Par Belkacem Lalaoui «Il y a dans la plénitude du geste sportif réussi un instant de divinité» (T. Maulnier) Partie intégrante de la culture de personnes d'âges divers, le phénomène social football professionnel, comme modèle de la pratique sportive de haut niveau, comme genre particulier d'affrontement collectif soigneusement codifié par des lois, et comme forme particulière d'expression culturelle, ne cesse de se dégrader en Algérie. L'éclat extérieur dans lequel il vit dissimule mal toutes les tensions et les contradictions qui le traversent. Affecté de manière chronique par la tricherie, la corruption, le dopage et la violence, il donne lieu à une culture sportive déviante, d'expression violente. Favorisant la résurgence de comportements archaïques, habituellement refoulés, il nous renseigne sur l'aire culturelle qui le produit, le type de société qui l'investit et les valeurs qui façonnent une communauté. Comme phénomène social spécifique, il met en évidence les maux majeurs d'une société en proie à des dysfonctionnements permanents et multiples. Le pouvoir de rayonnement et de mobilisation qu'il suscite week-end après week-end dans toutes les couches de la population a comme disparu. Il ne constitue plus ces moments chauds de la vie sociale, c'est-à-dire ces petits liens de sociabilité de proximité, qui créent une passion commune et façonnent les identités. Les valeurs et les normes de conduite, qu'il est censé véhiculer, n'arrivent plus à discipliner moralement les supporters. Les champions, proposés à notre admiration, ne sont plus les symboles de l'excellence sociale et morale. Ils ne représentent plus un puissant repère identificatoire, un précieux stimulant, un modèle d'action, un exemple de réussite, capable d'enthousiasmer la jeunesse algérienne d'aujourd'hui. Ce sont de simples sportifs se vendant au plus offrant, qui ne jouent plus pour un groupe, une collectivité, une communauté, mais pour une marque, un sponsor, un patron. «La soif du profit individuel aurait remplacé l'amour du maillot.» Aussi est-il devenu nécessaire pour les responsables du système sportif de déceler les causes, qui expliquent une telle dégradation du football en Algérie, et de s'interroger sur la pertinence des catégories et des instruments d'analyse qu'il faut poser sur ce phénomène social. Car, ce qui est avant tout mis en cause, ici, c'est bien la tendance qui consiste à attribuer au football algérien une portée sociale et culturelle, qu'il a perdue, et qu'il ne joue plus. Certes, les apparences subsistent, mais toute conviction a disparu. Géré par des responsables qui n'ont aucune attache traditionnelle avec le sport, le football professionnel algérien a conduit au fétichisme, à la superstition et à l'idolâtrie. Il ne participe à aucun progrès sociétal. Simple «politique d'encadrement pulsionnel des foules», il est devenu, au sens que lui donnent certains sociologues, un sport de l'aliénation des consciences, un moyen de détourner les masses d'une vision claire des grands problèmes de l'existence individuelle et collective ; c'est-à-dire, un puissant narcotique, une drogue : un nouvel opium du peuple, qui favorise l'abrutissement intellectuel et la passivité politique. C'est un semblant de football professionnel destiné à distraire une peuplade surexcitée, querelleuse et vindicative, qui ne veut pas rester tranquille. Fonctionnant dans la plus étrange et la plus complaisante anarchie, avec des règles et des valeurs dévoyées et perverties, il a fait disparaître des grands clubs des êtres de légende et l'envie d'être ensemble. C'est un football professionnel «vague» et «leurrant», qui ne véhicule plus les véritables vertus du sport : la morale de l'effort, l'esprit de sacrifice, la solidarité, le sens de la collectivité, la tolérance, le respect de la règle, etc. Dans son organisation actuelle, il symbolise l'esprit d'une culture sportive décadente, dans un système des sports décadent. Depuis son avènement, beaucoup de gens «d'en bas» et «d'en haut» évitent de se rendre au stade, ils restent chez eux tous les week-ends devant la télévision pour regarder le match : «... chacun dans sa classe et son alvéole, sa classe sociale, puis sa classe de médicaments» (P. Yonnet). Aujourd'hui, la plupart des dirigeants considèrent le club de football professionnel comme leur propriété privée, leur domaine, leur région, leur monde, leur «Reich». Ils passent leur temps à bavarder de «leur club», pour ne presque rien dire ou, en gros, pour dire toujours la même chose : démissionner pour rester. En rupture totale avec le monde qui les entoure, ce sont des dirigeants qui ne tiennent compte d'aucune loi, et qui utilisent le club de football professionnel pour en tirer des profits politiques et matériels ; pour se fabriquer une identité sociale monstrueuse qui les rend «uniques». Des dirigeants, qui préfèrent gagner sans honneur que perdre noblement. Cette manière d'envisager le football professionnel est un signe de pourrissement du mouvement sportif national, en tant que système des sports. Un mouvement sportif national délabré et en pleine dérive, qui continue encore de mimer (le mimétisme conduit à une certaine déculturation) pour éviter la peine d'éduquer, de former et d'inventer. Le football professionnel algérien est devenu «une composante du monde des affaires» : il ne peut être compris dans toute sa complexité, que si on le replace dans le contexte social dans lequel il s'inscrit. De ce point de vue, on ne peut sous-estimer le rôle que jouent les mentalités, les croyances provenant des horizons les plus divers, les fictions idéologiques, les représentations sociales et les idées reçues, voire les magies dans le fonctionnement et la gestion du football professionnel algérien. Le club de football professionnel : un modèle et un emblème de la société de performance A partir des années 2010, on assiste à l'instauration du professionnalisme dans le football et, plus globalement, à la professionnalisation du sport, c'est-à-dire à la transformation du spectacle sportif en une pratique sociale de spectacularisation. L'objectif, clairement affiché, est de transformer le club de football amateur en une entreprise performante, qui organise des compétitions de haut niveau de façon ultime et permanente. La modernité sportive est pensée, ici, comme le remplacement mécanique d'une structure traditionnelle (le club amateur) par une organisation nouvelle (le club professionnel) dans laquelle vont s'impliquer de façon plus ou moins active des agents du changement (les professionnels). Il s'agit, en fait, de construire un club de football spécialisé dans le spectacle sportif, possédé par des propriétaires privés, qui sont là pour servir, en même temps que leurs intérêts, ceux du club (de l'entreprise) qu'ils ont investi. Forme nouvelle de mobilisation collective, le club de football professionnel ne se décrète pas, mais s'édifie lentement au fil des décennies et au rythme de renouvellement de générations. Valorisant le travail d'équipe, la division des tâches et la planification collective, son insertion dans le tissu social et économique s'avère être un processus lent et complexe. Dans les pays en voie de développement, le club de football professionnel doit jouer un rôle d'éducation et de formation pour développer des modes d'intégration de l'innovation de la technologie du sport, qui lui sont spécifiques. Pour ce faire, il a besoin d'une gouvernance à «mains multiples», qui repose sur des «compétences spécifiques», c'est-à-dire sur des «savoir-faire» pointus et variés. La formalisation des «compétences spécifiques» et la «formation» constituent des actes essentiels dans le processus d'édification du club de football professionnel. Dans cette perspective, on s'aperçoit que la pénétration récente de la professionnalisation n'a pas poussé les responsables à mettre en place un «modèle de développement du football professionnel», qui tracerait clairement le parcours du «footballeur professionnel algérien». Un modèle de développement, qui doit chercher à améliorer son organisation et ses performances à travers des «centres de formation d'excellence» intégrés aux clubs. En effet, c'est dans ces «centres de formation d'excellence» (écoles de sport, académies, etc.), que l'on peut pratiquer une pédagogie différenciée, celle qui crée des situations d'apprentissage adaptées pour les jeunes talents, en prenant en compte leurs différences sociales, cognitives, psychoaffectives, motrices, etc. Au sein de ces établissements de formation, destinés à fabriquer les joueurs de demain, on doit pouvoir distinguer ce qui est local ou singulier (le local produit de la différence et de la singularité) et ce qui est universel dans le processus d'apprentissage des gestes techniques. La synthèse des deux modèles (le local et l'universel), ou plus exactement leur dialogue, doit aboutir à élaborer une méthode d'entraînement particulière pour les jeunes talents, à créer un style de jeu spécifique et à édifier une «école de football» qui puisse prendre en compte l'inventivité et la créativité du joueur de football professionnel algérien. Ce sont là les trois ressorts de base, parmi d'autres facteurs multiples et complexes, nécessaires à toute réussite dans le football moderne. Aujourd'hui, il existe une multitude de modèles de «centres de formation d'excellence» : allemand, français, anglais, italien, espagnol, etc. Tous ces «centres de formation d'excellence» s'appliquent à mettre en œuvre une méthodologie rigoureuse de détection et de sélection à différents niveaux (local, régional, national), et ce, afin de repérer et de retenir les jeunes talents à haut potentiel, dès le début de leur carrière. Ces centres sont en principe dotés d'un système d'évaluation performant, qui nécessite la mise en place d'une équipe composée de médecins, physiologistes, psychologues, informaticiens, etc. Une équipe pluridisciplinaire, qui a pour tâche d'aider les entraîneurs à améliorer leurs connaissances scientifiques, portant principalement sur les méthodes d'entraînement sportif modernes. C'est ainsi, que l'entraînement des jeunes talents doit être accompagné d'une formation psychologique, qui réponde aux exigences du sport de haut niveau. Dans ce volet sensible de la formation, des psychologues du sport soulignent, dans leurs études, que si un athlète est incapable de «contrôler ses émotions» ou encore de «mentaliser ses sensations», il est prédisposé à l'échec, et cela quel que soit le sport. Le football professionnel algérien pose, aujourd'hui, un certain nombre de problèmes psychologiques spécifiques, qui ne sont pas pris en charge dans la formation du joueur. Comme on peut le constater, le statut d'athlète ne s'acquiert pas dès la naissance, mais se conquiert par des efforts assidus, une discipline et une éthique. «Il faut y faire ses preuves : c'est une expérience rare dans une société dans laquelle celui qui est bien né est né tout fait» (Da Matta). Finalement, la transformation des clubs de football professionnel algériens en entreprises économiques donne à voir deux choses. En premier lieu, on observe le non-respect flagrant en matière de normes dans le domaine de la détection, de la sélection et de la formation. En second lieu, on assiste à un sentiment de dépossession qu'éprouvent les supporters, en les éloignant des formes de participation auxquelles ils aspirent. Il faut donc ramener le football algérien à son «épreuve de grandeur», c'est-à-dire à ses fonctions spécifiques d'éducation, de formation et de socialisation. Car, une vie de footballeur professionnel est double : elle est faite certes d'exercices et d'entraînements, mais aussi d'éducation et de culture. Le club de football professionnel : un foyer de progrès social et culturel Pour réussir sa vocation sociale et culturelle, le club de football professionnel doit être un élément et un emblème de la culture populaire par excellence, dans le sens que lui donne le philosophe Y. Vargas ; autrement dit, une culture qui noue entre les hommes des ententes et des complicités : «une culture qui soude les hommes». En effet, le club de football professionnel comme moyen d'affirmation de l'identité sociale, comme expression de différents styles de supporterisme et comme composante de la mémoire collective, doit jouer un rôle fondamental dans la construction des liens sociaux. Dans la plupart des pays développés ou sous-développés, le club de football professionnel a toujours eu en charge les grands idéaux de la société : élever le niveau sportif, renforcer le fair-play, affermir le sentiment d'identité nationale, adoucir les mœurs, améliorer la morale de la nation, etc. Par la puissance de la mobilisation émotionnelle qu'il dégage, le club de football professionnel est souvent associé et présenté comme le principal symbole de la ville, de la région, du pays. Dans l'imaginaire populaire, il engage toujours l'image d'une morale héroïque de l'honneur d'une communauté. Il est perçu comme une institution, qui fait émerger l'idéal de l'athlète exceptionnel (le héros) : un homme qui se distingue du reste des hommes, quelqu'un qui combat pour incarner dans sa conduite un certain idéal, une certaine qualité de l'existence, un code contraignant de conduite et d'honneur. Un homme reconnu par la société comme étant son image et son modèle. Un homme de prouesse capable d'influer massivement sur les comportements des jeunes en quête d'identité et d'identification. De ce point de vue, il ne faut pas oublier qu'à l'époque classique (c'est-à-dire avant la mise en place du professionnalisme), le club de football amateur faisait partie déjà, faut-il le rappeler, des institutions de base de la communauté comme la famille, l'école, l'association de quartier, etc. Modelé par une constellation de valeurs à forte teneur consensuelle (la générosité, la loyauté, la vaillance, le courage, la solidarité, l'honneur, la honte, etc.), il offrait un espace ouvert plein de liberté et de fraternité vers lequel convergeaient des adhésions volontaires, des formes de participation et d'implication citoyennes plus ou moins fortes. Par les rapports qu'il nourrissait avec son environnement, le club de football amateur jouait un rôle phare dans la constitution du lien social (l'échange, la coopération, la solidarité, etc.). Il accompagnait et soutenait le développement d'une culture civique. Il faisait fonctionner «les valeurs politiques de la démocratie dans la quotidienneté» (A. Ehrenberg). C'était un principal lieu de la cité, où l'on venait pour multiplier et perfectionner l'héritage sportif ; un lieu de rencontre et de reconnaissance où chaque génération passait à une autre, d'une manière concertée et organisée, la science de ses gestes sportifs : l'art de jouer au foot. Par la turbulence festive qu'il procurait, il assumait la fonction de remettre périodiquement à neuf la communauté, en lui insufflant de la vigueur et de la joie. Il participait à égayer la vie des gens, à les rendre plus humains. Aujourd'hui, le caractère festif du club de football professionnel algérien a disparu. En s'éloignant de ses véritables fonctions sociales et culturelles, le club de football professionnel est devenu une coquille vide : un simple décor. Il n'exerce plus les nobles fonctions pour lesquelles il a été créé. Pour des raisons obscures, il s'est transformé en un simple instrument politique : il s'est caporalisé. Or, l'expérience de par le monde nous montre que lorsque le club de football professionnel est utilisé à des fins d'instrumentalisation idéologique mystificatrice, il ne produit que du mécontentement, de la rancœur, de l'hostilité, de la haine, de la vengeance et de la violence. Car «jamais aucun régime ne s'est instauré, ni n'a perduré ni n'a été prolongé par le fait du sport, par l'utilisation ou l'abus du sport. Jamais l'Histoire n'a été modifiée par l'histoire du sport, par une manifestation sportive. Le sport ne fait pas l'histoire : il ne fait que l'histoire du sport...» (P. Yonnet). Finalement, on constate que lorsque le club de football professionnel ne remplit pas convenablement ses fonctions sociales et culturelles, il verse mécaniquement vers une production plus immédiate de la violence. Il instaure l'esprit guerrier en temps de paix. Le club de football professionnel algérien : une institution qui produit de la violence en excès Depuis sa professionnalisation, le football des clubs algériens a généré une culture du supporterisme extrémiste accompagnée de comportements transgressifs, qualifiés de «barbares». Cette forme de violence dionysiaque, inhérente au football professionnel, ne peut être en aucun cas associée de manière univoque à une causalité particulière. Elle est due, pour une grande part, à ce que le football professionnel comme noyau dur de la culture sportive a été introduit, en Algérie, d'une manière expéditive et de façon brutale : d'un simple coup de pied. Les instances dirigeantes du football algérien n'ont pas fourni un gros effort d'analyse et de pédagogie, pour amener les clubs et les professionnels de ce secteur à adhérer volontairement à ce «modèle sportif» de pratique, destiné à promouvoir la compétition et la performance au sein d'une société en quête de modernisation. D'où un pessimisme chez certains acteurs du mouvement sportif national, qui se demandent comment et pourquoi pareil phénomène vient à se produire subitement dans une société, qui n'est sportive qu'en apparence et où le sport est absent du quartier, de l'école, du lycée et de l'université. D'autres acteurs considèrent tout simplement que le football professionnel est synonyme de corruption, de dopage et de violence : c'est un sport qui véhicule, disent-ils, une morale de valeur douteuse. En effet, après le dernier grand scandale de la Fifa (version Havelange, Blatter, etc.), on ne peut que constater, avec frayeur, que le monde du football professionnel s'avère être : une mystérieuse et toute-puissante nébuleuse, une gigantesque corporation de la fraude et de la corruption, un monstre souterrain effrayant, une sorte de franc-maçonnerie prédatrice dont les membres s'engagent solidairement à vivre de magouilles, de fraudes et de corruption, et dont la règle d'or est l'omerta, la loi du silence. Malheureusement, le football professionnel algérien s'illustre, lui aussi, par cette culture de la magouille, de la fraude, du dopage, de la corruption et de la violence. Envahi par l'argent, la politique et l'esprit tribal, il est devenu un lieu où les jeunes supporters viennent pour menacer, insulter, injurier et se battre. L'usage de la force aveugle et de la brutalité agressive, dans le football professionnel algérien ne choque plus personne. L'augmentation et la radicalisation de la violence dans différentes rencontres sportives semblent indiquer, qu'il s'agit bien, là, d'un «trait culturel particulier» profond, d'une «structure du comportement» qui fait partie d'un mode de vie, ou encore d'un «archétype» enseveli dans les ténèbres d'un «inconscient collectif», selon l'hypothèse de Jung. Dans certains clubs, le supporterisme est devenu une affaire sérieuse et radicale, par la violence particulière qu'il met en avant. Les matches de football sont devenus de véritables «règlements de comptes», à peine déguisés. Ils tendent à perpétuer les haines et les vengeances sans fin, dans leur dimension la plus tragique, entre des groupes de jeunes supporters de différentes localités. Dans la culture algérienne, les matches de football permettent aux jeunes supporters d'exercer et de démontrer avec férocité leur masculinité (leur virilité physique) par les actes les plus téméraires, voire insensés, c'est-à-dire le droit à la vulgarité verbale et gestuelle, aux insultes blessantes, à l'agression immédiate et incontrôlée, à l'affrontement virulent, aux coups et à la bagarre, etc. Pour ces jeunes supporters, la défaite de l'équipe s'exprime toujours en termes d'«impuissance» et de «stérilité», et la victoire en termes de «jouissance». Le match de football professionnel algérien a perdu tous ses caractères rituels, il retourne à ses origines violentes. Même l'arbitre éprouve de la difficulté à faire régner l'ordre et la loi : «Il n'est plus le juge d'application de la règle, c'est un psychologue de plein air, ou encore un habile diplomate qui négocie avec la foule hurlante l'équilibre politique des pénalités» (J. Julliard). On s'aperçoit, en définitive, que dans cette banale histoire «de pieds, de ballon, de buts et d'arbitre», on assiste, en fait, à un déchaînement aveugle des passions, à un retour volontaire vers des modes archaïques d'existence collective : comme une revendication de tribalisme. Aujourd'hui, chaque club de football professionnel compte ses groupes de jeunes supporters radicaux, qui sont prêts à en découdre avec l'adversaire : l'ennemi. Chaque groupe de jeunes supporters cherche à établir sa loi sur un club. La violence est devenue leur substance, leur identité nouvelle. Edifié sur le culte de la force et de la brutalité agressive, le football professionnel algérien s'est emballé ; il a oublié ses fonctions essentielles, et notamment l'éducation. Renforçant les tensions sociales déjà existantes, il a installé la guerre larvée : la lutte de «tous contre tous». En voulant moderniser le football algérien (le professionnaliser), on l'a livré à la médiocrité et à l'incompétence : on l'a tribalisé. On a encouragé le retour au déchaînement de la nature dans la culture, aux pulsions sauvages, à la haine destructrice, à la vengeance sans fin, à la violence réciproque où domine la loi du talion, et où il ne s'agit plus de triompher mais d'anéantir l'adversaire (l'ennemi) par n'importe quel moyen. En fin de compte, on a instauré dans une activité humaine d'éducation et de formation l'usage de toutes les violences possibles. Tout est désormais faux dans le football professionnel algérien. A moins de mettre de l'ordre dans ce capharnaüm, nous nous dirigeons droit vers un football professionnel en «tribus», où tout peut arriver.