Depuis sa nomination, la ministre de l'Education fait face à une cabale honteuse montée par le courant islamo-conservateur. Courageusement, Mme Benghebrit mène une lutte inédite pour sortir l'école algérienne du gouffre où elle se trouve sans trouver un quelconque appui auprès de la mouvance démocratique qui fait preuve d'un silence incompréhensible. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Jeudi, Benghebrit a donc été encore une fois ciblée par des députés de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) qui ont voulu semer le doute sur son intégrité en l'interrogeant sur la destination des 18 millions de manuels scolaires invendus. Dignement, la ministre a préféré occulter la question et recentrer le débat sur les réformes en cours tout en faisant remarquer «les résistances au changement» de certains courants idéologiques. En annonçant sa volonté de rencontrer les députés pour présenter les programmes de deuxième génération prévus pour la prochaine rentrée scolaire, elle savait pertinemment qu'elle n'échapperait pas à la provocation des partis islamistes partis en guerre pour faire fléchir son combat pour une école de qualité. L'AAV n'en est pas à sa première attaque. A chaque fois que l'occasion s'en présente ses députés n'hésitent pas à tirer à boulets rouges pour jeter le doute sur les nouvelles initiatives. Il en est de même pour le FJD de Djaballah, pour Ennahda qui s'est particulièrement distingué en publiant sur sa page Facebook une photo de la ministre frappée d'une croix et accompagnée de la mention «dégage». Les propos utilisés pour qualifier les projets qu'elle présente sont tout aussi choquants, les commentaires virulents, à la limite de la misogynie et du tolérable. L'Association pour la défense de la langue arabe et l'Association des oulémas ne sont pas en reste. A travers des déclarations publiques ou des réactions distillées sur le net, ils l'accusent ouvertement d''être «une ennemie de la langue arabe» partie en «croisade contre l'un des constituants de l'identité nationale». Ils exigent de la ministre un retrait pur et simple du projet de l'enseignement de la langue maternelle destiné à intégrer l'enfant de la meilleure manière qui soit dans le système éducatif. Ce projet fait suite à une série d'études menées par des pédagogues, des académiciens et des scientifiques connus pour leur professionnalisme. Ils en ont déduit que les échecs scolaires sont en grande partie dus à la difficulté qu'apporte la langue arabe. Les résultats de leurs travaux sont la base même des réformes qui devront être introduites. Parmi elles, la généralisation du préscolaire, qui permettra aux enfants d'avoir tous une même base scolaire, l'élargissement de l'enseignement de tamazight, et bien sûr l'entrée en vigueur d'un enseignement dans la langue maternelle de façon à permettre aux élèves de faire leurs premiers pas en toute sécurité. Pour toutes ces raisons, Benghebrit a même été taxée de «juive»... D'autres auraient sans doute cédé face à de telles pressions. Malheureusement, elle continue à faire face à ses détracteurs sans l'appui des partis de la mouvance démocratique dont le rôle est de se placer aux côtés de ceux qui se battent pour une école meilleure qui éviterait aux enfants algériens de se voir éjectés du milieu scolaire sans perspective. Les objectifs que s'est fixé Benghebrit sont pourtant ceux auxquels appellent depuis des décennies les démocrates soucieux d'établir des bases saines dans la societé à travers un enseignement adéquat. Le combat qui se mène aujourd'hui pour la réforme de l'école algérienne est un bouleversement historique qui nécessite le soutien de tout un chacun.