Le monde de la littérature algérienne sera très prochainement enrichi d'un nouvel ouvrage : La repentance de Farid Bencheïkh. L'auteur, docteur d'Etat en criminologie de l'université de Paris II, est responsable général de police. Egalement titulaire du diplôme de troisième cycle en psychanalyse de l'université de Paris VIII, il a eu à occuper de hauts postes de responsabilité à la DGSN où il s'est penché, de longues années durant, sur le phénomène du terrorisme. Produit d'un long moment d'observation et de réflexion, La repentance vient aujourd'hui combler un grand vide en matière d'écrits sur la décennie noire. Dans un exercice de style à la hauteur de l'importance du sujet, Farid Bencheïkh mène au fil des pages le lecteur dans les arcanes d'un dialogue entre un terroriste impliqué dans des massacres de grande ampleur et un imam. Confrontation du discours de deux personnages autour de l'interprétation de la religion, du concept de la vie et de la mort, de l'humain et des valeurs qui l'entourent... Dans le préambule de l'ouvrage, on apprend que le «dialogue entre le terroriste et l'imam est construit sur la base des révélations d'activistes arrêtés ou repentis. Le profil psychologique du terroriste, acteur principal de l'histoire, est élaboré à partir d'entretiens avec un assassin, tueur en série. Les révélations sur les assassinats collectifs de Raïs et Bentalha sont extraites de l'entretien avec ce même criminel qui n'a, à aucun moment, tenté de nier son implication dans les massacres». A l'inverse, «le rôle de l'imam contrairement à celui du terroriste est imaginaire». La rencontre entre les deux hommes se fait au hasard d'une tournée de vérification de l'imam dans la mosquée où il officie. Il est attiré par une «voix». En s'approchant, il aperçoit un homme blessé à terre. Il est blessé. Il est armé. Le terroriste vient d'échapper à un accrochage. L'imam ne sait pas encore à qui il a affaire. Il se penche vers lui en l'appelant «mon fils» mais le blessé rejette cette sollicitude et dévoile son identité : «Je suis un soldat de Dieu.» L'imam l'invite à se repentir. Le dialogue s'enclenche. Entraînant. Captivant. Le choix des mots pousse souvent à la réflexion. A des pauses. Le débat est de fond. Les références historiques, religieuses, les hadiths sont passés en revue, interprétés selon les convictions de chacun, la vie du Prophète est passée en revue... Tout ce qui fait le monde des terroristes est passé en revue, minutieusement... Dans son diagnostic, l'auteur évoque «la fusion avec l'univers, la divination de soi, la béatification de la douleur et la souffrance de l'autre, l'anéantissement progressif de l'environnement, le désintéressement du monde, l'attraction qu'exerce la mort sur le sujet, l'improvisation d'une religion individualisée, l'absence du sens de l'autocritique et du discernement sont autant de caractéristiques qui président à l'élaboration du discours terroriste». Farid Bencheïkh parvient cependant à une conclusion : «Ce n'est pas de la part des politiciens qu'il faut attendre les solutions.» «Leurs expériences, leurs décisions peuvent constituer un matériau, des données expérimentales pour la recherche neutre et assidue, sans doute, mais c'est à la science que revient la tâche, combien difficile de jeter de la lumière sur ce phénomène». «Si l'on peut se hasarder à émettre une conclusion, au risque qu'elle soit prématurée, c'est en affirmant que la lutte contre «la chose terroriste» ne peut être efficace si l'on se contente des moyens technologiques et du savoir-faire dans le domaine de la lutte au sens opérationnel du terme. La matrice génératrice du mal demeurera vivace». La repentance, un livre édité par Casbah Editions, à lire et à méditer.