demande si c'est le souvenir ou le cinéma qui possède ce pouvoir embellissant.
C'est ça, San Francisco ? Je croyais que dès l'arrivée, j'allais entrevoir les fantômes de Kerouac et ceux des hippies qui donnèrent à la ville cette autre singularité d'être le berceau de la contestation.
Par-delà le parapet, j'observe la station Bart, le tramway et la configuration torsadée des bretelles d'autoroutes. Quelques buildings fusent dans le ciel embrumé de San Mateo, le comté distant d'une vingtaine de kilomètres de San Francisco, là où se trouve l'aéroport.
Mouloud arrive enfin dans une Hyundai couleur cerise. Pour s'excuser du retard, il me répète ce qu'il avait écrit dans son sms : un accident a provoqué un bouchon exceptionnel. Mouloud est, comme je l'ai dit, un parent installé dans le coin depuis une vingtaine d'années. Son invitation insistante a fini par peser sur ma détermination à sauter le pas. Il a quitté l'Algérie dans les années noires, comme des milliers de compatriotes avec des fortunes diverses. Il a d'abord tenté de s'installer à Paris. Trop compliqué du point de vue des papiers. Alors, il a creusé son trou à New York. Là, ça a marché, mais il y fait trop froid. Il a donc atterri en Californie du Sud, réputée pour son climat méditerranéen le plus proche de ce que l'on a toujours connu. Un avantage : le temps clément. Un risque : la sécheresse.
On bavarde dans la voiture qu'il insère habilement dans une circulation dantesque. Pour l'essentiel, des grosses bagnoles. Beaucoup de pick-up 4x4 Ford, mais aussi des conduites intérieures étrangères, japonaises, coréennes, allemandes. J'ai même vu une petite Smart trottiner dans le flot.
Mouloud réfléchit à haute voix sur le meilleur moyen de sortir de San Francisco et de gagner Manteca où il occupe un superbe pavillon en bois. Partout aux Etats-Unis, dira plus tard Dahmane lorsqu'on abordera le sujet, les maisons sont construites en bois. Cela revient moins cher. Le seul danger possible, c'est le feu. Ce qui a conduit les Etats-Unis à posséder des services de pompiers ultramodernes en mesure de répondre en un temps et avec une efficacité record à n'importe quel incendie. Ce pavillon, je ne l'ai pas encore vu mais je l'imagine. Comme s'il avait pu lire dans mes pensées, Mouloud précise :
- Ici, il faut bosser. Quand on travaille, on finit toujours par s'en sortir.
- Y a quand même du chômage, objecté-je.
- Pour ceux qui ne veulent pas travailler, insiste-t-il. Ayant lu des choses sur le sujet, j'insiste :
- Tu ne vas pas me dire que tous les homeless de San Francisco ne veulent pas travailler !
- En Californie, y a toujours quelque chose à faire, conclut-il en mettant fin à la conversation.
Comme les émigrés algériens en France se sont forgés une sorte de Novlangue en mélangeant sans complexe l'arabe ou le kabyle et le français, Mouloud et la plupart des Algériens installés aux Etats-Unis que je rencontrerai ultérieurement mixent, quant à eux, l'algérien et l'américain.
Ça donne des images savoureuses. Mouloud décide d'éviter le Golden Gate qui balance dans la brume de la baie comme un hochement de tête évasif.
En fait, il avait prévu ce passage pour me mettre tout de go dans le coup.
Puis il décide :
- Chouf, we come back later l'Golden Gate !
- Yervah ! répondis-je...
Mouloud préfère prendre un autre pont pour quitter la ville et rallier la route 580 qui nous mènera à Manteca.
On prend un dédale de ponts volant parfois haut dans le ciel. Avec la légendaire brume de San Francisco qui enveloppe la baie, on se croirait encore dans ce Boeing qui transperce les nuages.
Mouloud contourne la ville, préférant la quitter par la périphérie. A un certain moment, par l'échancrure taillée dans le rideau de brume, on découvre un pan d'océan. Dans ce télescopage de sensations tumultueuses, je trouve la couleur de l'océan dénuée de cette noblesse que lui confère le mouvement des vagues. Elle a cette teinte boueuse des eaux stagnantes. On emprunte un pont plus récent et moins prestigieux que le Golden Gate. Le San Mateo-Hayward est un pont routier qui enjambe la baie presqu'à ras de berge. Avec ses 11 km, il est le plus long de la baie de San Francisco, mais aussi l'un des plus longs du monde. Les bagnoles se bousculent pare-choc contre pare-choc par-dessus les flots boueux et écumants d'un océan que la lecture de Jack London me rendit autrefois familier. C'est surtout la Barbary Coast, quartier traditionnel des marins au début du XXe siècle où Jack London grandit à coups de poing, qui a fait de San Francisco «le plus malfamé de tous les ports du globe». Et qui l'a fait connaître à des millions de lecteurs à travers le monde.
Dès qu'on quitte les faubourgs de San Francisco, impossible de ne pas noter l'une des caractéristiques des Etats-Unis. La route 580 qui mène à Sacramento est large d'au moins 6 voies. J'en fait la remarque à mon cousin. Il confirme :
- Oui, c'est ça les Etats-Unis. Tout est grand, même le jus d'orange est conditionné en magnum de 5 litres.
En vérité, c'est à Roosevelt (1882-1945) que l'on doit l'introduction de la Highway (autoroute). A son retour de l'un de ses nombreux voyages en Allemagne où Hitler avait fait construire les autobahn, il s'en inspira.
Depuis la vitre latérale de la voiture, je découvre le paysage de cette vallée centrale de la Californie. Les coteaux de Napa, la vallée du vin, ont, de ce côté-ci, cet aspect brûlé qu'imprime la sécheresse qui sévit depuis plus de 4 ans dans la région. Mouloud roule dans le respect des limitations de vitesse tant les sanctions sont draconiennes.
Je m'étonne tout à la fois de la discipline des automobilistes et de l'absence de cette caricature des routes US telle que véhiculée par les feuilletons made in America : le sheriff en Ray Ban et chapeau de cow-boy de la Highway Patrol.
- Il arrive qu'il débarque comme dans les films, m'informe mon parent, et là, la faute se paye cash. Avec ou sans sheriff, l'infraction ne passe pas inaperçue car la route est truffée de radars. Vu le montant des PV, mieux vaut lever le pied. L'argent ainsi prélevé est utilisé pour l'entretien des autoroutes.
Croisant mon regard étonné posé sur la désolation du paysage, Mouloud croit bon de préciser :
- Ici, avant, tout était vert.
- Avant quoi ? lui demandé-je
- Avant que ne sévisse cette grande sécheresse de 2011
Il ajoute que même la sécheresse n'avait pas ici le même sens que dans les autres pays, tant est riche la nappe phréatique. Ils imposent une limitation de l'usage superflu de l'eau sans pour autant se priver. Si cette sécheresse a fait de la Californie la proie d'incendies récurrents et gigantesques, ceux-ci finissent toujours par être maîtrisés.
Après 70 miles parcourus en plus de 2 heures dans une circulation d'enfer, nous arrivons enfin à Manteca, cette petite ville riveraine de la vallée centrale de la Californie, intégrée aux Etats-Unis en 1918. J'étais persuadé que le toponyme Manteca, celui de cette ville rurale de 70 000 habitants, provenait de l'arabe manteqa, qui signifie localité ou région.
On se trouve en effet dans une ville qui avait appartenu au Mexique dont la langue espagnole a beaucoup emprunté à l'arabe. D'ailleurs, j'éprouvai même une pointe de déception en apprenant que ce n'était pas le cas. En réalité la sonorité arabe du nom provient d'une banale erreur d'orthographe.
La ville devait s'appeler Monteca. Une faute de frappe avait donc involontairement arabisé le nom.
Pour mon premier soir en Californie, me voilà dans le salon de cette magnifique maison de Mouloud qui occupe à elle seule l'espace de l'immeuble où j'ai grandi à Alger, lequel accueillait une vingtaine de familles.
J'exprime mon admiration pour cet espace qui est la forme accomplie du confort. Les Américains d'ailleurs ont un sens sacré de ce que l'on appelle en éthologie l'espace de fuite, privacy en américain, cette distance entre les personnes en-deçà de laquelle on se sent en danger, et qu'il convient de respecter. Mouloud acquiesce :
- J'ai tellement souffert à Alger dans cette pièce unique, que je réalise à peine que tout cet espace nous appartient.
Nous engageons une discussion sur les raisons qui poussent les gens comme lui à quitter l'Algérie pour se plonger dans les aléas de l'exil américain. Puis, cahin-caha, on en vient à évoquer les harraga qui bravent les dangers de la mer pour gagner l'Europe.
Pourtant, nous en convenons, le niveau de vie s'est beaucoup élevé en Algérie, et bien des Algériens vivent actuellement in situ nettement mieux matériellement qu'un grand nombre de leurs compatriotes expatriés. Alors, pourquoi partent-ils ? Il me répond dans un sabir algéro-américain :
- Il n'y a pas que les conditions matérielles. C'est qu'en Algérie, makache the hope (no future).
A. M.
Demain : 4/ Premier dimanche à San Francisco.


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