On le savait, les terroristes de tous bords ont fait de l'Algérie une terre de prédilection d'où leur «révolution» devait s'ébranler pour «remettre le Maghreb dans le droit chemin de l'islam». C'est le thème sur lequel s'est étalé un certain Abou Akram Hicham à travers ses Lettres du carnet de bord d'un moudjahid, un recueil de textes narrant la vie de celui qu'il a longtemps et de très près côtoyé : Oussama Ben Laden. Entre le maître-penseur des attentats des tours jumelles de New York et l'Algérie, c'est une longue histoire qui les unit, depuis la guerre d'Afghanistan (1979-1989). C'est, en effet, dans les maquis afghans que Ben Laden a appris à connaître les «moudjahidine» venus d'Algérie, ceux-là mêmes qui allaient bénéficier de sa générosité consistant à leur offrir toutes les conditions afin de se préparer pour le djihad en Algérie où, il considérait que les conditions étaient réunies pour engager une nouvelle guerre sainte. Le milliardaire d'origine saoudienne mettra ainsi à la disposition exclusive des combattants algériens les camps d'entraînement d'Al-Farouk et Badr dans la région de Jalalabad, 150 kilomètres à l'Est de Kaboul, raconte Abou Akram Hicham, l'auteur des tranches de vie de Ben Laden, qui un peu plus loin dans son texte s'arrêtera sur les péripéties des combattants qui, dans leur parcours vers les maquis algériens, se retrouvaient contraints de se retrancher au Maroc après avoir été chassés du Sahara algérien. Chez nos voisins de l'ouest, les islamistes armés algériens trouveront des autorités locales qui avaient décidé de fermer les yeux sur leur présence, prises qu'elles étaient par leur préoccupation majeure : la guerre avec le Polisario. Et puis, c'était un moyen comme un autre que se sont trouvés les Marocains pour «faire pression sur l'Algérie», écrit l'ami de Ben Laden. L'idylle entre les autorités marocaines et leurs «invités»n'a pas fait long feu, puisque peu après, des arrestations étaient opérées dont celle de l'«émir» Abdelhak Layada qui, sur des pressions françaises, sera finalement remis aux autorités algériennes. Les fuyards parmi le contingent de combattants algériens pourchassés au Maroc, commandés par Abou-Layth Al-Msili, se dirigeaient alors en direction du Soudan où ils se sont engagés à préparer, grâce à l'assistance matérielle d'Oussama Ben Laden, leur retour en Algérie. La relation entre Oussama Ben Laden et le GIA de triste mémoire ne s'est jamais altérée d'autant que le groupe terroriste algérien ne s'est pas fait trop prier pour déclarer son allégeance au milliardaire saoudien. Ce dernier exigeait tout juste, selon l'auteur du Carnet de bord de Ben Laden, d'avoir un droit de regard sur la «méthode et les buts» du groupe candidat à la bénédiction du cheikh Oussama. Les garanties offertes par le GIA n'ont pas eu le don de satisfaire Ben Laden. Les rapports des émissaires du cheikh, qui se sont succédé sur le territoire algérien pour prendre langue avec le GIA, n'étaient pas trop favorables, ils ne concordaient pas avec le djihad tel que le concevait Ben Laden. «Le GIA a perdu l'opportunité de gagner le soutien du cheikh Oussama Ben Laden, donc sa grande chance de vaincre», relate Abou Akram Hicham. Pourtant, ce dernier affirme que les émissaires étaient nombreux à avoir tenté de faire rallier le GIA à la cause telle que la voulait Ben Laden. Ainsi, se fiant au compte-rendu de l'un de ses émissaires en Algérie, un certain cheikh Attia, Ben Laden a décidé de l'arrêt de la publication Al-Ansar et des communiqués du GIA. Puis, en août 1995, apparaissaient ce que l'auteur appelle «l'affaire de la mort de Mohammed Saïd et de ses compagnons» ainsi que d'autres sombres questions qui n'ont fait que diminuer «l'estime» qu'avait Ben Laden pour le GIA. Celui-ci trouvera, par contre, une ouïe beaucoup plus attentive chez d'autres djihadistes dans les maquis algériens, très marqués par les attentats du 11 septembre 2001, précise l'auteur. «A l'instar d'individus comme de groupes de par le monde, d'Algérie parvenaient à Oussama des offres d'allégeance», raconte le compagnon de Ben Laden, le maître à penser du terrorisme islamiste qui avait à cœur de redorer l'image du djihad en Algérie, entachée par les pratiques «déviationnistes» du GIA. C'est ainsi que naquit le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et porte-étendard d'Al-Qaïda au Maghreb avec comme mentor le dissident Hassan Hattab.