La chanson raï originale de Aïn-Témouchent sera proposée au classement de l'Unesco en tant que patrimoine immatériel, selon les services de la Direction de la culture de la wilaya. Ce genre musical local originel a fait l'objet de l'élaboration d'un dossier qui a été transmis au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah) d'Alger qui, à son tour, le transmettra à l'Unesco pour un classement au patrimoine immatériel de l'Humanité, a indiqué Benabderrahmane Brahim. Les responsables du Cnrpah se sont d'ailleurs rendus à Aïn-Témouchent où ils se sont renseignés sur cette initiative qui constitue un grand acquis pour l'Algérie et pour la wilaya de Aïn-Témouchent, souligne-t-on. Le raï traditionnel sera le troisième genre musical à être proposé au classement de l'Unesco, après l'ahellil du Gourara et l'imzad des femmes touaregs. Le raï est un genre musical algérien né probablement au début du 20e siècle dans la région de l'Oranie (il est peut-être beaucoup plus ancien). Les régions d'Oran, Sidi-Bel-Abbès et de Aïn-Témouchent «revendiquent» le lieu de naissance exact de cette musique. Genre traditionnel au début, il était joué avec des accompagnements comme la guesba (flûte de roseau) et des percussions comme le guellal et la derbouka. Sa particularité était le fait qu'il n'était chanté que par les femmes. Beaucoup d'ailleurs le considèrent comme la «branche» féminine du bédoui, la musique bédouine de l'Ouest algérien. Le mot «raï» signifie «opinion», «avis», «sagesse» et «conseil» à la fois. Dans presque toutes les chansons raï, les femmes se «lamentent» en criant «ya raï yaaa !». Dans ce contexte et dans ce sens, les femmes regrettent plutôt leur manque de «raï» (sagesse) et maudissent ce «raï ettalef» qui leur a fait faire des «bêtises» qu'elles vont payer chèrement. Selon le journaliste Mohamed Balhi («Dis-moi mon sort», Algérie-Actualité, 10 août 1980), le mot «raï» viendrait de l'époque où le cheikh (maître), où le poète de tradition melhoun du style bedoui et plus précisément sa variante le wahrani citadin, prodiguait sagesse et conseils sous forme de poésies chantées en daridja. Mais même dans le raï d'aujourd'hui, il s'inscrit dans le contexte de la complainte populaire. Ainsi le chanteur aussi bien que la chanteuse se plaignent de leurs propres malheurs en se blâmant. Il s'adresse ainsi à sa propre faculté de discernement, à son raï qui, cédant aux sentiments, l'a conduit à prendre les mauvaises décisions. Cheb Khaled, qui gaspillait son argent à droite et à gauche, a un jour avoué : «Mes amis me disent souvent : ya Khaled tu chantes le raï, mais tu n'as pas de raï !» A la fin des années 1970, est apparu le raï moderne appelé à l'époque le «pop raï» ou encore le «raï pop». Bellemou venait de remplacer la guesba par le saxophone. Le synthétiseur, l'accordéon, la batterie, la guitare, etc., vont suivre. Les chebs et les chebettes vont remplacer les cheikhs et les cheikhate. Mais dans les maquis, les montagnes et les campagnes, le raï traditionnel résiste.