Le 21 mai 2003, à 19h44, un terrible séisme – 6,8 sur l'échelle Richter — a ébranlé la wilaya de Boumerdès et une grande partie de l'est de la capitale. Le bilan était lourd et les dégâts matériels extrêmement importants. Le tremblement de terre, dont l'épicentre a été situé, en mer, à 7 km au nord de la ville de Zemmouri, dans l'est de la wilaya de Boumerdès, a fait 2 277 morts et 11 450 blessés à divers degrés. Au niveau des dégâts matériels, 59 525 habitations ou infrastructures ont été détruites ou gravement endommagées. Ce bilan matériel a été évalué à 5 milliards de dollars. Ce séisme a mis, de manière brutale, à nu les insuffisances dans les secteurs des travaux publics, de l'habitat, de la construction et de l'urbanisme. Pis, il a jeté une lumière crue sur les malversations, le trafic dans le bâtiment et la corruption. Pour calmer, à la veille des élections (avril 2004) pour le troisième mandat de Bouteflika, une population traumatisée et scandalisée, les autorités ont d'abord déversé des milliards d'aides directes ou indirectes aux victimes et parfois à des gens qui n'en étaient pas. C'était utile pour le gain de la mobilisation et c'étaient des voix mobilisables. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont tenté d'incriminer une trentaine d'ingénieurs, d'entrepreneurs ou de revendeurs de matériaux de construction. Un procès a été monté. En première instance, les coupables ont été condamnés à de lourdes peines de prison (2 à 3 ans de prison ferme), mais vite acquittés en appel. Les magistrats se sont probablement aperçu que les principaux accusés, à savoir l'Etat et les décideurs du pays qui ont pour obligation de mettre en place une réglementation adaptée et surtout faire respecter la loi, n'étaient pas cités dans ce procès. Le dossier d'accusation est vite jeté aux oubliettes. Fort heureusement de ce drame, l'Algérie s'est retrouvée. En effet, le lendemain de la catastrophe un gigantesque élan de solidarité avec les victimes s'est manifesté. Par ailleurs, l'aide internationale s'est aussi mobilisée en masse, démontrant que le peuple algérien jouit toujours de la considération et de l'affection des autres peuples de la planète. Qu'en est-il 13 ans après, au plan de la sécurité de la construction ? On a bien reclassé le centre du pays dans la zone 3 des normes parasismiques de construction et on a imposé une étude de génie civil et la mise en place d'un voile en béton avant de délivrer un permis de construction mais globalement les mêmes procédés malhonnêtes sont toujours en vigueur, à savoir les malfaçons, les trafics sur le ciment et la passation douteuse de marchés. Dernière parade pour contourner les contraintes de la loi, la construction illicite. Ces constructions en marge de la loi se comptent par centaines dans la wilaya de Boumerdès. Souvent, cette construction illégale se fait avec la complicité des responsables locaux ou régionaux. Sinon comment se fait-il qu'un citoyen érige tranquillement une villa de plusieurs étages, à quelques centaines de mètres du siège de l'APC, de la daïra et du siège de la Wilaya de Boumerdès, sur une grosse conduite de gaz ? Il n'est pas le seul au quartier Foas, à la périphérie du chef-lieu de la wilaya de Boumerdès. Autre exemple scandaleux : un maire d'une commune balnéaire de l'est de Boumerdès a délivré, en toute impunité et contre quelques centaines de millions, une autorisation de construction et de commerce sur un terrain de 1 000 m2 appartenant aux services des Domaines. Ce ne sont là que quelques exemples. Par ailleurs, la fameuse loi 8/15 est une immense brèche ouverte à la régularisation des constructions bâties en dehors des délais légaux et la régularisation des terrains publics détournés. Les risques majeurs ne sont pas le souci des pouvoirs publics De son côté, le professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique, continue à attirer l'attention des responsables et tirer la sonnette d'alarme et, en même temps, à subir les foudres de hauts responsables du secteur de l'habitat et l'urbanisme. «Ce qui s'est passé à Boumerdès peut se reproduire dans d'autres villes du pays. Pour des raisons géologiques, d'historicité des séismes et démographique, la plus haute crainte se situe à Alger», a-t-il déclaré, lors du forum organisé par les deux associations de journalistes et correspondants de Boumerdès qui ont commémoré le drame de 2003 en présence du scientifique. Le professeur Chelghoum affirme que la notion de risques majeurs n'est pas prise en compte dans la gestion du pays, d'où l'absence d'une instance nationale spécialisée dans ce sens. «Or, tout le monde sait que l'Algérie est soumise à 10 aléas sur les 14 identifiés au niveau mondial», précisera-t-il amèrement.