Il n'existe pas de statistiques fiables quant à l'évolution du cancer de la thyroïde en Algérie. Néanmoins, les spécialistes sont unanimes à dire qu'il y a une augmentation certaine de cette pathologie. Il est même avancé le chiffre de 200 nouveaux cas par an. Deux patients partagent leur expérience, une façon d'exorciser leur mal. Soumeya, célibataire : «La clinique privée m'a arnaquée» Trois ans après avoir combattu son cancer de la thyroïde, Soumeya essaye de vivre le plus normalement du monde tout en suivant son régime alimentaire et son traitement médical. «De ma maladie, j'ai tiré deux leçons : la première, l'argent n'est pas tout ; la seconde, nous avons encore de bons médecins consciencieux», dit-elle de prime abord. Et pour arriver à ces conclusions, Soumeya relate son parcours de patiente. «C'est en sentant que j'avais du mal à avaler et ayant l'impression que quelque chose m'étranglait, que je me suis rendue chez un médecin généraliste. Il m'a ensuite orienté vers un endocrinologue. La suite est assez classique pour le commun des patients. Je pense qu'avec ma famille, nous nous sommes trop précipités dès que nous avons appris que j'avais un cancer de la thyroïde. Etant suivie par un médecin privé, je n'ai même pas pensé à me documenter sur la maladie ou plus encore, à faire des recherches sur les meilleurs soins à avoir. En fait, dès que j'ai su que j'avais un carcinome papillaire de la thyroïde, je me suis orientée vers une clinique privée. Sans préparation psychologique, tout est allé vite. Ils ont procédé à une ablation, mais ils ne m'ont extrait qu'un seul lobe et cela m'a coûté la modique somme de 700 000 DA pour deux nuits à la clinique. C'était de la pure arnaque et j'estime aujourd'hui que ce n'était pas des médecins mais des voleurs. C'est pour cela que je dis que l'argent à lui seul ne suffit pas, il faut aussi prendre le temps de se renseigner. Les résultats de l'anatomie pathologique ont révélé un carcinome papillaire et là j'ai dû subir une deuxième intervention chirurgicale pour tout enlever. Sauf que cette fois-ci, je me suis rendue dans un hôpital public. En ce qui me concerne, je suis tombée sur une équipe de soignants très humains et compétents. Ils ont senti ma détresse et m'ont accompagnée de façon très solidaire. Mon chirurgien traitant, très soucieux et consciencieux, passait voir les malades même la nuit. Chose rare, je dois le dire. Il faut dire aussi que j'ai eu beaucoup de chance. Une place s'est libérée 13 jours seulement après la chirurgie au niveau de l'hôpital Mustapha, au service Centre Pierre-et- Marie-Curie (CPMC), pour la séance d'ionisation. Il s'agit de prendre une dose d'iode, j'y suis restée 5 jours en isolement. Après un an et demi, on m'a administré une autre dose d'iode mais cette fois-ci, c'est une dose traceuse juste pour faire un balayage et savoir s'il reste encore des résidus. C'est pour cela que je dis qu'il y a encore de bons médecins en Algérie, certes rares, mais il faut les encourager.» Mohamed : «Accompagner mon épouse le mieux possible» «Ce n'est un secret pour personne, si la maman va bien, toute la maisonnée va au mieux, et si c'est le contraire, tout va de travers.» Mohamed résume ainsi sa présence auprès de son épouse durant toutes les étapes de sa maladie. «Lorsqu'on a suspecté le mal, c'était comme si un tremblement de terre avait ébranlé toute la famille. Mes enfants n'ont pas pu suivre leurs cours normalement les premiers temps. Et puis, j'ai décidé de prendre un congé sans solde, heureusement que nous avions quelques économies. Ensuite j'ai demandé de l'aide auprès de ma belle-famille pour qu'elle soit présente pour mes enfants. Je dois dire que je ne peux pas compter sur mes parents lorsqu'il s'agit de mon épouse», poursuit Mohamed tout en regardant les allées et venues du personnel médical et des malades. «Je pense que mon épouse s'en sortira et j'y veillerai avec l'aide de Dieu. Ce qui est lamentable, c'est la qualité de service au sein de l'hôpital. Après l'ablation totale et le curetage des ganglions, mon épouse va entamer dans quelques jours sa cure d'iode. J'ai beaucoup galéré pour lui trouver une place. Il y a ceux qui attendent depuis six mois. Je ne voulais pas que cela arrive à mon épouse. Apparemment, il n'y a que deux centres d'ionisation. L'un à hôpital miliaire de Aïn Naâdja et le second ici (CPMC, à l'hôpital Mustapha, ndlr). Je suis en train de faire des recherches pour que ma femme puisse passer une bonne séance ou à la rigueur la moins éprouvante possible», poursuit-il. Ceci avant d'indiquer discrètement avec son index la réception au niveau du Centre Pierre-et- Marie-Curie : «C'est désolant d'avoir un accueil aussi dénué pour des malades atteints de cancer. On dirait que nous sommes dans un pays des plus pauvres d'Afrique. Mais heureusement, une fois rentrée en chambre plombée, ce n'est plus la même chose, nous sommes entre les mains de vrais spécialistes. Je les remercie d'ailleurs pour les efforts fournis avec le peu de moyens qu'ils ont. De plus, ce que je n'admets vraiment pas, et hormis les médecins, il n'y a aucun respect pour le malade que ce soit la femme de ménage, l'infirmière ou les chefs. Le côté humain est absent, on dirait qu'ils n'ont pas conscience de la noblesse du métier qu'ils exercent et surtout à qui ils s'adressent.»